Santé : bientôt le « sur mesure » dans les soins ?

Dans une époque où on peut commander des jeans adaptés à sa morphologie, il est temps de personnaliser davantage les soins. Ce serait bénéfique pour les patients, mais aussi pour le système de santé. Par Etienne Minvielle, École des hautes études en santé publique (EHESP) – USPC et Mathias Waelli, École des hautes études en santé publique (EHESP) – USPC

Vous êtes lassé d'atterrir dans des chambres d'hôtel qui se ressemblent toutes ? Des groupes hôteliers, dans différents pays, vous laissent désormais le choix du mobilier et de la décoration. Vous souhaitez un ordinateur avec davantage de mémoire et un processeur plus puissant, une chemise taillée sur mesure ? Tout se « customise » et même... la santé !

La personnalisation s'impose partout et devient le cœur de la relation de service. Dans ce flot d'expériences, il est un service pour lequel l'effort de personnalisation apparaît particulièrement justifié : celui des soins apportés à notre santé. Il semble logique que, lorsque nous sommes malades, nos besoins, demandes et préférences soient pris en compte par les professionnels rencontrés dans les établissements, les cabinets de ville, ou même à notre domicile.

Or, des études menées dans ce domaine montrent que si des dispositifs innovants se développent, ils souffrent d'en être seulement au stade expérimental. Ils peuvent pourtant être développés à grande échelle, si plusieurs conditions sont réunies.

Le soin personnalisé repose d'abord sur une capacité à définir des profils distincts de patients. Un savoir-faire qui existe déjà dans d'autres domaines, par exemple la grande distribution. Cet effort de catégorisation, qui relève du management de la « relation client », permet aux enseignes d'identifier vos préférences afin de vous faire des propositions ciblées. En santé, un tel effort est généralement entrepris à partir de classifications selon des critères cliniques.

Des traitements selon le profil génétique des patients

La médecine personnalisée développée grâce à la recherche clinique a notamment renouvelé l'exercice en mettant au point des traitements spécifiques selon le profil génétique des patients, par exemple dans le cancer. De manière plus large, les prises en charge peuvent être adaptées en fonction de la vulnérabilité sociale des patients. C'est déjà le cas pour les personnes âgées, dont le suivi s'adapte à leur degré d'autonomie

Cependant l'effort pourrait être amplifié afin de répondre à d'autres demandes. Par exemple, on pourrait proposer le recours aux médecines complémentaires aux patients qui les apprécient, une meilleure prise en compte des pratiques religieuses ou des coutumes locales. De même, les besoins d'information varient selon les patients - une personne en isolement social, notamment, requiert un suivi plus rapproché - et en tenir compte permettrait de mieux organiser leur prise en charge.

Dans cette catégorisation systématique des patients, l'e-santé peut jouer un rôle majeur. Le recours aux technologies de l'information et de la communication (TIC) permet de personnaliser des services sans coût faramineux. Un large volume de données peut être traité afin d'apporter en temps réel des réponses adaptées aux différentes catégories de bénéficiaires. Certaines applications commencent ainsi à proposer des suivis « sur-mesure » pour des patients diabétiques, ajustant la quantité d'insuline délivrée en fonction de l'alimentation ou de l'activité physique.

Un portail Internet pour les patients traités pour un cancer

Les TIC sont également de nature à encourager les échanges entre les équipes soignantes et les patients via des portails et des applications dédiées, facilitant leur accompagnement personnalisé dans, et hors les murs de l'hôpital. Par exemple, dans le cancer, un portail nommé Capri, développé par l'institut Gustave Roussy à Villejuif (Val-de-Marne), rend actuellement possible pour les patients l'échange d'information à distance avec des professionnels de santé sur leur traitement de chimiothérapie orale. Cela leur permet de mieux gérer les effets indésirables et d'ajuster plus précisément les doses.

Pour autant, il ne s'agit pas, pour le patient, de se contenter de relations virtuelles. La relation de face-à-face avec le soignant contribue elle aussi à la qualité d'un service personnalisé et met en jeu sa satisfaction, sa confiance et son engagement. Les professionnels l'oublient parfois... mais les patients sont particulièrement attentifs à leur « manière d'être », à l'empathie qu'ils peuvent témoigner, à leur clarté d'expression et leur capacité d'écoute.

De tels comportements, s'ils accompagnent l'expertise clinique, indiquent au patient que la spécificité de sa situation est reconnue et son vécu, pris en considération. Dans un contexte d'urgence, cela peut se révéler plus compliqué et l'appui des TIC se montrer fort utiles. Mais la plupart du temps, l'engagement des soignants dans une relation plus personnelle tient davantage à un changement de culture au sein des structures concernées. Les infirmières, particulièrement impliquées dans ces relations de face-à-face, peuvent jouer un rôle-clé dans la mesure où leur formation tient compte de ces aspects.

Des conciergeries dans des hôpitaux

Dans le même esprit, des réseaux et établissements de santé ont développé des conciergeries visant à répondre aux besoins pratiques des patients, comme envoyer ses vêtements au teinturier, se faire déposer des journaux ou faire venir un coiffeur.

La personnalisation permet, aussi des économies. Chaque action vis-à-vis d'un patient étant plus adaptée, elle limite des gestes ou services inutiles. Par exemple, des menus personnalisés ont permis de réduire d'un tiers la quantité de nourriture distribuée dans certains établissements de santé, limitant le gaspillage et améliorant la satisfaction des patients.

Un autre exemple ? Des applications ont été développées pour aider les patients à gérer leur traitement plus efficacement. C'est particulièrement utile pour les patients dits « complexes », car sujet à de nombreux soins et traitements simultanés. La capacité d'anticiper leurs besoins et de leur offrir des réponses organisationnelles adaptées peut conduire à une meilleure efficience, limitant notamment leurs venues aux urgences.

Les patients plébiscitent les approches plus personnalisées, puisqu'elles prennent en compte leurs besoins réels. Les bénéfices de ces stratégies ont déjà été démontrés dans d'autres secteurs économiques. Si une paire de jeans ou un séjour de vacances peut être conçu à la demande, pourquoi une logique similaire ne s'appliquerait-elle pas aux soins ?

The Conversation _______

Par Etienne MinvielleMédecin de santé publique, professeur de management, École des hautes études en santé publique (EHESP) - USPC et Mathias WaelliMaître de conférences, sciences de gestion, École des hautes études en santé publique (EHESP) - USPC

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 31/08/2017 à 10:36
Signaler
Intéressant mais mal parti, la comparaison avec des jeans adaptés à sa morphologie est grotesque. On parle de santé là, jamais un jean mal taillé ne pourra nous tuer, merci.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.