Aides aux étudiants : la Bretagne débloque 500.000 euros en urgence

Difficultés scolaires, psychologiques, financières, isolement... A Rennes 2, 20% des 3.000 étudiants auraient eu des pensées suicidaires. Un tiers d’entre eux montrent des signes de détresse psychologique. La collectivité prend le problème à bras le corps et débloque en urgence 500 millions d'euros sur le million d’euros voté en décembre afin d’aider les étudiants en difficulté.
A Rennes comme à Paris (photo), des aides permettent de distribuer des colis alimentaires. En Bretagne, elles permettent d'approvisionner quatre épiceries solidaires sur les campus rennais et brestois (3.000 colis distribués depuis fin janvier) ainsi que de financer de bons d'achat pour les étudiants éloignés des points de distribution de colis alimentaires.
A Rennes comme à Paris (photo), des aides permettent de distribuer des colis alimentaires. En Bretagne, elles permettent d'approvisionner quatre épiceries solidaires sur les campus rennais et brestois (3.000 colis distribués depuis fin janvier) ainsi que de financer de bons d'achat pour les étudiants éloignés des points de distribution de colis alimentaires. (Crédits : Reuters)

De la satisfaction d'étudier sur un vaste campus et de la richesse des relations entre étudiants, Thibault n'a pas vu grand-chose depuis plusieurs semaines. Après deux années en maths sup et maths spé à Brest, cet étudiant breton a réussi à intégrer l'école d'ingénieur dont il rêvait. Boursier, il s'est endetté pour payer des frais de scolarité de 8.000 euros par an. Privé depuis octobre de TD et de cours en présence, il a repris le chemin de la chambre d'étudiant qu'il finance sur ses maigres deniers, après deux mois et demi au domicile familial. Malgré une journée de cours sur le campus, il se sent bien isolé. Comme tous ceux qui ne sont ni élèves en classes préparatoires ou en BTS, pour lesquels la scolarité est normale depuis septembre.

Qu'ils soient en écoles et ou en université, 95% des étudiants bretons de L1 au master reprennent progressivement le chemin des classes et des amphithéâtres, voire celui du Resto U, pour l'équivalent d'un jour de cours par semaine. Pour le reste, ils continuent de suivre le cursus en ligne. Une très faible part bénéficie en plus de travaux pratiques qui ne représentent que 20% en moyenne de l'ensemble des activités pédagogiques selon les formations (40% en DUT).

« Depuis le lundi 8 février, une université comme Rennes 2, qui quelques jours avant ne recevait que 500 étudiants, accueille 3.000 étudiants par jour, ce qui correspond à 20% de sa capacité d'accueil maximal de 15.000 étudiants », précise Emmanuel Ethis, recteur de la Région académique Bretagne et chancelier des universités, interrogé par La Tribune. « A titre de comparaison, l'Université Bretagne Sud, qui a une vocation technologique, accueille depuis début février 4.300 étudiants sur les 8.700 inscrits. L'idéal serait que le second semestre se déroule dans des conditions normales », explique-t-il.

Détresse chez un tiers des étudiants

Si cette vie en pointillé est difficile à vivre pour beaucoup d'entre eux, il n'est pas simple d'évaluer combien d'étudiants vont mal. « Ceux qui ressentent un mal-être sont aussi ceux qui n'osent pas l'exprimer ou ne savent pas comment l'exprimer », reconnaît Emmanuel Ethis, qui a d'ailleurs reçu le 4 février les représentants d'Union Pirate.

Le principal syndicat de la faculté de sciences humaines Rennes 2 a publié récemment un sondage sur la dégradation des conditions de vie et l'état psychologique des étudiants.

Enfermés dans de petits logements (7% résident dans des logements du Crous, 11% à Rennes), les 18-25 ans ont le moral dans les chaussettes : 87% disent éprouver des difficultés psychologiques, financières et scolaires, et 51% d'entre eux déclarent « se sentir mal ou plutôt mal ». Pire : 20% des 3.000 étudiants interrogés auraient eu des idées suicidaires. Alors que les cours à distance sont jugés « aléatoires » pour 61 % d'entre eux, ils estiment à 92% que le gouvernement n'apporte pas de réponses suffisantes à leurs difficultés.

« Il faut désormais formaliser les constats de cette enquête et cerner les effets des mesures de lutte contre la précarité. Sur le fond, les premiers éléments recueillis montrent que la situation est préoccupante. Notre objectif au niveau de l'académie est avant tout de détecter les situations de ruptures sociales et de maintenir les liens. Il est essentiel de soutenir tous les efforts pour le maintien d'une vie de campus, comme les pratiques culturelles même à distance », ajoute Emmanuel Ethis. Il cite l'achat, avec le Crous de Bretagne, de 3.000 ouvrages pour alimenter des séances de lecture en ligne. « Des mesures d'accompagnement personnalisé et de soutien pour les étudiants en difficulté scolaire au premier semestre sont en outre à l'étude », assure-t-il

Selon d'autres chiffres émanant du Conseil régional de Bretagne, un tiers des étudiants (130.000 au total sur le territoire, 300.000 avec les lycéens) présentent des signes de détresse psychologique, 58% ont perdu ou changé de job, 78% n'ont pas pu réaliser leur stage, 72% ont renoncé à un projet de mobilité internationale.

500.000 euros pour l'alimentation et le soutien psychologique

Pour faire face à cette précarité et compléter les aides d'État (repas à 1 euro dans les Crous, aide de 150 euros aux bénéficiaires des APL), la Région Bretagne a voté, le 8 février en commission permanente, ses premières mesures d'urgence pour les étudiants.

500.000 euros sont ainsi débloqués pour l'aide alimentaire et psychologique. Cette enveloppe représente la première partie de l'aide exceptionnelle de 1 million d'euros, votée en décembre en session plénière par le Conseil régional.

Versés à la direction générale du Crous, 350.000 euros serviront à l'achat de denrées alimentaires et de produits d'hygiène, pour lesquels la demande est aussi forte. Ces aides seront accordées aux étudiants qui en feront la demande, sans critères sociaux. Elles permettront notamment l'approvisionnement des quatre épiceries solidaires sur les campus rennais et brestois (3.000 colis distribués depuis fin janvier) ainsi que le financement de bons d'achat pour les étudiants éloignés des points de distribution de colis alimentaires. Des contrats étudiants seront réservés aux jeunes investis jusqu'ici bénévolement dans l'aide alimentaire.

En parallèle, 150.000 euros (30% des aides) seront destinés au soutien psychologique au sein des services de santé étudiants, à l'accompagnement des étudiants-relais, à la création d'activités en petits groupes pour favoriser le lien social.

Le soutien de la Région sera réparti en fonction des besoins locaux à Brest et à Rennes, mais aussi dans les villes moyennes qui accueillent des étudiants comme à l'IUT et à l'IFSI de Pontivy.

La Région a également annoncé l'abondement des fonds sociaux des 245 lycées bretons publics et privés à hauteur d'un million d'euros, afin de répondre à la demande des familles précarisées et ayant du mal à financer la restauration, les transports ou l'équipement numérique de leurs enfants.

« Cette mesure solidaire permet de s'adresser à un plus grand nombre de jeunes, et pas seulement aux élèves boursiers. Globalement, nous avons le souci de faire attention à la jeunesse et d'en prendre soin », relève Loïg Chesnais-Girard, qui est allé le 29 janvier à la rencontre des étudiants brestois.

Pas officiellement déclaré pour la bataille des régionales, l'élu a indiqué plusieurs fois qu'il était favorable à l'extension du RSA à 18 ans. « Dans la période actuelle, c'est certainement quelque chose à regarder », soutient-il.

Activation des réseaux pour stages et jobs d'été

500.000 euros restent à engager : dans un second temps, la Région a prévu de se pencher sur les situations de décrochage, d'orientation et d'insertion professionnelle de ces « jeunes qui risquent de perdre au terme de ces deux années en motivation et objectifs ».

Elle travaille à l'activation et à la mobilisation de ses réseaux économiques en vue de la mise en place d'un réseau régional d'offres d'emploi, stages et services civiques auprès dans des entreprises ou des organismes publics (resto U, campus universitaires...). L'association Produit en Bretagne, qui fédère 420 entreprises sur le territoire, adhère à l'idée tandis les antennes Bretagne Commerce International et Bretagne Développement Innovation vont aussi être sollicitées.

Le Conseil général évoque par exemple du tutorat auprès des plus jeunes et des missions d'intérêt général rémunérées. Le recteur de l'académie précise qu'il travaille avec la Région sur des « dispositifs qui permettront aux étudiants d'acquérir des compétences autres que par la seule formation d'enseignement supérieur. Ils pourront se décliner à travers des modules de formation aux premiers secours, à l'animation de groupes d'enfants, à la médiation scientifique ou à l'éducation artistique et culturelle ».

Formation et recrutement des moins de 30 ans : 588 postes à pourvoir au Crédit Agricole

Pour les moins de 30 ans, stagiaires de la formation professionnelle ne touchant pas le chômage, la Région Bretagne a mis en place une aide financière qui n'entre pas dans les calculs des prestations sociales. Elle peut être cumulable avec d'autres aides (RSA ou AAH). Dans le cadre du plan de relance et de la mise en place du plan 1 jeune, 1 solution, la Région va proposer aux jeunes de niveau Bac ou sans bac, plus de 3.700 places de formations supplémentaires, à réaliser en 2021 et 2022. Une priorité est donnée aux filières de l'industrie, du numérique, de la transition écologique (en lien avec la Breizh COP, projet pour une Bretagne durable à l'horizon 2040) et de l'aide à la personne. Le Conseil régional s'est aussi prononcé en faveur d'une augmentation des places de formation en soins infirmiers, d'aides-soignants et dans l'accompagnement éducatif et social. En 2021 et 2022, plus de 930 places de formation supplémentaires devraient être proposées.

Du côté des entreprises, le Crédit agricole de Bretagne, un des premiers employeurs régionaux, annonce que 588 postes sont à pourvoir cette année dans les quatre départements : 368 postes en CDI et CDD, 220 réservés aux alternants pour la rentrée de septembre 2021.

Ces emplois concernent tous les marchés de la banque et de l'assurance (particuliers, patrimoine, prévoyance, professionnels, entreprises) ainsi que les fonctions supports. Les diplômés de formation Bac +3 minimum peuvent consulter les offres et postuler sur le site ca-recrute.fr. Les jeunes en formation (apprentissage, contrat de professionnalisation) de niveau Bac+2 et plus, voulant intégrer une formation de niveau Bac+3 à Bac+5 pour l'année scolaire 2021-2022 pourront postuler lors des job dating organisés les 11,12 et 13 mars prochain. En parallèle, l'établissement bancaire lance youzful-by-ca.fr, une plateforme digitale gratuite pour favoriser l'emploi en région. Elle vise à mettre en relation les jeunes et les entreprises qui recrutent partout en Bretagne et France. Plus de 300 000 offres émanant de Pôle Emploi et des professionnels inscrits sont déjà disponibles. P.P.-L.

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Commentaires 3
à écrit le 15/02/2021 à 7:10
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"La collectivite...debloque 500,000.000" j'ai bien lu ? Decidement la Tribune devient de plus en plus meridional. Relisez-vous. Quand on parle de fric, on essaie d'etre exact.

à écrit le 15/02/2021 à 5:46
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N’oublions qu’en France les études sont gratuites ou quasiment ã l’université ce qui n’est pas le cas dans les autres pays, seul les écoles d’ingénieurs et de commerce sont payantes par exemple. Ce qui est un énorme avantage, moi en tant que parent j...

à écrit le 14/02/2021 à 14:20
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faut effectivement concentrer les aides sur les bosseurs, qui font science et auront un boulot plus tard ce qui implique d'exclure tous les glandouilleurs de philo et socio bon, comme ces derniers sont les plus nuisibles, personne ne doute qu'ils v...

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