Dans les Vosges, la crainte de ne pas pouvoir accueillir tous les touristes cet été

La clientèle se bouscule dans les stations de moyenne montagne du massif vosgien, mais les hôteliers et les restaurateurs peinent à fournir les services attendus. L'investissement nécessaire pour rendre attractifs les métiers du tourisme n'est pas à la portée de tous les indépendants.
A Gérardmer, le tourisme représente 60 % de l'activité économique.
A Gérardmer, le tourisme représente 60 % de l'activité économique. (Crédits : Olivier Mirguet)

L'été s'annonce rude chez les hôteliers et les restaurateurs vosgiens. Après une saison 2021 réjouissante, où les exploitations ont fait le plein d'une clientèle de proximité sevrée par quinze mois de crise sanitaire, les professionnels du tourisme entrent avec angoisse dans la nouvelle période estivale. « La clientèle sera présente dans les Vosges mais on ne pourra pas accueillir tout le monde », a prévenu François Cornil, président départemental de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH). « Il manque 20 % de personnel en moyenne, soit 600 emplois dans nos établissements à l'échelle du département. Dans les hôtels et les restaurants, on n'arrive pas à faire les plannings ».

Dans le massif vosgien, la pénurie de ressources humaines entraîne déjà des fermetures temporaires. Au début de l'été, malgré l'afflux de clientèle déjà constaté, certains établissements ont décidé de baisser le rideau deux jours, voire deux jours et demi par semaine. « Nous ne voulons pas offrir un service dégradé. Les clients ne comprendraient pas. Et nos salariés doivent pouvoir prendre leurs repos hebdomadaires », justifie François Cornil.

Les 4 étoiles cherchent des salariés

Une situation ubuesque alors que les Vosges connaissent depuis une dizaine d'années un regain d'attractivité. Le climat tempéré de ce massif de moyenne montagne attire la clientèle de proximité. La montée en gamme de l'offre de loisirs a séduit les consommateurs des pays limitrophes (Luxembourg, Allemagne) à fort pouvoir d'achat. « On manque de tout, en salle et en cuisine. Alors on a décidé de fermer le restaurant à midi en semaine, le mardi soir et le mercredi soir », déplore pourtant Elisabeth Ragazzoli, patronne des Jardins de Sophie, un hôtel-restaurant 4 étoiles avec spa, installé sur 9 hectares de forêt à Xonrupt-Longemer. Pour ses postes d'encadrement, Elisabeth Ragazzoli a tenté les cabinets de chasseurs de têtes. Sans succès. Au Grand Hôtel à Gérardmer, un autre 4 étoiles qui accueille chaque hiver les stars du festival du film fantastique, le service estival est assuré malgré les effectifs réduits : 72 postes sont occupés dans une organisation qui repose en théorie sur la présence de 80 salariés. « Cette année, j'investis 1,4 million d'euros dans mes cuisines pour améliorer les conditions de travail. Nous n'arrivons plus à recruter. Alors je préfère voir le verre à moitié plein, et rester optimiste », suggère Claude Rémy, propriétaire du Grand Hôtel.

Le tourisme a dépassé le textile

L'enjeu de l'attractivité des emplois est pesant, dans une économie locale en reconversion. « 60 % de l'activité repose sur le tourisme à Gérardmer. Le tourisme est devenu notre premier pilier économique, il vient de doubler l'industrie textile », rappelle Stessy Speissmann, maire de cette commune où le lac, bordé de sentiers de promenade, attire des clientèles de tous âges. « Certains week-ends en été, notre commune de 8.000 habitants multiplie sa population par cinq. Des diversifications ont été engagées, avec succès, grâce aux vélos électriques et à la randonnée. Il ne faut pas que cela s'arrête », espère l'élu.

Doté depuis 2009 de sa marque territoriale, « Je vois la vie en Vosges », le département entier aimerait suivre la même trajectoire que Gérardmer. « L'économie touristique se porte bien dans les Vosges depuis la sortie de la crise sanitaire du Covid. Mais on souffre terriblement de l'inadéquation entre l'offre de main-d'œuvre et à la demande », observe François Vannson, président (LR) du Conseil départemental. « Nous n'avons pas atteint la situation du plein emploi. Le taux de chômage reste légèrement supérieur à 8 % dans notre département. Ce que je déplore, c'est la démotivation de certains publics à travailler. Je suis ne pas heureux de cette situation », attaque François Vannson. « Notre société de loisirs a besoin de salariés pour servir les clients. On a connu dans les Vosges des expériences positives d'intégration des jeunes migrants non accompagnés, qui ont passé leur brevet professionnel en un an. Les professionnels de l'hôtellerie en ont conscience. Si ils offraient des logements à ces jeunes, comme ils en offrent parfois aux saisonniers, la saison pourrait être belle », propose François Vannson.

Compétition entre les métiers

« Le problème n'est pas propre au tourisme. On observe des tensions dans le recrutement dans tous les secteurs d'activité, le bâtiment, le transport, la mécanique », a observé Yannick Holtzer, chargé de mission pour l'économie et l'attractivité au Conseil départemental des Vosges. Dans cette compétition inter-métiers, certains hôteliers espèrent tirer leur épingle du jeu. « On a supprimé le service de midi et changé le rythme de travail de nos 30 salariés », raconte Olivier Lapotre, propriétaire de l'hôtel-restaurant du Collet, situé à 1100 mètres d'altitude entre la station de La Bresse et le col de la Schlucht. « La coupure entre les deux services est supprimée. Six salariés peuvent être hébergés pour éviter les trajets en voiture. Et pour accompagner le changement d'offre, j'ai investi 5 millions d'euros dans la construction d'un spa et l'agrandissement des chambres ». Le pari du repositionnement d'une affaire familiale, risqué, n'est pas à la portée de tous les exploitants.

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