La Tribune. En quoi le tourisme durable pourrait-il avoir un impact économique sur la Bourgogne-Franche-Comté ?

Patrick Ayache. Dans une société post crise Covid-19, des évolutions comportementales des voyageurs sont en train de se profiler avec des axes forts. On voit d'abord une volonté de retour au vert. Les recherches de logements en dehors des villes, dans des territoires protégés, oxygénés, chlorophyllisés, enregistrent des records. Ensuite le vélo est davantage plébiscité car il est économique, écologique et bon pour la santé. La Bourgogne-Franche-Comté dispose d'ailleurs d'itinéraires de qualité et en nombre. Enfin, on observe une tendance au manger sain, manger bien, manger local. La démarche d'attractivité de la Région sur ce point consiste à faire de la Bourgogne-Franche-Comté la région de référence en France et en Europe du mode de vie « sain » et « accessible ». La Région Bourgogne-Franche-Comté doit être au rendez-vous et aider les professionnels du tourisme et les territoires à prendre ce virage et à en faire de vrais produits touristiques.

Avez-vous déjà des chiffres sur ce que représente actuellement le tourisme durable en Bourgogne-Franche-Comté ?

La tendance est forte, mais il n'y a pas de chiffrage précis. On peut dire que le tourisme durable représente déjà une part importante de la fréquentation touristique, tant l'hiver (moyenne montagne) que l'été (régions des lacs du Jura ou du Morvan notamment, sans oublier les Vosges et en particulier les Vosges saônoises et les 1000 étangs).

Le Comité Régional de Tourisme a conduit une étude de notoriété et d'image en 2019 et les personnes interrogées mettent en avant les éléments suivants s'agissant de la région : « une région qui n'est pas sur-fréquentée », « des paysages naturels préservés », « on peut se ressourcer dans un environnement sain », « la région présente une diversité d'itinéraires de découverte ».

Quels sont les points forts de la Région pour développer le tourisme durable ?

Nous sommes la région qui a le plus de sites classés par l'Unesco. La région compte depuis peu un parc national de forêts de Champagne et Bourgogne qu'il faut maintenant développer, trois parcs naturels régionaux (Morvan, Haut-Jura, Ballon des Vosges), deux Grands sites de France (Solutré et Bibracte) et quatre en passe de le devenir (Vézelay, Ballon d'Alsace, Cascades du Hérisson, Château-Chalon / Baume-les-Messieurs). On y trouve aussi 40 communes également labellisées « stations vertes » (1er label d'écotourisme de France) et neuf Plus Beaux Villages de France. Côté balade, on dénombre 20.000 km de sentiers de randonnée, 1.330 km de voies d'eau navigable et de nombreux lacs, 1.350 km de véloroutes et voies vertes... Sans oublier les massifs de moyenne montagne des Vosges, du Jura et du Morvan.

Pour développer le tourisme durable, il ne faut pas oublier nos grandes villes, en préservant des centres villes. Ils permettent de cibler une population urbaine qui apprécie les villes avec des campagnes environnantes.

Dans le « schéma » présenté par la Région, le 5e défi est l'éco-tourisme. Comment comptez-vous relever ce défi ?

Tout ce qui se fera en tourisme dans notre région devra être éco-compatible. C'est une marque de fabrique. La Bourgogne-Franche-Comté ambitionne de devenir une grande destination d'écotourisme et d'itinérance en s'appuyant sur ses points forts et sur des nouveaux dispositifs comme le Schéma Régional de l'Itinérance Touristique, actuellement en cours d'élaboration, avec le développement global des itinéraires prioritaires (aménagements, services, mise en tourisme (thématisation, qualité/accueil) et l'évolution des modalités d'intervention de la Région pour mieux aider les porteurs de projets.

Nous travaillons aussi particulièrement la question des hébergements touristiques où nous avons mis en place des critères d'éco-conditionnalité afin de répondre aux enjeux de développement durable dans la construction et la rénovation. Nous avons lancé au début de l'année un appel à Émergence pour des projets de tourisme durable et d'envergure, présentant à la fois des hébergements et des activités respectueux du développement durable. Enfin, dans le cadre de contrats de stations touristiques, nous privilégions tout ce qui touche au tourisme quatre saisons, respectueux de l'environnement. À partir de 2030, les météorologues prévoient que les massifs des Vosges et du Jura ne seront plus enneigés même en hiver. Il faut que les acteurs de notre région prennent le virage et innovent dans de nouvelles activités pour la préservation de la planète et pour attirer de nouveaux touristes.

Quels moyens financiers mettra la région pour y parvenir ?

Actuellement, on peut dire que la plupart des investissements régionaux en matière de tourisme répondent à cet enjeu. Cela représente 100 millions d'euros sur la durée du schéma. Des moyens financiers supplémentaires seront identifiés dans le cadre du plan de relance qui sera adopté le 9 octobre prochain.

Quelques exemples de réalisations de tourisme éco-responsable en cours à citer :

• Le projet du domaine de Maizières en Saône et Loire, un complexe touristique mêlant patrimoine, développement durable, bien-être et activité de loisirs dans l'ancienne abbaye du même nom,
• L'appel à Emergence pour des projets de tourisme durable, dont le but est de développer des projets touristiques d'ampleur répondant aux enjeux du développement durable, avec hébergement et activités de qualité,
• Le projet Dole - Tuffes à la station des Rousses pour moderniser cette dernière,
• Le contrat de station du lac des Settons pour faire de ce site la station touristique familiale des lacs du Morvan en proposant des activités innovantes et insolites,
• Le contrat de canal de Bourgogne, plan d'actions pour le développement touristique de ce canal, le plus long canal de la région,
• Le projet de Cercle immense à la Saline royale d'Arc-et-Senans, projet d'aménagement paysager sur le site d'une ancienne manufacture de sel,
• Le projet de V50 (Voie bleue), une véloroute entre le Luxembourg et Lyon qui longe la Saône.