Hauts-de-France  : 650 millions d'euros pour l'économie décarbonée

Le mouvement Rev3, accélérateur de la troisième révolution industrielle dans les Hauts-de-France, met le turbo pour accélérer sa transition vers l'économie décarbonée. Le nouveau dispositif Rev3 Financement va mobiliser la coquette somme de 650 millions d'euros.
(Crédits : Rev3)

« Rev3 a besoin de changer de dimension et d'ambition », lance Philippe Vasseur, à l'initiative de ce projet de troisième révolution industrielle en Hauts-de-France. Cet homme de tous les réseaux, notamment ancien commissaire spécial à la ré-industrialisation des Hauts-de-France d'un certain Emmanuel Macron alors ministre de l'Economie, et par ailleurs organisateur du World Forum, rendez-vous international des acteurs de la responsabilité sociétale depuis 2007, avait réussi un coup phénoménal en 2012 : convaincre l'ancien président socialiste du conseil régional, Daniel Percheron, de faire du Nord-Pas-de-Calais le premier territoire régional d'expérimentation au monde de la troisième révolution industrielle.

Huit ans déjà que Jeremy Rifkin, prospectiviste américain, avait lancé une « roadmap » de la transition énergétique à un parterre d'acteurs institutionnels et économiques régionaux... plutôt dubitatifs. « C'est aujourd'hui, le meilleur projet en Europe », confirme l'intéressé par vidéo dans l'un des webinaires de Rev3. S'il n'a pas délivré plus d'éléments de comparaison, Jeremy Rifkin ne manque jamais de parler de cette région du Nord de la France dans toutes ses conférences à travers le monde.

Une région désormais légitime

« Les autres présidents de CCI en France sont presque jaloux de notre démarche, confirme Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France. Si, au départ, beaucoup de chefs d'entreprises étaient sceptiques, ils s'emparent du dossier. Le monde d'après ne se fera pas sans transition écologique et numérique ».

Xavier Bertrand, à la tête de la nouvelle majorité du conseil régional, n'a pas effacé les travaux de son prédécesseur en la matière, bien au contraire. « Quand l'Europe lance un green new deal, nous ne sommes pas candidats, nous sommes légitimes », lance-t-il. « Tout le monde connaît ma position pour l'éolien terrestre (NDLR : en guerre contre leur développement anarchique) mais je crois foncièrement au photovoltaïque, pas seulement pour les fermes solaires mais pour les bâtiments tertiaires (...). Par exemple, la Région ne finançait pas les bâtiments péri-scolaires mais elle va le faire pendant la période du plan de relance car cela va donner du travail », explique-t-il.

La "fin" justifie les moyens

Aujourd'hui, Rev3 veut « au moins doubler » le nombre de projets dans les cinq ans, sachant que 12.000 opérations ont déjà été accompagnées depuis huit ans. « Nous sommes restés en tête du peloton mais nous devons accélérer », affirme Philippe Vasseur, ex-président du Comité Grand Lille et ex-président de la CCI Nord de France, ex-président du Crédit Mutuel Nord Europe mais également ancien ministre de l'Agriculture de Jacques Chirac. Pour transformer le mouvement, il a annoncé, d'un côté, la refonte des dispositifs de financement Rev3 et, de l'autre, une nouvelle gouvernance. La « fin » justifiant les moyens.

Le financement se divise toujours en trois piliers, mais avec des montants bien plus conséquents dans la nouvelle version : 250 millions en investissements, 150 en prêts et 250 en subventions. « L'enjeu est d'amplifier, de renforcer et d'accélérer le financement des projets, couvrant tous les besoins de financements de tous les porteurs de projets , quelle que soit la taille de l'entreprise », résume David Brusselle, directeur général de la CCI Hauts-de-France.

Cap 3RI pour l'equity

Du côté de l'investissement « equity », le navire amiral a toujours été Cap 3RI, co-piloté par le conseil régional et la CCI, intervenant plutôt en haut de bilan. Aujourd'hui, c'est une enveloppe de 37 millions d'euros... qui vont passer à 250 millions d'euros, avec l'idée de servir une cible plus large, en simplifiant au maximum les premières démarches.

Financé par la Région, le Crédit Agricole Nord de France, Groupama et la BPI, « ce fonds veut contribuer à une économie bas carbone, circulaire, créatrice d'emploi : c'est unique en Europe », résume Christophe Deldycke, président de Nord Capital Partners, premier investisseur professionnel en Hauts-de-France. "Depuis quatre ans, 11 entreprises ont été accompagnées. Plus de 20 millions d'euros ont déjà été investis dans des projets de territoires pour 2.500 emplois et un million de tonnes de CO2 économisés par an, comme Gazonor, qui récupère le gaz de mine à Avion ou encore Wizpaper, qui a réinvesti l'ancien site abandonné d'Arjowiggins qui fabrique du carton plat ondulé », détaille-t-il. La nouvelle mouture de Cap3RI devrait faire entrer de nouveaux investisseurs, « parfois même d'envergure internationale même si on n'interviendra que dans les Hauts-de-France », souligne Philippe Vasseur.

Livret Rev3

Du côté des prêts, le Crédit coopératif propose déjà plusieurs dispositifs, dont notamment le livret Rev3 a rassemblé 42 millions pour accompagner les porteurs de projet du territoire. « La région est en train de discuter avec la Banque publique d'investissement (BPI) pour déployer de nouveaux sujets, le conseil régional prenant également des risques. La Région propose déjà des prêts en direct, et va désormais plus les orienter sur des projets écologiques ». Il s'agit aujourd'hui d'atteindre une enveloppe de 150 millions d'euros pour les entreprises vertueuses.

Enfin, du côté des subventions, le Fonds régional d'amplification de la révolution industrielle (FRATRI), géré avec l'ADEME accompagne déjà près de 200 nouveaux projets par an, comme des travaux, des programmes d'activités, des évènements, des prototypes d'innovation, pour environ 25 millions par an. « Pour les projets plus importants, nous sollicitons les fonds européens via le FEDER : nous avons fait un point sur la période 2014-2021, nous avons programmé 127 millions d'euros », souligne la directrice générale de la mission Rev3.

Subventions européennes

Mieux, dans le cadre du plan de relance européen, REACT EU (Recovery Assistance for Cohesion and the Territories of Europe) va permettre de programmer 300 millions d'euros sur la région d'ici 2023. « Le prochain FEDER apportera des fonds équivalents à ce que nous avons aujourd'hui. L'Etat a également désigné un fonds de transition juste, d'environ 300 millions d'euros pour le Nord et le Pas-de-Calais, afin de financer toutes les opérations de décarbonation de l'économie », poursuit Virginie Renault.

« Le plan de relance voté par le conseil régional le 30 juin dernier a d'ailleurs été très axé sur Rev3, avec près de 100 millions d'euros, contre 45 aujourd'hui », commente Philippe Vasseur à l'initiative du projet, qui ambitionne déjà que la totalité des subventions puisse atteindre 250 millions d'euros.

Nouvelle gouvernance

 Au-delà de l'argent, l'autre grande annonce a concerné la gouvernance. « Nous allons mettre en place un comité opérationnel, véritable organe de liaison de coordination, qui restera en lien avec tous les partenaires », dévoile Philippe Vasseur. « Et au-dessus de ce comité, sera créé un conseil stratégique qui se réunira deux à trois fois par an à la manière d'un directoire et un conseil de surveillance", précise-t-il.

Y siégeront le conseil régional avec Xavier Bertrand, la CCI Hauts-de-France, la Chambre d'agriculture et les autres acteurs institutionnels puisque nous avons toujours eu l'habitude de travailler de façon collégiale mais également des personnalités extérieures, comme par exemple le PDG de l'ADEME, Didier Leroy vice-président Toyota ainsi qu'une dizaine d'autres personnalités du monde économique.

« Nous avons la chance de pouvoir travailler tous ensemble comme la CCI, la Chambre d'agriculture, le monde universitaire et des partenaires très impliqués comme l'ADEME. Nous avons une équipe et une méthode pour développer de grands projets », résume Philippe Vasseur. Aujourd'hui, 48 personnes travaillent autour de l'innovation dans les économies renouvelées et partagées, de l'économie circulaire, la transition citoyenne et le rayonnement international.

Biométhane et économie circulaire

« Des collectifs travaillent autour de thématiques bien précises comme par exemple le biométhane : nous souhaitons être la première région du biométhane injecté. Nous avions comme objectif, il y a quatre ans, d'avoir 40 unités en fonctionnement à fin 2020 : nous en sommes à 39,5 puisque la dernière est en construction », poursuit Didier Copin, directeur Rev3 et développement durable, côté CCI.

D'autres collectifs travaillent sur des thématiques de premier plan : le solaire thermique et photovoltaïque, porté par le CD2E (Centre de Développement des Eco-entreprises) ; la logistique du futur, avec la Cité internationale de la logistique porté par le pôle d'excellence Euralogistic ; la décarbonation avec quatre grandes entreprises et le territoire de Dunkerque pour capter le CO2 et le valoriser à travers une nouvelle filière carbone. Il y a aussi, bien évidemment, une kyrielle de thèmes abordés comme l'hydrogène, le réseau intelligent, le numérique, l'intelligence artificielle, la bioéconomie, le bâtiment intelligent...

Une des autres priorités de Rev3, c'est l'économie circulaire. Et justement l'ADEME Hauts-de-France a lancé une ne nouvelle étude dans le champ de l'économie circulaire aux horizons 2030 et 2050, explorant quatre domaines stratégiques : la rénovation énergétique du logement, les plastiques, la filière textile et l'alimentation.

A quelles conditions ?

D'après les projections, à l'horizon 2030 (et par rapport à 2015), 30.000 emplois supplémentaires pourraient être créés principalement par la collecte et le tri des plastiques pour le recyclage et les circuits courts alimentaires en vente directe.

Et François De Jouvenelle, délégué général de Futuribles, centre de réflexion, de formation, de conseil et d'études prospectives, de conclure : "Avec Rev3, vous avez un coup d'avance, vous avez des éléments de vision, donc vous êtes déjà préparés aux changements qui interviennent." Mais avec quelques questions en suspens : quelle définition d'une région neutre en carbone d'ici 2050 ? Quelles nouvelles coalitions d'acteurs seront en capacité d'inventer les créations de valeur ? Quels moyens humains et techniques ? Quelles dynamiques collectives et citoyennes rendront ce changement désirable ? C'est justement tout l'enjeu du changement de dimension... et d'ambition de Rev3.

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Commentaires 3
à écrit le 18/12/2020 à 8:49
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Si nous ne mettons pas en place une politique protectioniste afin justement de protéger les initiatives non polluantes nous ne pourrons que douter de toutes ces annonces d'intentions et surtout de leur crédibilité. Souvenez vous, l'UE devait domi...

à écrit le 17/12/2020 à 20:24
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" le premier territoire régional d'expérimentation au monde de la troisième révolution industrielle" Encore une blague, ce sont les allemands qui ont inventé le concept de ce qui est non pas la 3ème mais la 4ème révolution industrielle... Et pour ...

à écrit le 17/12/2020 à 14:57
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Il faut bien souligné que lorsqu'il y a un aspect financier, c'est que du carbone va être mis en jeu pour avoir un "résultat" décarboné!

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