Sécurisation des approvisionnements : vers un partenariat État-entreprises pour réduire nos dépendances

OPINION. La sécurisation des approvisionnements stratégiques pour notre économie a été remise sur le devant de la scène depuis la crise. Elle est aujourd’hui une condition de réussite du plan France 2030. Délicate à mettre en œuvre, elle doit s’appuyer sur une analyse précise des vulnérabilités des chaînes de valeur et implique une collaboration étroite entre l’État et les entreprises. Par Vincent Charlet, économiste et Délégué général de La Fabrique de l’industrie
(Crédits : Reuters)

Emmanuel Macron a fait de la sécurisation des approvisionnements l'un des pivots du plan d'investissement « France 2030 », une condition de sa réussite. En évoquant un travail de « cartographie de nos dépendances » entrepris par l'État et en listant les produits et les matériaux qu'il considère comme stratégiques - les composants électroniques, le plastique, les métaux et terres rares, ou encore le bois - le président de la République lève d'ailleurs l'une des difficultés de l'exercice (1) : définir ce qui est stratégique et ce qui ne l'est pas.

Il va même jusqu'à dessiner une partie de la solution à nos dépendances, en proposant d'organiser le recyclage et de soutenir l'innovation de rupture pour inventer des substituables. Si le cap est donc bien là, des écueils subsistent sur le chemin qui conduit à la mise en œuvre d'une politique coordonnée de sécurisation de nos approvisionnements. Le premier tient à la difficulté de bien anticiper le risque de rupture. Doit-on se prémunir contre des risques à très faible probabilité d'occurrence mais risquant d'engendrer des dégâts très importants ? En d'autres termes, sommes-nous prêts à sécuriser un approvisionnement pour une crise qui très probablement ne se concrétisera pas ?

Une autre difficulté, dans un monde qui change rapidement, réside dans l'anticipation des innovations de rupture et de l'évolution des marchés. Le cobalt, par exemple, dont la demande explose avec le développement des véhicules électriques, restera-t-il le maillon critique de la production de batteries ? Les technologies alternatives permettant de réduire ou d'éviter son utilisation pourraient le rendre moins stratégique. Faut-il dès lors investir lourdement pour sécuriser les approvisionnements de ce métal, dans un souci légitime de préserver les marges de manœuvre de nombreux secteurs utilisateurs en aval ?

La souveraineté industrielle peut d'ailleurs, selon les cas, appeler différentes stratégies de résilience, comme une diversification des fournisseurs et des sources, lorsque c'est possible, ou la constitution de stocks stratégiques (2).

Différentes études de cas montrent enfin que toute stratégie de sécurisation doit s'appuyer sur une analyse fine des chaînes de valeur, qui identifie le ou les maillons les plus critiques. Or, ce travail exige une coopération entre État et industriels. En première ligne, les entreprises sont en effet les mieux placées pour entreprendre cette exploration, puisqu'elles en tirent en principe un avantage compétitif. C'est par exemple grâce à une meilleure connaissance de leurs écosystèmes que Tesla et Apple ont réussi à innover, respectivement en lançant leur propre batterie aux spécifications uniques et en concevant leur propre microprocesseur.

Mais toutes les entreprises n'ont pas les capacités d'analyse ni le pouvoir de négociation des grands groupes pour identifier leurs vulnérabilités, imposer à leurs fournisseurs des mécanismes de sécurisation, ou encore appréhender et gérer les tensions géopolitiques. Le soutien de l'État reste donc nécessaire. Ce constat fait, son soutien ne deviendra tangible que lorsqu'on aura mieux défini son rôle et celui des entreprises au regard des enjeux décrits plus haut. Leur relation partenariale doit être clarifiée si l'on veut améliorer la résilience de notre économie face aux crises à venir.

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(1) Léa Boudinet et Nour Khater, Comment sécuriser nos approvisionnements stratégiques ?, Les Docs de La Fabrique, Paris, Presses des Mines, 2022.

(2) Sonia Bellit, À la recherche de la résilience industrielle - Les pouvoirs publics face à la crise, Paris, Presse des Mines, 2021.

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Commentaire 1
à écrit le 04/11/2021 à 8:25
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Encore une coopération public privé qui ne fait que générer emplois fictifs, dumping social et corruption.

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