Grand Paris : quelle solidarité financière au sein de la métropole ?

Très complexe le schéma financier de la métropole du Grand Paris va monter progressivement en puissance. Elle sera pleinement opérationnelle au plus tard en 2033...
Mathias Thépot
La métropole du Grand Paris sera-t-elle une coquille vide en 2016 ?

Il faudra peut-être patienter près de 20 ans avant de voir la métropole du Grand Paris (MGP), qui sera créée ce premier janvier 2016, assumer pleinement ses missions. Le vœu du premier ministre Manuel Valls de « bâtir une métropole plus solidaire » n'est par exemple pas encore clairement défini dans la loi. La faute à un contexte économique difficile, marqué notamment par la pression sur les finances des collectivités locales, qui a incité les élus à instaurer une période de transition durant laquelle la métropole du Grand Paris montera progressivement en puissance.

Et si des mécanismes de mutualisation ont d'ores et déjà été définis, ce n'est pour l'instant pas le cas pour ce qui concerne la péréquation. Or « une démarche de péréquation suppose la fixation par la loi de mécanismes qui s'imposent à tous, et qui portent en premier lieu sur les ressources destinées au fonctionnement courant des communes les plus pauvres », explique la fiscaliste Jeanne Munck dans une note publiée en juin dernier par l'institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France. « Assurer la solidarité par le Grand Paris est une question qui reste d'actualité », ajoute-t-elle.

Nouvelle organisation fiscale

Davantage de mesures ont été prises en matière de mutualisation, notamment sur l'organisation fiscale, qui visent à centraliser les ressources au sein de la métropole pour qu'elle puisse assumer les grandes politiques publiques qui lui seront dévolues, principalement l'aménagement du territoire et le logement. Complexes, ces transferts fiscaux se feront en plusieurs phases. La première, transitoire, courra jusqu'à 2021, le temps de remonter la totalité de la fiscalité économique au niveau métropolitain.

Concrètement, la métropole du Grand Paris va se voir transférer le produit des deux principaux impôts économiques : dès 2016, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont le taux est déterminé par l'Etat, et dont le produit devrait s'élever à 1,1 milliard d'euros pour la métropole. Ensuite, en 2021, la MGP touchera la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui pèse pour l'instant près d'un milliard d'euros sur le territoire de la métropole capitale, et dont les collectivités déterminent le taux.

Homogénéiser le développement économique

Durant les cinq prochaines années, la CFE sera transférée du "bloc communal" actuel aux 12 nouveaux établissements publics territoriaux (EPT), c'est à dire les intercommunalités de la métropole. « Ensuite, un dispositif légal sera prévu pour harmoniser la pression fiscale sur une durée de douze ans maximale afin de parvenir à terme à un taux unique », explique Jeanne Munck. « Au terme de ce processus, qui pourrait donc durer dix-sept ans, le « coût fiscal » de l'implantation d'une entreprise sera équivalent sur l'ensemble de la petite couronne », ajoute-t-elle.

« L'harmonisation des taux permettra d'homogénéiser le développement économique du territoire métropolitain et de renforcer son intégration », expliquait aussi Jeanne Munck à la Gazette des communes. Autrement dit, au plus tard en 2033, une entreprise qui s'implantera à Aulnay-sous-Bois, Boulogne-Billancourt ou à la Queue-en-Brie paiera le même montant de CFE. Une manière d'annihiler la concurrence fiscale entre communes, et donc d'instaurer plus de cohérence dans le développement économique des territoires de la métropole.

Une coquille vide en 2016 ?

De quoi, peut-être, contredire les plus sceptiques qui estiment que le métropole du Grand Paris ne sera qu'une nouvelle strate administrative en Île-de-France. En revanche, à court terme, les détracteurs de la MGP qui arguent que la métropole ne sera qu'une coquille vide en 2016 n'ont pas complètement tort. Surtout, si l'on considère le volet des marges de manœuvre financières. En effet, la métropole du grand Paris redistribuera en 2016 quasiment toutes les recettes qu'elle reçoit vers les collectivités à qui elle les subtilise !!! Ce, afin de garantir un niveau de ressources équivalent à 2015 pour le bloc communal, au nom de la neutralité budgétaire.

Ainsi, au total le niveau de recettes de la métropole en 2016 devrait s'élever à 3,77 milliards d'euros - en comptant, en plus des impôts économiques, les transferts de dotations - selon la mission de préfiguration du Grand Paris. Mais un surplus de seulement 65 millions d'euros sera dégagé par la MGP, ce qui veut dire qu'environ 3,7 milliards d'euros seront directement redistribués aux communes et aux intercommunalités. Cette première année, la métropole du Grand Paris ne sera donc qu'une courroie de transmission des fonds.

La croissance de la CVAE, un enjeu central

D'ici à 2021, les 209 élus au conseil de la métropole espèrent en fait que l'assiette de la CVAE va croître afin de pouvoir financer des projets à moyen terme, et pourquoi pas la péréquation entre les territoires. « La croissance de la CVAE est un enjeu central pour la MGP. En effet, l'augmentation de ce produit sera conservée par la MGP pour faire face à l'augmentation de ses dépenses et financer éventuellement des politiques nouvelles », est-il indiqué dans un document mission de préfiguration de la métropole.

Mais en ces temps de crise économique, une hausse de la CVAE est très incertaine. Ainsi, comme l'expliquait Jeanne Munck à la Gazette des communes, la métropole fait face à « deux injonctions antinomiques : le principe de neutralité budgétaire et l'objectif de péréquation pour soutenir les territoires qui en ont besoin ».

Pour y remédier en 2016, un pacte financier et fiscal devrait être signé, précisant les critères d'attribution de la dotation de solidarité à l'investissement territorial (DSIT), qui sera alimenté par la part supplémentaire perçue de la CVAE. Ce sera l'une des premières missions de l'assemblée du Grand Paris, dont on connaîtra le président le 22 janvier prochain.

L'obstacle Valérie Pécresse

Le calendrier de la mise en place de la métropole pourrait toutefois être remis en cause par deux obstacles de poids : le premier concerne l'élection récente à la tête de l'Île-de-France de Valérie Pécresse. La nouvelle présidente de région s'est ouvertement montrée hostile à la création de la métropole du Grand Paris, qui oublie une partie de l'Île-de-France (5 millions d'habitants sur 12 millions), notamment la plus rurale. Au regard des compétences de la région, notamment en matière de transports et de développement économique, comment sera-t-il possible d'assurer le développement économique de la métropole si la région s'y oppose ?

Par ailleurs, la campagne présidentielle de 2017 risque de figer bons nombres d'avancées prévues. Le nom du prochain président de la République sera aussi déterminant. On sait par exemple qu'Alain Juppé n'approuve pas la métropole du Grand Paris telle qu'elle est structurée aujourd'hui...

Mathias Thépot

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Commentaires 4
à écrit le 03/01/2016 à 18:07
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Il n'y pas de communes pauvres en Ile-de-France en première couronne. Il n'y a que des collectivités à fort potentiel fiscal (par rapport à l'ensemble des communes de France, et le département de Seine-Saint-Denis, malgré son image déplorable, figu...

à écrit le 03/01/2016 à 15:51
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Qui peut m'expliquer ce qui justifie une couche administrative intermédiaire entre la région Ile de France et les intercommunalités existantes (dont la ville de Paris) ?

à écrit le 03/01/2016 à 8:39
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La province a toujours financé les transports parisiens, n'est il pas ?

à écrit le 02/01/2016 à 14:51
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Je souris à lire les mots harmonisation fiscale, homogénéisation et stabilité et cela en matière de prélèvements JAMAIS notre pays politique a respecté ce type d'engagement. Nous voyons également poindre l'explosion de certains prélèvements. Enfin 3...

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