Comment Saint-Gobain a réussi à fabriquer du verre plat zéro carbone, une première mondiale

Il aura fallu trois années de recherche et de péripéties au verrier français pour réussir cette première mondiale sur son site d'Émerchicourt, dans le département du Nord: la fabrication de verre plat zéro carbone. Le procédé - à base de verre recyclé, de biogaz et d'électricité verte - est désormais maîtrisé. Mais l'absence d'organisation dans la filière recyclage du bâtiment rend son industrialisation difficile. Explications.
Stockage de calcin sur un site de Saint-Gobain.
Stockage de calcin sur un site de Saint-Gobain. (Crédits : Saint-Gobain)

Le défi pour fabriquer du verre plat zéro carbone était double. Première prouesse: il faut que la matière première soit constituée à 100% de « calcin », une poudre de verre recyclé provenant de vitrages en fin de vie.

Pour rappel, en 2019, Saint-Gobain avait déjà réintroduit plus de 35% de ce calcin dans ses fours en France avec des économies de matières premières non négligeables à la clé. Sachant que 1 tonne de calcin permet d'économiser 1,2 tonne de matières premières vierges (dont 850 kg de sable), cela représentait déjà une réduction de 16,6 % des extractions et du transport de matières premières.

Deuxième prouesse, le four, qui se doit d'être alimenté avec des énergies vertes. Le procédé de fusion du verre représente en effet 70% à 80 % des émissions de CO2 d'un site. Ce qui place l'ensemble de la filière d'élaboration du verre face au défi de la neutralité carbone.

D'ailleurs, le programme de R&D baptisé Vercane, soutenu par l'Ademe, étudie justement les différentes sources d'alimentation des fours, à savoir l'hydrogène, les bio-ressources et même l'électricité. Tout en explorant en parallèle les possibilités d'adaptation des fours de fusion préexistants à ces nouvelles sources d'énergie.

30 millions dans un nouveau four économe en énergie (-25%)

En 2016, c'est grâce à un investissement de 30 millions d'euros que la production de ce verre plat à Aniche a pu être redémarrée. Le four, entièrement reconstruit, avait intégré les dernières innovations technologiques, se traduisant par une économie de 25% sur l'énergie consommée. L'usine de Salaise-sur-Sanne (38) a aussi bénéficié des mêmes avancées, moyennant 26 millions d'euros. Au total 56 millions ont ainsi été investis dans l'évolution de deux des trois lignes de verre plat de Saint-Gobain en France.

La production de cette première fournée de verre plat décarboné à Aniche aura duré au total une semaine. Suffisamment donc pour démontrer la faisabilité du procédé de fabrication décarbonée de ce verre plat dit "flotté" ("float glass") destiné à fabriquer des vitres. Trois années de recherche ont été nécessaires, notamment pour ajuster la thermodynamique du four, afin d'obtenir ce vitrage sans défaut, conforme aux normes exigées dans le bâtiment.

« Nous avons produit 2.000 tonnes de verre plat, soit de quoi fabriquer 100.000 fenêtres », détaille Saint-Gobain France. Soit 1.020 tonnes d'émissions de CO2 et 2.400 tonnes de matières premières vierges économisées, dont 1.600 tonnes de sable, une ressource non renouvelable.

Le recyclage n'est pourtant toujours pas au rendez-vous

Problème, le passage à une production permanente n'est pas pour autant jouée d'avance. Que ce soit à Aniche ou dans les deux autres sites de fabrication de verre plat en France du groupe. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le calcin n'est pas aujourd'hui disponible en quantité suffisante. Cette matière première doit être de qualité, et donc provenir exclusivement d'anciennes fenêtres. Du simple verre issu de bouteilles ou de flacons ne ferait pas l'affaire.

Le nerf de la guerre va donc se situer dans l'organisation d'une filière déconstruction du bâtiment et dans l'exploitation de cet énorme gisement, aujourd'hui estimé par Saint-Gobain à 200.000 tonnes de calcin dans l'Hexagone. D'après le verrier, seul... 5% de ce gisement serait actuellement récupéré et valorisé.

« Un site comme Aniche consomme environ 740 tonnes par jour de matières premières pour assurer la production quotidienne de 600 tonnes de verre », précise Matthieu Jourdier, directeur industriel Glass Industry France. D'où l'intérêt de remplacer un maximum ces ressources épuisables, comme le sable, par du calcin.

Une filière à reconstruire

Rien que pour réaliser cette production de verre plat pendant une semaine, Saint-Gobain a dû mobiliser 25 partenaires en France. En trois mois, quelque 2.300 tonnes ont été collectées. Trois sources distinctes existent : la récupération des chutes de coupe dans les usines de Saint-Gobain, la collecte des restes de production de ses clients transformateurs et la récupération des vitrages issus de la déconstruction d'un bâtiment.

Si la première et la deuxième pistes ont pu être optimisées, la question du recyclage du verre issu de la déconstruction reste entière. Pour y remédier, Saint-Gobain a mis en place le projet Tri-Calcin, une ligne automatique de tri et de contrôle du calcin dans son usine d'Aniche, afin de trier ces vitrages récupérés mais également de contrôler leur qualité. France Relance a soutenu l'investissement à hauteur de 30%. L'objectif est de réussir à trier 1.300 tonnes en « boucle fermée », ce qui reste encore bien peu par rapport aux besoins.

La montée en puissance de Valobat, l'éco-organisme de recyclage des produits du bâtiment, ainsi que le contexte législatif de la responsabilité élargie des producteurs, devraient aider à structurer le mouvement. Le site d'Aniche espère bien introduire progressivement le calcin dans sa production, pour atteindre 50% d'ici à 2030.

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Commentaires 4
à écrit le 05/07/2022 à 19:39
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Solaire thermique. Micro-ondes. Thermo-acoustique. Voila.

à écrit le 22/06/2022 à 15:16
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Le procédé - à base de verre recyclé, de biogaz et d'électricité verte - est désormais maîtrisé. Bien entendu si l'électricité n'est pas verte, ça ne marche pas n'est-ce pas?

à écrit le 13/06/2022 à 7:23
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le 13/06/2022 à 15:07
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Ils en ont déjà (je croyais que c'était plus du projet que de la réalité) ? Chaque industrie le sien ? Ça doit être surdimensionné, vu combien ça fournira à l'unité (sauf si vous pensez en faire des petits, taille d'une camionnette par ex). Le bilan ...

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