Secouons nos habitudes

LE TRAVAIL DANS TOUS SES ÉTATS. Au fur et à mesure qu'une relation prend forme, nous reproduisons certains comportements et en excluons d'autres. Nous prenons des plis, écartant une variété d'autres possibilités. Quel gain d'énergie que ces automatismes ! Ce mode « éco » conserve nos ressources pour gérer l'imprévu et la nouveauté. Mais il limite aussi notre marge de manœuvre. Par Karine Aubry, coach de dirigeants et managers, auteure.
Karine Aubry.
Karine Aubry. (Crédits : DR)

Cela ne vous a pas échappé : dans le collectif, dans les relations de travail, des habitudes s'installent. Et, insidieusement, elles se figent. Juan assure 90 % du temps de parole dans les réunions avec son équipe. Corinne voit défiler tout le service pour lui confier son mal-être. Alban continue de travailler en direct avec son ancienne équipe de production bien qu'il ait nommé un chef de pôle qui la manage depuis quatre mois.

Au fur et à mesure qu'une relation prend forme, nous reproduisons certains comportements et en excluons d'autres. Nous prenons des plis, écartant une variété d'autres possibilités. Quel gain d'énergie que ces automatismes ! Ce mode « éco » conserve nos ressources pour gérer l'imprévu et la nouveauté. Mais il limite aussi notre marge de manœuvre.

En effet, ces habitudes de travail nous empêchent de nous adapter à un contexte qui, lui, évolue. Sans oublier qu'elles ne sont pas toujours conscientes ni choisies. Juan comprend qu'il porte les réunions d'équipe. Plus il impulse et anime, moins ses collaborateurs se mobilisent pour contribuer. Résultat : frustré, Juan perd le plaisir à animer ces temps collectifs. Il est temps de changer de routine, non ? Corinne n'a jamais eu la vocation d'ouvrir un bureau des pleurs. Mais plus elle écoute, plus l'on revient se plaindre... et plus elle écoute. Elle peine à sortir de ce rôle. Comment abandonner des collaborateurs en souffrance ? Quant à Alban, il continuerait bien à échanger en direct avec son ancienne équipe. C'est son N-1, Félix, chef de pôle, qui râle et voudrait qu'il perde cette manie.

Les vertus de l'habitude, les limites de la routine

Alors comment repérer quand nous basculons de la vertueuse habitude qui structure les échanges à la routine qui les limite ? Premier indice, le rôle attribué par défaut. « C'est toujours moi / lui / elle qui... » Deuxième indice, ce rôle ou la répétition génère de la frustration, de l'agacement. Troisième indice, une habitude a perdu son utilité ou son sens. La seule justification devient : « On a toujours fait comme ça. » Quatrième indice, le traintrain ou les fourmis, un besoin de changer quelque chose.
Ces signes nous invitent à questionner nos habitudes. Nous pouvons alors repérer ce qui les entretient. En effet, elles sont souvent alimentées à plusieurs. Un peu comme des joueurs qui se renvoient la balle. Concrètement, comment changer de jeu ? On peut introduire une différence dans un geste quotidien. Faire sa réunion à l'extérieur ou sans chaise.

Proposer à chacun d'écouter entièrement l'autre avant de répondre. Changer de position ou de place pour un regard neuf. Seconde option, s'inspirer du carnaval. Une fête qui représente depuis l'Antiquité une parenthèse créatrice : les rôles s'inversent, les règles sociales n'ont plus cours. Expérimenter sur une journée un changement net dans des habitudes ancrées : « Aujourd'hui ce n'est pas moi qui vais animer le codir, vous allez vous répartir ce rôle. » Quelle première habitude collective auriez-vous envie de chahuter ainsi ?

Bien sûr, mieux vaut annoncer l'innovation temporaire et sa finalité. Et s'assurer de la mettre en œuvre sans risque. Comme quand on conduit un véhicule, débrayer de l'automatique consomme de l'énergie. Mais cela réveille notre attention et nos capacités créatives. De nouvelles connexions se créent - cérébrales et humaines ! Reste à trouver le bon équilibre pour tirer tout le bénéfice des automatismes... et prendre l'habitude de questionner les routines de temps en temps.

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Commentaire 1
à écrit le 02/07/2019 à 9:41
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"Quel gain d'énergie que ces automatismes !" "Échelle de mesure pour tous les jours: Nous nous tromperons rarement en rattachant nos actes les plus courageux à la vanité, les plus médiocres à l'habitude et les plus mesquins à la peur." Nietzsche....

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