Vers une nécessaire régulation des audits

OPINION. Après la finance il y a une douzaine d'années, le monde de l'audit semble à son tour sous les projecteurs des autorités de régulation. Par Hervé Guyader, avocat au barreau de Paris, docteur en Droit, président du Comité français pour le droit du commerce international (CFDCI)
Hervé Guyader.
Hervé Guyader. (Crédits : DR)

Personne n'a oublié les scandales financiers liés aux manquements de transparence pour ne pas dire de fraudes caractérisées qui ont émaillé le début du nouveau millénaire et abouti à la crise des subprimes.

Les dettes finissent toujours par sortir

Les schémas frauduleux étaient multiples, mais consistaient pour la plupart d'entre eux à cacher sous le tapis, dans des structures ad hoc, souvent off-shore, hors bilan, les dettes et autres titres dont la valeur négative aurait pu noircir le tableau mirifique des résultats de l'entreprise examinée. Ainsi était présenté un bilan débarrassé des petits canards plus ou moins boiteux.

Le souci est que même rangés dans des placards informatiques sécurisés, ces dettes finissent toujours par sortir et obérer gravement la situation financière de l'entreprise et la confiance placée dans ses titres si celle-ci est cotée en bourse. Qui plus est, la pratique est illégale, quel que soit le régime juridique que l'on choisit. Droit américain, droit anglais, droit français... tous punissent de la plus sévère des manières ces malversations. Les amendes sont lourdes et la prison jamais très éloignée.

Cette régulation renforcée repose avant tout sur les cabinets d'audit qui sont au cœur de l'analyse financière des sociétés internationales et mieux placées que quiconque pour en vérifier les fondements. Les obligations de sérieux les plus draconiennes reposent sur ces auditeurs que la pratique a dénommés « Big 4 ». PWC, Deloitte, EY et KPMG sont les champions de la certification comptable mondiale.

Pèsent sur ces auditeurs des responsabilités civiles, des responsabilités pénales, des responsabilités disciplinaires et même des responsabilités administratives si l'auditeur fait partie d'une société faisant appel public à l'épargne. Autant dire que le sujet est très sérieux, car l'auditeur est garant de la certification des comptes et du bilan qui permettra un financement ou une acquisition.

Or voici qu'en 2019, KPMG était au cœur d'une sombre affaire. La société Abraaj avait mandaté une des filiales de KPMG avec qui elle travaillait depuis des années pour mettre fin aux allégations de mauvaise gestion d'un fonds de plusieurs milliards qu'elle gérait. Un des cadres d'Abraaj s'était inquiété qu'un des fils d'un dirigeant de KPMG travaille dans le fond expertisé et qu'un autre cadre avait travaillé à la fois chez KPMG et Abraaj. Pire encore, KPMG auditait également des sociétés dans lesquelles Abraaj avait des participations. Le cabinet KMPG se retrouvait ainsi à la fois juge et partie.

Les autorités américaines, qui ont lancé une procédure judiciaire, avaient décelé que le fondateur Arif Naqvi utilisait Abraaj comme caisse noire pour financer son train de vie et qu'il procédait par transfert de centaines de millions sous le nez des auditeurs. Le liquidateur d'Abraaj, PWC, a constaté que la société avait un déficit important de financement et qu'elle dépensait bien au-delà de ses moyens.

Une affaire qui rappelle celle qui touche aussi le cabinet EY, autre membre du « big four » suspecté d'avoir couvert pendant des années les fraudes dissimulés dans les comptes de son client Wirecard. Jusqu'à la découverte d'irrégularités de très grande ampleur en 2020, le groupe allemand était « couvert » par son cabinet d'audit, suspecté d'avoir fermé les yeux sur des comptes surévalués jusqu'à 25% de leu valeur réelle.

Collisions et conflits d'intérêt

La littérature scientifique et les enquêtes journalistes révèlent régulièrement des cas de collisions et de conflits d'intérêts dans l'univers de l'audit, au point que le sujet soit devenu l'un des dossiers chauds des pouvoirs publics en Europe et aux États Unis. Il est aisé de comprendre les tentations des auditeurs de cajoler leurs clients et les cibles ou partenaires de leurs clients. Devoir se déporter, comme le font par obligation les avocats, dès lors qu'un possible conflit d'intérêts apparaît est un crève-cœur financier qu'il est parfois difficile de respecter avec le risque de perdre définitivement un client si l'opérateur ou la cible venait à changer de main.

Et pour rappel, le code de déontologie des experts comptables précise bien à son article 146 que les entreprises doivent éviter « toute situation qui pourrait faire présumer d'un manque d'indépendance ».

Mais ces quelques exemples démontrent toute la nécessité de voir les autorités de régulation renforcer le contrôle pesant sur les cabinets d'audit afin de permettre de garantir sinon restaurer la confiance.

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Commentaire 1
à écrit le 18/11/2021 à 8:47
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Ah ben tiens vous m'apprenez qu'on ne cache pas que des milliers de milliards dans les paradis fiscaux mais également des dettes; ben oui ça semble parfaitement logique, merci !

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