Changement de calendrier à Strasbourg pour les propriétaires de véhicules polluants. La ville et son agglomération, qui prévoyaient d'interdire dès le 1er janvier 2025 l'ensemble des voitures diesel, reportent cette interdiction à 2028 "au plus tard", ont annoncé le 28 avril la maire Jeanne Barseghian (EELV) et la présidente de l'Eurométropole Pia Imbs. Les véhicules sans vignette ou titulaires d'une vignette Crit'Air 5 seront bannis dans la zone à faibles émissions (ZFE) dès 2022, mais les sanctions n'interviendront qu'en janvier 2023 au terme d'une période de contrôles pédagogiques. Les catégories intermédiaires (Crit'Air 4, 3 et 2) seront bannies progressivement entre 2024 et 2027.
Pour accompagner cette évolution, l'Eurométropole promet des aides pour l'achat de vélos électriques, des extensions du réseau existant de pistes cyclables et le prolongement du réseau de tramway à l'ouest de l'agglomération. La collectivité prévoit, avec le Conseil régional du Grand-Est, de développer l'offre ferroviaire avec un réseau express métropolitain (REM) reliant entre elles les 13 gares existantes dans l'agglomération. Le REM permettrait de traverser l'aire urbaine sans rupture de charge, à la manière d'un RER francilien. Jeanne Barseghian avait inscrit dès 2020, comme promesse de campagne, la gratuité des transports en commun pour les moins de 18 ans. Cette gratuité dans les bus et tramways de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) sera effective pour les jeunes, 365 jours par an, dès le 1er septembre. Des aides financières pourraient en outre être versées par l'Eurométropole aux ménages les plus modestes pour l'acquisition d'un véhicule "propre", à hauteur de 1.000 euros.
L'interdiction de circulation concernerait 9.509 véhicules immatriculés sur le territoire strasbourgeois lors de la première étape de la ZFE en 2023. Elle entraînerait, à terme, le retrait de 170.000 voitures "polluantes", soit toutes les catégories hors Crit'Air 0 et Crit'Air 1, de l'Eurométropole en 2028. La catégorie intermédiaire Crit'Air 2, qui comprend les voitures diesel immatriculées depuis 2011 et les essence ou hybrides mises en circulation entre 2006 et 2010, représente la part la plus importante de ce parc.
Une conférence citoyenne au mois de mai
La nouveauté de ce calendrier de la ZFE réside dans l'adaptation d'un agenda commun aux 33 communes de l'Eurométropole (505.000 habitants). La collectivité prévoyait initialement un calendrier à deux vitesses, avec l'interdiction en janvier 2025 des Crit'Air 2 dans les six communes de la "première couronne", puis sur l'ensemble du territoire en 2028. Le nouveau calendrier sera soumis cet été, le 12 juillet, au vote de l'assemblée de l'Eurométropole. La collectivité promet à partir du 10 mai une "conférence citoyenne" pour "répondre directement aux questions des habitants, afin de partager les enjeux et de trouver ensemble les solutions de mobilité adaptées à chacun".
"En moyenne, il y aurait 500 décès prématurés par an sur notre territoire du fait de la mauvaise qualité de l'air", estime l'Eurométropole dans son document de présentation, dont la source est imprécise : le calcul se réfère à une étude de la Société européenne de cardiologie et ce chiffre correspond à une projection locale de données statistiques nationales. L'agglomération strasbourgeoise souffre de la présence de l'autoroute A35, qui la traverse en son centre et concentre un volume significatif de poids lourds en transit. Des modes de transports doux ont été favorisés pour la population strasbourgeoise depuis le début des années 1990 avec l'aménagement d'un réseau de six lignes de tramway, la création d'un centre-ville piéton et le déploiement de 600 kilomètres de pistes cyclables.
Identifier les besoins des entreprises
La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) Alsace Eurométropole a lancé cette semaine une étude sur les besoins de mobilité des entreprises, et sur les adaptations des parcs de véhicules professionnels qui en découleront. "Nous nous donnons un mois pour connaître tous les enjeux de la mobilité dans le monde économique. L'Eurométropole compte 23.000 entreprises. Nous ne savons pas si des alternatives aux carburants diesel seront disponibles pour couvrir l'ensemble de leurs besoins en 2028", explique Jean-Luc Heimburger, président de la CCI. "La réponse politique locale au problème de la pollution est louable. Mais il y a un problème chez les constructeurs, avec trop d'inconnues. Quelle sera la charge utile des camionnettes en 2028, quelle sera leur autonomie ?", s'interroge Jean-Luc Heimburger. "Nous serons aussi pragmatiques que possible", rassure Anne-Marie Jean, vice-présidente de l'Eurométropole en charge de l'économie. "Des dérogations seront offertes pour les catégories de véhicules professionnels qui n'existeront peut-être qu'en diesel, comme les bétonneuses", prévoit l'élue. "Ce qui apparaît comme une contrainte peut se révéler très agréable à vivre. Imaginez une navette fluviale pour effectuer le post-acheminement des touristes que les autocars déposeraient au port du Rhin", suggère Anne-Marie Jean.
Le calendrier d'interdiction des véhicules diesel a provoqué un débat politique entre les maires des communes de l'agglomération, ravivant les oppositions entre la majorité de l'Eurométropole (EELV, gauche) et certains élus de droite. Thibaud Philipps, élu (LR) d'Illkirch-Graffenstaden, juge le calendrier "incohérent" et promet un référendum local le 27 juin dans sa commune, sur la ZFE et l'interdiction des voitures Crit'Air 2 qui doit intervenir un an avant celle du diesel. "La loi climat en préparation ne parle pas de la Crit'Air 2. A l'Eurométropole, on veut aller plus vite que le calendrier national et on veut être plus royaliste que le roi", regrette le maire de la troisième commune de l'agglomération (27.000 habitants). "En interdisant la Crit'Air 2, on va annoncer aux trois-quarts des automobilistes qu'ils ne pourront plus circuler après 2027, sans leur offrir de solution", déplore-t-il. Thibaud Philipps a identifié une quinzaine de maires (sur 33) prêts à l'accompagner sur son "front de l'écologie pragmatique", en réaction à "l'écologie punitive" mise en œuvre selon lui par la majorité strasbourgeoise.
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