Vous et le cloud : où en êtes-vous (en surcoûts) ?

CHRONIQUE. Alors qu'il a été mandaté par Google, le cabinet Asteres a publié une étude sur les pratiques anti-concurrentielles des fournisseurs de cloud. Ce sont les offres groupées qui sont au centre de ces pratiques et le cabinet Asteres en synthétise bien l'essence. Par Jean-Jacques Quisquater, Université de Louvain, École Polytechnique de Louvain et Charles Cuvelliez, Université de Bruxelles, École Polytechnique de Bruxelles
Jean-Jacques Quisquater, Université de Louvain, École Polytechnique de Louvain et Charles Cuvelliez, Université de Bruxelles, École Polytechnique de Bruxelles.
Jean-Jacques Quisquater, Université de Louvain, École Polytechnique de Louvain et Charles Cuvelliez, Université de Bruxelles, École Polytechnique de Bruxelles. (Crédits : DR)

Les offres groupées concernent essentiellement les fournisseurs de cloud qui proposent également des logiciels quasiment incontournables. On songe à Microsoft et à sa suite Office 365 ou à SQL Server ou à Oracle, avec ses bases de données du même nom et son offre Saas Oracle Database Cloud Service. Pour SQL Server, les clients qui basculent leur licence sur Azure (l'offre IaaS de Microsoft) bénéficient de l'offre « Azure Hybrid Benefit », qui propose des avantages économiques par rapport à ceux qui veulent l'infrastructure d'un tiers. Avec Office 365, Microsoft imposerait des frais supplémentaires pour le basculement d'une licence sur une infrastructure cloud autre qu'Azure. IBM offre aussi un accès à ses développements d'informatique quantique, mais à partir du cloud.

L'étude d'Asteres a été menée auprès d'un échantillon de 100 entreprises de 1000  employés ou plus. Il en résulte que 71% d'entre elles s'étaient vu proposer par un fournisseur de cloud une offre groupée avec le logiciel qui va avec. Elles peuvent refuser, accepter ou... ne pas avoir d'opinion.

L'intérêt de l'étude de Asteres est de permettre aux entreprises de vérifier dans laquelle des trois catégories de dépendance au cloud, elles se trouvent et d'en mesurer les conséquences.

Pour l'étude, les entreprises qui ont accepté une offre groupée l'auraient fait bon gré mal gré : l'intégration du logiciel qu'elles auraient préféré au cloud de leur fournisseur aurait été trop couteuse. On parle tout de même de 38 % des entreprises sondées. Ces entreprises ont donc bien un cloud, mais il est sous-optimal par rapport à une solution à domicile, en gardant son infrastructure propre et le logiciel qui correspondait aux besoins. Quel est l'impact sur l'innovation ou la productivité de devoir utiliser un logiciel de second choix ? Quand on décide de migrer sur un cloud, on n'y pense pas assez.

Il y a les entreprises courageuses : elles ont refusé une offre groupée et ont voulu garder ou imposer leur logiciel à l'infrastructure cloud qu'elles avaient prise (23% des grandes entreprises) et se sont donc exposées à un surcout. Les entreprises en question ont estimé ce surcoût à 26 %. Asteres arrive alors à un surcout moyen de 35.500 euros par entreprises de plus de 10 employés qui utilisent le cloud (14.600). Une autre estimation qui vise explicitement Microsoft est visée : on y évoque un surcoût de 90 % pour Office 365 et même 300 % pour SQL Server. Au-delà de ces chiffres qui valent ce qu'ils valent, chaque entreprise serait bien inspirée de demander les modalités d'intégrer des offres de tiers au sein du cloud qu'elles veulent prendre avant de signer.

Il y a enfin les entreprises qui ont accepté une offre groupée et qui auraient choisi le fournisseur d'infrastructure cloud all-in-one dans tous les cas (10% des grandes entreprises) et celles qui ne se sont pas vu proposer d'offre groupée (29% des entreprises). Ces 39% (29 % + 10 %) sont la catégorie neutre.

Les offres groupées, un impact plus que commercial et des risques

L'étude d'Asteres est intéressante, car elle pointe tous les risques de cette pratique et ils ne sont pas que d'ordre commercial. Être bloqué sur une offre cloud sur le long terme n'est pas anodin, car les infrastructures cloud ne sont pas toutes les mêmes:  certaines sont plus sécurisées, certaines sont plus rapides (latence), certaines sont à la pointe technologiquement (avec des processeurs adaptés au machine learning ou à l'informatique quantique) et certaines sont écologiques.  Que sacrifier, se demande Asteres qui se met à la place des entreprises ?

Il y a des entreprises qui prendront comme critère la sécurité, car elles vont exporter pour la première fois leurs données hors de leurs centres de données physiques.

Il y a les entreprises qui vont préférer la latence parce que ce critère est critique pour l'e-commerce, la finance ou le gaming et là, le nombre d'implantations du fournisseur de cloud compte (Asteres, on le lui pardonnera, met en avant Google et le nombre d'implantations qu'il a).

L'offre technologique du cloud jouera aussi : si on a accès à des processeurs GPU de Nvidia, très prisés par les développeurs d'IA pour leur puissance inégalée, mis à disposition des entreprises par les trois principaux fournisseurs de cloud en Europe, cela va évidemment jouer par rapport aux autres fournisseurs qui ne les proposent pas.

Le côté écologique prendra de plus en plus d'importance et les clouds ne s'équivalent pas en termes d'empreinte écologique.

Il faut distinguer les fournisseurs de cloud qui ont une offre SaaS et qui peuvent alors jouer sur les offres groupées pour imposer leur suite logicielle en SaaS et les autres, mais elle ne dit pas clairement si, dès lors, ce sont ces derniers qu'il faut choisir : AWS, Alibaba ou peut-être OVH. De toute façon, faire tourner un logiciel, quel qu'il soit, depuis un cloud lorsqu'il tournait bien dans son centre de données n'est pas une sinécure. Les fournisseurs de logiciels, de leur côté, vont de plus  en plus proposer les nouvelles versions de leur logiciel depuis un cloud, le leur ou celui d'un des géants du cloud qui les héberge.

L'Intelligence Artificielle (IA), vecteur d'offre groupée

Ces offres groupées vont croître en importance avec l'IA : le cloud facilite le stockage du volume massif de données et fournit à l'IA sa capacité de calcul, explique Asteres. Les entreprises qui veulent se lancer dans l'IA n'ont plus à assumer des couts initiaux importants de l'IA ni à gérer la maintenance des serveurs. Cela entraine plus d'expérimentation et d'innovation par un grand nombre d'entreprises. Le cloud donne accès à des plateformes de machine learning qui prémâche le travail des développeurs (IA pré-entraînées), même novices.

Si vous songez au cloud, vérifiez les logiciels que vous aurez à transférer dans le cloud et demandez(-vous) le (sur)cout à les intégrer dans le cloud que vous choisirez. Pensez au critère qui vous importera : sécurité, latence, empreinte écologique ou accès à de l'innovation technologique via le cloud que vous aurez choisi. Et pensez aussi à la continuité de vos opérations.

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Pour en savoir plus

Cloud computing : préserver la concurrence pour supporter l'économie de la connaissance, Asteres, Octobre 2023.

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Commentaire 1
à écrit le 06/11/2023 à 12:21
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Centraliser les données va de pair avec la soi-disant Intelligence Artificielle... vous n'aurez plus à réfléchir ! ;-)

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