Le casse-tête économique des TPE corses

Les TPE composent 95% du tissu économique de l'île et sont aujourd'hui fortement impactées par la crise du Covid-19, d'autant que leur activité est intimement liée à la saisonnalité touristique. Malgré un plan de relance de 30 millions d'euros annoncé par la collectivité de Corse, l'inquiétude est réelle chez les observateurs et les professionnels qui redoutent des faillites en cascade.
(Crédits : Reuters)

Peu d'industrie et une poignée de grands groupes : ce sont bien les petits entrepreneurs aujourd'hui malmenés par la crise sanitaire qui structurent le tissu économique corse, qu'ils composent à 95%. Les 14.000 entreprises artisanales que compte l'Insee relèvent pour les trois quarts du tertiaire, secteur où la restauration et l'hôtellerie sont deux fois plus représentées qu'au plan national. L'« année blanche » redoutée par la présidente de l'agence du tourisme de la Corse impacte encore plus violemment des artisans dont l'activité est liée à la saisonnalité.

"60.000 établissements vont demander des prêts"

« Les entreprises corses sont touchées par cette crise systémique où il faut à tout prix préserver la trésorerie », martèle à La Tribune Jean-André Miniconi, le représentant local de la CPME.  « La plupart des entrepreneurs qui ont déposé des dossiers pour des PGE (plan garanti par l'Etat) et n'ont pas de réponse, hors, environ 85% des 60.000 établissements vont demander des prêts; au rythme où sont traités les dossiers, tout sera fait en septembre 2021 », ironise le chef d'entreprise ajaccien dont la concession automobile a, comme d'autres, relevé le rideau depuis une semaine. Selon lui, les banques ne sont pas armées pour ces demandes massives qui créent « des embouteillages ». « Les entrepreneurs qui ont un ou deux mois de trésorerie d'avance tiennent malgré tout, mais à partir de la mi-mai, les artisans ne pourront plus payer les fournisseurs qui vont les déréférencer et ainsi de suite », s'alarme-t-il, prédisant des « faillites en cascade ».« D'autant qu'après la reprise, il n'y aura pas 100% de l'activité des entreprises, mais 60% au mieux», estime-t-il, tout en plaidant pour l'annulation des charges sociales.

"Le PGE va créer de la dette toxique"

« Il faut un plan de relance massive », analyse pour la Tribune Jean-Charles Sananes, le directeur régional de la banque de France : « Les banques jouent le jeu mais elle sont elles aussi touchées par le Covid-19 et ne sont pas équipées pour faire face ». Environ « 1.600 dossiers » ont d'ores et déjà été déposés dans l'île pour des PGE. Si tout est suspendu aux conditions du déconfinement, malgré les aides, « il y aura une sélection naturelle », qui touchera les plus faibles économiquement, d'après le directeur.

« Aujourd'hui, on ne sait que gagner du temps, et pour une entreprise qui a du mal à s'en sortir, cela complique l'équation », note Frédéric Galiani, expert-comptable et commissaire aux comptes à Ajaccio. « Actuellement, on est dans une zone de confort, la crise économique, c'est pour demain et elle sera ici plus marquée qu'ailleurs car elle dépend essentiellement du tourisme », complète-t-il, « On part pour quelques années très dures avec de la casse sociale importante, d'autant que l'on va créer de la dette toxique avec le PGE pour des entreprises qui étaient déjà à flux tendu ».

Un fonds de solidarité corse

La collectivité de Corse a elle aussi lancé son propre fonds de solidarité pour soutenir les entrepreneurs corses avec des aides de 2.000 à 5.000 euros qui renforcent les dispositifs nationaux.

Une mesure qui laisse perplexe certains acteurs du monde de la petite entreprise qui attendent une action globale.

« Il y a un décalage entre ce que le gouvernement ou les élus locaux annoncent à coups de millions d'euros et la réalité », tranche Frédéric Masia, vice-président de la chambre des métiers de Corse-du-Sud « Ne nous donnez pas d'aides, donnez-nous un plan de reprise! ».

Selon lui,  sept TPE corses sur dix sont à flux tendu et seule une politique dynamique et incitative en matière de transports et de promotion de la destination pourraient « sauver  les huit petites semaines » que va compter la saison touristique. « Si rien n'est fait, on aura 10.000 artisans par terre », s'alarme-t-il.

Un plan de relance de la CDC à 30 millions d'euros suffisant?

Gilles Simeoni, le président de l'exécutif, qui planche sur un grand plan de relance économique et social a convoqué la semaine dernière une conférence bancaire territoriale afin de « garantir un égal accès aux crédits bancaires exceptionnels ». Le patron de l'exécutif insulaire a salué la présence de tous les acteurs du secteur de la banque qui ont validé une méthodologie annoncée à grand renfort de communiqué : établir un reporting régulier afin d'avoir une vision globale du nombre de dossiers instruits, du nombre de bénéficiaires et leur typologie, mais aussi simplifier les démarches et, enfin, réduire les délais d'instruction.

Vendredi, réunie pour une session inédite en visioconférence, l'assemblée de Corse a validé le plan d'urgence et de sauvegarde économique et sociale qui pèse 30 millions d'euros, tandis que l'opposition de droite, via son chef de file, Jean-Martin Mondoloni, a dénoncé l'insuffisance de ces mesures. « Je n'appelle pas cela un plan de relance, mais un diagnostic. Nous avons délibéré sur un document qui est indigent en matière de tourisme et auquel je reproche de ne pas prendre de risque pour que la Corse redevienne productive », déclare l'élu à La Tribune. Pour le camp libéral, le PGE ne produit que de la dette amortissable : « C'est reculer pour mieux sauter ». « Et la collectivité de Corse ne dispose pas de planche à billets », ironise-t-il. « Il faut ouvrir dans de bonnes conditions les ports et les aéroports et donner, à travers la commande publique, des signaux de relance », propose-t-il, s'estimant « circonspect » devant cet « inquiétant défaut de visibilité ».

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Commentaires 3
à écrit le 03/05/2020 à 12:42
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Qu'en pensent les indépendantistes ?

à écrit le 02/05/2020 à 13:06
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Qu'en pensent les indépendantistes ?

à écrit le 30/04/2020 à 20:35
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Bye bye....

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