Jean-Noël Dron consolide des brasseries traditionnelles dans le Grand-Est

Le groupe strasbourgeois des Grandes Brasseries de l'Est se déploie entre Strasbourg et Paris, où il cible des restaurants de grande renommée architecturale. Les marchés de Noël, événements majeurs dans le calendrier touristique régional, doivent soutenir la fréquentation de ses quinze établissements. Mais le contexte sanitaire freine l'activité.
Construite à Strasbourg en 1427 et complétée au seizième siècle, la maison Kammerzell abrite un restaurant exploité par les Grandes Brasseries de l'Est.
Construite à Strasbourg en 1427 et complétée au seizième siècle, la maison Kammerzell abrite un restaurant exploité par les Grandes Brasseries de l'Est. (Crédits : DR)

La Kammerzell, chef-d'oeuvre de la Renaissance rhénane situé face à la cathédrale de Strasbourg, apparaît comme le restaurant le plus emblématique dans la collection des Grandes Brasseries de l'Est, groupe multi-enseignes de restauration commerciale établi à Strasbourg. A moins qu'il ne s'agisse de l'Excelsior, fleuron de l'architecture Art Nouveau repris en 2016 à Nancy. Ou de la brasserie Excelsior à Reims, ou du Bouillon Julien à Paris... Constitué de 15 restaurants et cafés dans trois villes du Grand-Est et à Paris, ce groupe multi-enseignes s'est renforcé en juillet 2021 en reprenant l'activité de l'Ancienne Douane à Strasbourg. Cette adresse emblématique régionale, long quadrilatère de style gothique, est fréquentée par des groupes de touristes et offre encore un important potentiel de développement.

Jean-Noël Dron, président et fondateur des Grandes Brasseries de l'Est, a déjà prévu une montée en gamme pour sa dernière acquisition. La renommée de ce restaurant de 800 places (200 couverts en terrasse) tient davantage à son emplacement dans le périmètre historique classé au patrimoine mondial de l'Unesco qu'à ses prestations gastronomiques. "Nous souhaitons y attirer de nouveaux clients, quitter un modèle principalement axé sur les grandes tables et faire en sorte que les clients individuels s'y sentent mieux", propose Jean-Noël Dron.

L'incertitude du marché de Noël

Le marché de Noël qui se tient au mois de décembre, haute saison de fréquentation touristique dans la capitale alsacienne, doit servir de test pour le repositionnement de l'Ancienne Douane exploitée précédemment par le groupe Elior.

Mais le calendrier prévu pour cette montée en gamme n'est pas idéal. La crise sanitaire a bouleversé les prévisions de fréquentation touristique à Strasbourg. Les marchés de Noël alsaciens, temps forts promotionnels depuis leur reprise en main par le Comité régional du tourisme dans les années 1990, n'apportent plus les mêmes garanties de fréquentation et de chiffre d'affaires.

Le mois de décembre représente en moyenne 15 % de l'activité annuelle des industries touristiques en Alsace. Trois années noires se sont succédées depuis l'attentat en 2018 sur le marché de Noël à Strasbourg, et le volume de fréquentation (1,5 million de visiteurs) a chuté. L'édition 2020 a même été annulée pour cause de crise sanitaire. Les retombées économiques du "Christkindelsmärik", estimées à 250 millions d'euros, ont longtemps profité aux cafés, hôtels et restaurants. Toujours en raison du Covid, des incertitudes pèsent cette année quant au maintien jusqu'à son terme de l'édition 2021, inaugurée le 26 novembre. Les horaires ont déjà été réduits sur ordre de la préfecture, par prudence.

"Le marché des groupes de touristes n'a pas totalement redémarré cet été dans nos établissements strasbourgeois", observe Jean-Noël Dron. "Les rares réservations prévues par des groupes allemands pour la période de Noël ont été annulées en dernière minute, pour cause de crise sanitaire. A présent, ce sont toutes les fêtes d'entreprises qui sont soit annulées soit reportées. Les chiffres de fréquentation de nos restaurants sont devenus imprévisibles. Malgré cela, nous avons retrouvé depuis le mois d'octobre un niveau d'activité identique à celui de 2019", analyse le président des Grandes Brasseries de l'Est. Le groupe compte désormais 500 salariés pour un chiffre d'affaires de 34 millions d'euros en 2019, dernière année d'activité "pleine" avant la crise du Covid. 35 personnes viennent d'être recrutées au mois de novembre.

Approvisionnements décentralisés

La choucroute, best-seller à la maison Kammerzell où elle est cuisinée au poisson, apparaît à la carte de la majorité des établissements des Grandes Brasseries de l'Est. Pourtant, Jean-Noël Dron n'a pas jugé pertinent de centraliser l'ensemble de ses achats de matières premières, laissant à chaque restaurant le soin d'organiser ses approvisionnements en direct avec les fournisseurs. Pour réaffirmer son positionnement local, l'Ancienne Douane vient de signer avec la cave viticole de Turckheim un contrat qui prévoit la livraison de 20.000 bouteilles de vin blanc d'Alsace. Ce contrat comprend une organisation logistique inhabituelle : les cartons de vin sont d'abord livrés chez un prestataire indépendant en périphérie de la ville, avant d'être acheminés en bateau puis en vélo-remorque jusqu'au restaurant, en zone piétonne. Cette démarche, mise en valeur par sa communication sur le développement durable, a déjà attiré l'attention des médias locaux.

"Notre positionnement, c'est la brasserie traditionnelle", rappelle Jean-Noël Dron. "Quand je reprends un restaurant, j'achète avant tout du chiffre d'affaires et j'essaie de le faire prospérer lentement. Mais je ne suis pas un boulimique. Il n'y jamais eu de plan de développement avec des objectifs de croissance", poursuit le restaurateur dont le groupe s'est constitué en auto-financement, par rachats successifs depuis 1997. "Le groupe est peu endetté. Nous amortissons vite nos acquisitions en finançant chaque fonds de commerce sur sept ans. Je ne souhaiterais manquer aucune opportunité telle que la Kammerzell ou l'Ancienne Douane, semblables à la comète de Halley : elles ne passent qu'une fois tous les 80 ans", estime Jean-Noël Dron. "A chaque fois que nous reprenons une adresse, nous essayons aussi de racheter les murs, mais rares sont les propriétaires qui souhaitent vendre", regrette-t-il. A Strasbourg, le bâtiment de l'Ancienne Douane appartient à la ville. Celui de la Kammerzell apparient à la fondation de l'Œuvre Notre-Dame, l'institution séculaire qui est aussi en charge de la conservation de la cathédrale. "Je reste à l'achat, même si la conjoncture est incertaine", prévient Jean-Noël Dron.

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