Santé  : l'impossible réforme  ?

Qu'il s'agisse de la médecine de ville ou de l'hôpital, notre système de santé est à bout de souffle. L'accès aux soins est de plus en plus difficile dans certaines zones rurales mais aussi urbaines. Nombre de français ont dû mal à trouver un médecin traitant. L'Hôpital est en burn out avec des services d'urgences débordés, des médecins et soignants en grande souffrance et une situation financière alarmante. Les choses se sont insensiblement dégradées depuis le début des années 2000 sans qu'aucun gouvernement n'ait été en capacité d'y répondre. Le temps semble s'être arrêté au plan Juppé ! Par Alexis Dussol, Fondateur et PDG d’ADEXSOL
(Crédits : DR)

Du côté de la médecine de ville, la priorité, c'est la lutte contre les déserts médicaux qui gagnent du terrain sous le double effet du malthusianisme du numerus clausus et de l'aspiration des jeunes médecins à un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ce n'est pas tant le nombre de médecins que leur répartition sur le territoire qui pose problème.

À l'hôpital, l'ennemi, c'est la T2A introduite en 2004 par Jean-François Mattei. Directions hospitalières, équipes médicales et personnels sont soumis à une pression financière de tous les jours. La feuille Excel a remplacé le stéthoscope. C'est toujours plus d'activité pour gagner moins. Une course à l'échalote qui a fini par mettre l'hôpital à genoux. Vouloir réguler le marché de la santé par les prix a été une erreur fondamentale. Je suis de ceux qui pensent qu'un financement par un budget global, comme c'était le cas avant, corrigé par une politique volontariste de réduction des inégalités entre établissements aurait été un choix plus conforme à l'éthique du service public. L'absence de recomposition de l'offre hospitalière, qui n'a jamais été véritablement engagée, a de plus entrainé un éparpillement des moyens qui ne fait qu'exacerber les tensions un peu partout.

Les petits pas du quinquennat Hollande

Rendons justice à la si décriée Marisol Touraine d'avoir tenté d'apporter des solutions, mais la thérapeutique n'était sans doute pas à la hauteur du mal.

La lutte contre les déserts médicaux a été l'une de ses priorités : aides à l'installation dans les zones déficitaires, développement des maisons de santé pluri professionnelles, augmentation du numerus clausus. Ces mesures n'ont pas freiné la désertification. Il est fort à parier que celles annoncées à son tour par Agnès Buzyn n'inverseront pas la tendance. Il faut « trouver les bonnes solutions » et «  le temps est venu d'être politiquement efficace » comme le réclame le président du Conseil national de l'ordre des médecins. Les diverses mesures incitatives ont montré leurs limites. Ce n'est pas une question de rémunération. On ne règlera pas le problème sans mettre sur la table la question de la liberté d'installation. On sait que c'est le chiffon rouge pour les syndicats médicaux ! Tous les gouvernements de droite comme de gauche s'y sont jusque là refusé. Jusqu'à combien de temps !

Sur la T2A aussi, des petits pas auront été faits dans la bonne direction sous le quinquennat Hollande. C'est tout d'abord la fin de la convergence tarifaire entre le privé et le public, dès le PLFSS 2013. La situation serait pire aujourd'hui si cela n'avait pas été fait. Plusieurs mesures techniques ont aussi été prises pour assouplir les rigueurs de la T2A qui reste le mode de tarification principal.

L'article 51 de la LFSS 2018 : le couteau suisse de la réforme

La fièvre macroniste de la réforme ne s'est pas encore emparée de l'avenue de Ségur, en dépit de quelques mesures destinées à lutter contre les déserts médicaux ou du plan prévention.

« Pas de rafistolages, mais une réforme globale du système de santé » a promit le Premier ministre Édouard Philippe.

Pari ambitieux quand on sait que l'exercice de la réforme n'est pas facile dans la santé. C'est un monde complexe avec des acteurs multiples aux intérêts divergents et aux sensibilités exacerbées.

Il faudra naviguer entre le totem de la liberté d'installation d'un côté et l'absence d'alternative crédible à la T2A de l'autre. L'organisation actuelle du système de santé se prête peu à des modes de financement au parcours ou à l'épisode de soins séduisants au plan intellectuel, mais impossible à mettre en pratique à grande échelle. Pourtant il faudra bien trouver des solutions pour plafonner la T2A à 50%, comme s'y est engagé Emmanuel Macron.

Dans ce contexte, gouvernement comme Assurance Maladie misent sur l'article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2018 : une sorte de concours d'idées ou les acteurs de terrain sont invités à présenter des projets d' « expérimentations organisationnelles innovantes du système de santé». C'est le couteau suisse de la réforme. La méthode est originale, mais on peut douter qu'elle puisse accoucher d'une réforme globale à très court terme

Le temps presse. Plus de 2,5 millions de Français vivent dans un désert médical. Le déficit des hôpitaux a été abyssal en 2017 avec 1,5 milliards d'euros.

Un discours important du Président de la République est annoncé pour le mois de juin sur le système de santé de demain. Il devra être fondateur pour sortir de l'Ancien monde

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Commentaires 4
à écrit le 10/06/2018 à 15:59
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un coup pied dans «  la fourmilière » voilà ce qu’il faut faire pour remettre les pendules à l’heure : présent. il y a une seule solution pour «  un choc » : privatiser tous les hôpitaux de France et mettre en place une notation d’année en année e...

à écrit le 09/06/2018 à 11:48
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Citation "Plus de 2,5 millions de Français vivent dans un désert médical. Le déficit des hôpitaux a été abyssal en 2017 avec 1,5 milliards d'euros" Population Française = 66 mln % de la population vivant dans un désert médical 2.5/66 * 100 = 3.8% ...

à écrit le 09/06/2018 à 10:52
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Le système de santé n a pas pour but d être rentable, mais que la population Française reste en bonne santé... La médecine ne doit pas être un commerce "Article 19 (article R.4127-19 du code de la santé publique) La médecine ne doit pas être prati...

à écrit le 08/06/2018 à 14:34
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Merci pour cet article. "La fièvre macroniste de la réforme" nous fatigue profondément c'est un fait et j'ai bien peur que ce osit grave docteur. Mais bon ce qu'actionnaires milliardaires veulent, actionnaires milliardaires (évadés fiscaux en plu...

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