Santé des femmes : l'importance d'un investissement collectif pour une société plus forte

OPINION. 1 000 milliards de dollars par an au niveau mondial. Ce chiffre vertigineux représente le potentiel de stimulation de l'économie si les inégalités en matière de santé des femmes étaient comblées ! (1)
(Crédits : DR)

Aujourd'hui, la non-prise en compte du genre en santé génère des disparités économiques et psychologiques, impacte la durée de vie en bonne santé des femmes et fait perdurer de forts stéréotypes en santé (2). À titre d'exemple, malgré des symptômes similaires de troubles cardiaques, les femmes ont trois fois plus de chances que les hommes de voir leurs symptômes attribués à des facteurs émotionnels (3). Pourtant, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes : chaque jour, ce sont 200 femmes qui meurent des causes d'une pathologie cardiaque (4).

Pour les femmes, la recherche médicale, historiquement axée sur la reproduction, doit évoluer pour aborder de manière holistique les questions spécifiques à la santé des femmes. Depuis toujours, la majorité des travaux de R&D en santé - dont les essais cliniques - prennent pour référence le corps masculin (5). Il est temps de changer de paradigme, car ne pas prendre en compte le genre en santé revient à ne pas considérer les problématiques qui sont propres aux femmes.

En France, les consciences se réveillent et la parole se libère, permettant à la société d'évoluer sur certaines pathologies longtemps ignorées. Il faut désormais aller plus loin, car la santé de la moitié de la population doit être une priorité de santé publique.

Investir pour l'avenir

En ce 7 avril 2024, Journée mondiale de la santé, il est temps de réaliser que la santé des femmes n'est pas un coût, mais un investissement vital et que l'équité en matière de santé entre hommes et femmes est nécessaire.

Il est urgent de réduire le temps que les femmes passent en mauvaise santé (6). Pour les femmes, d'abord, qui n'ont aucune raison de souffrir d'états de santé au seul titre qu'elles sont femmes. Pour leur santé mentale, également. Enfin, améliorer la santé des femmes serait bénéfique pour notre système économique, notamment en réduisant les coûts engendrés par l'errance médicale induite par un manque de connaissance sur les pathologies qui touchent les femmes, ou encore en soutenant un monde du travail plus égalitaire (7).

De telles évolutions nécessitent des investissements spécifiquement dédiés à la santé des femmes, car il s'agit bien d'un investissement pour la société et non d'un coût. On estime qu'un investissement de 300 millions de dollars dans la recherche pour la santé des femmes pourrait générer un bénéfice économique de 13 milliards de dollars (8).

Mais cet investissement se doit d'être collectif. Face à l'ampleur et l'urgence de l'enjeu, il est nécessaire de rassembler et mobiliser le secteur privé et public.

Utiliser la force du collectif pour mieux répondre aux enjeux

Au-delà d'un investissement financier, il est temps que les politiques de santé se conjuguent au féminin, pour accélérer la prise en charge précoce des maladies auxquelles peuvent être confrontées les femmes, pour améliorer les formations des étudiants en médecine et leur apprendre à mieux appréhender la santé des femmes (aujourd'hui très peu d'écoles offrent des modules sur l'impact du genre en santé, et ceux-ci sont souvent trop courts pour répondre aux enjeux actuels) et pour inciter les professionnels de santé à se former tout au long de leur vie sur les avancées en santé des femmes.

Pour reconnaître les femmes en santé, chacun a un rôle à jouer et nous appelons à la réflexion autour de 4 axes :

  • Les entreprises doivent être le moteur de cette accélération : valorisons celles qui s'engagent concrètement pour la santé des femmes en intégrant cette dimension dans l'index d'égalité professionnelle.
  • Les actions des associations et fondations doivent être reconnues : à l'occasion du 8 mars, rendons visible l'engagement de celles qui œuvrent quotidiennement en faveur de la santé des femmes. Confions à une association compétente - désignée par l'État - la collecte de dons en faveur de la recherche pour la santé des femmes.
  • Les startups de la FemTech doivent être soutenues : accélérons l'accès au marché des dispositifs développés pour améliorer la santé féminine.
  • Les décideurs publics, enfin, doivent impulser des politiques de santé des femmes : allouons un budget spécifique à la prévention et à la prise en charge en santé des femmes dans le prochain budget de la Sécurité sociale.

Nous sommes déjà nombreux à vouloir opérer ce virage, mais nous n'y arriverons pas seuls. Chacun doit s'engager et contribuer : les entreprises, les décideurs publics, les citoyens.

Ceci est notre appel au gouvernement : pour la santé de nos mères, de nos sœurs, de nos amies. Pour les générations futures. Pour toutes les Femmes.

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(1) Estimation dans le rapport Closing the Women's health gap du Forum Économique Mondial - Janvier 2024
(2) Rapport Sexe, genre et santé de la Haute Autorité de Santé, 2020
(3) Femmes et santé, encore une affaire d'hommes, Muriel Salle et Catherine Vidal (éditions Belin)

(4) https://www.cepidc.inserm.fr/donnees-et-publications/grandes-causes-de-deces-en-2021-et-tendances-recentes, consulté le 04/03/2024
(5) Article Les inégalités de santé entre les femmes et les hommes sont longtemps restées ignorées et demandent encore à être mieux définies, comprises et mesurées, Christine Rolland, Fabienne El Khoury - page consultée le 8 février 2024

(6) Etude En 2018, L'espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 11,8 ans pour les femmes et de 10,2 ans pour les hommes en 2022 de la DREES, Décembre 2023
(7) Rapport Santé des femmes au travail : des maux invisibles - Délégation aux droits des femmes du Sénat, Juin 2023
(8) Etude The Case to Fund Women's Health Research, Women's Health Access, 2020

_____

(*) Rédacteur de la tribune : 
Thibault CROSNIER-LECONTE, Président d'Organon France

Liste des cosignataires :

  • Axelle AYAD, Fondatrice de Mapatho et membre du Comité Éthique et Stratégique du  Collectif Femmes de Santé
  • Dr Catherine AZOULAY, Gynécologue et endocrinologue, membre du Comité Éthique et  Stratégique du Collectif Femmes de Santé
  • Dr Joëlle BELAISCH-ALLART, Gynécologue-obstétricien, professeur du Collège de Médecine  des hôpitaux de Paris, Présidente du collège national des gynécologues et obstétriciens  français
  • Chloé BIDAULT, Créatrice de contenus @thegingerchloe
  • Corinne BLACHIER-POISSON, Présidente d'Amgen France
  • Dr Florence BRETELLE, Gynécologue-obstétricien, chef de service Maison des femmes Marseille Provence, Hôpital de la Conception, AP-HM, Aix Marseille Université
  • Valentine BURUCOA, Sage-femme et co-fondatrice de Jeen
  • Dr Nicolas CASTAING, Gynécologue-obstétricien, Chef du pôle femme-enfant, Chef du service d'obstétrique et Chef du service de gynécologie médicale et chirurgicale au Centre hospitalier des Quatre-Villes
  • Sarah CHARIEYRAS, Directeur de l'Engagement et de la Communication interne de Sisley, Déléguée générale de la Fondation Sisley-d'Ornano
  • Jean-Marc CLASSE, Chirurgien oncologue à l'Institut de cancérologie de l'Ouest à Nantes,  Président de la Société Française de Chirurgie Oncologique
  • Paola CRAVEIRO, Fondatrice de Vulvae Fondation Santé et militante égalité santé femmes hommes
  • Thibault CROSNIER-LECONTE, Président d'Organon France
  • Neil DATTA Directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et  reproductifs
  • Camille DESCLEE DE MAREDSOUS, Co-fondatrice de Pachamama Solutions
  • Thibault DESMAREST, Président de GSK France
  • Valérie DESPLANCHES, Présidente de la Fondation pour la Recherche sur l'Endométriose,  sous égide de la Fondation pour la Recherche Médicale
  • Virginie DUBY-MULLER, Députée, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et  à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes à l'Assemblée Nationale
  • Laure GUEROULT- ACCOLAS, Fondatrice de Patients en Réseau
  • Pr Samir HAMAMAH, Professeur de médecine et de biologie de la reproduction à la Faculté  de médecine de Montpellier-Nîmes, chef de service de la reproduction du CHU de Montpellier, Président de la Fédération Française d'étude de la reproduction (FFER), Président de la sous-section 54-05 du Conseil National de Universités, Médecine et biologie  du développement et de la reproduction/gynécologie médicale
  • Dr Ghada HATEM, Présidente de l'association La Maison des femmes de Saint-Denis
  • Emelyne HELUIN, Vice-présidente de SOPK Europe
  • Florence HERRY, Présidente de Libheros et Membre du Bureau de France Biotech
  • Dr Stéphane MANZO-SILBERMAN, Cardiologue interventionnelle, Pitié-Salpêtrière, APHP,  Sorbonne Université
  • Julie MARANGE, Presidente de Feminists in the City
  • Pr Nathalie MASSINMédecin de la reproduction, coordinatrice du centre d'AMP de l'Hôpital Américain de Paris, précédente Présidente de la Société de Médecine de la Reproduction
  • Juliette MAURO, Présidente de Femtech France et fondatrice de My S Life
  • Angèle MBARGA, Présidente de l'association Fibrome Info France
  • Elise MEKKAOUI, Co-fondatrice de Matricis.ai
  • Bernard MICHEL, Président de VIPARIS, PDG SIPAC à la Chambre de Commerce et d'Industrie  de Paris Ile-de-France, ancien Strategic Board Member au Women Leadership Capital  Ecosystem, Président du conseil d'administration de Gecina
  • Claudine MONTEIL, Ecrivaine, historienne, Présidente de Femmes Monde, membre du  Parlement des Ecrivaines Francophones
  • Élisabeth MORENO, Ancienne Ministre Déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les  hommes, de la diversité et de l'égalité des chances
  • Delphine MOULU, Directrice Générale de Femtech France
  • Héloïse NOGUES, Directrice des programmes internes (Femtech expert), StationF
  • Anne Marie PERNET, Directeur du Département Santé de CSA (Institut d'études)
  • Laurence PEYRAUT, Directrice générale du Leem
  • Pr Isabelle RAY-COQUARD, Professeur de cancérologie université Claude bernard et  oncologue médicale du centre anti cancéreux Léon Bérard Lyon Coordinateur du réseau  FEMNET dédié aux cancers féminins de mauvais pronostique
  • Virginie RIO, Co-fondatrice de l'association COLLECTIF BAMP !
  • Marilyn ROLFE, CEO de Femnov
  • Muriel SALLE, Enseignante chercheuse, spécialiste en humanités médicales, Université Lyon 1 et Sciences-Po Lyon
  • Françoise SELLIN, Fondatrice de GPS Cancer
  • Clara STEPHENSON, CEO Solence, Fondatrice Les Natives
  • Daniel VERSHAERE, Directeur Marketing, Wavestone
  • Matthieu WAGNER, Président de ViiV Healthcare France et Benelux

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Commentaires 2
à écrit le 07/04/2024 à 18:47
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je vote une taxe sur les gens qui votent a gauche et donc travaillent dans la fonction publique, ca permettra de payer tout ca ' sans aucune consequence', et d'ailleurs ca ' ne coutera rien a personne', vu que c'est des riches'..........et sinon, on ...

à écrit le 07/04/2024 à 8:55
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Ursula leur recommande fortement Pfyzer ! Pour elle bien sûr... ^^

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