La relance en Île-de-France, une nécessité impérieuse

En attendant la signature ce 28 septembre d'un accord de partenariat entre le gouvernement et l'association Régions de France, la relance est devenue une urgence en Ile-de-France. Dès le 28 mai dernier, le conseil régional a annoncé un plan de 1,3 milliard d'euros, mais l'opposition dénonce un "sous-investissement depuis 2015".
César Armand
(Crédits : Reuters/Gonzalo Fuentes)

Une "perte record" de plus de 100.000 emplois salariés, des créations d'entreprises qui "régressent fortement"... Dès la fin mars, soit quinze jours après le début du confinement, la Covid-19 a profondément affecté l'économie de la région-capitale. Les semaines et les mois suivants, l'activité économique a même chuté d'un tiers. C'est ce qui ressort d'une étude de l'Insee sur la conjoncture francilienne publiée le 10 juillet.

Dans le détail, les "deux moteurs" de la croissance locale, à commencer par l'intérim, ont été frappés de plein fouet avec un recul de 40% (52.000 emplois en moins). Soit un niveau "au plus bas" depuis 20 ans. De même que le secteur marchand a reculé de 1,3% (47.000 emplois). A la veille d'une seconde vague, il y a fort à parier que le travail dans l'hébergement et la restauration, qui a baissé de 3,4% (11.000 emplois) au premier trimestre, soit de nouveau impacté.

Le conseil régional d'Ile-de-France n'a pas donc attendu le plan de relance gouvernemental pour présenter le sien. Le 28 mai dernier, la présidente (Libres) de région Valérie Pécresse annonçait un plan de relance "économique, écologique et solidaire" doté de 1,3 milliard d'euros, dont 698 millions d'euros de redéploiements et 592 millions de crédits supplémentaires.

"Beaucoup de bruit mais pas d'action. Ce n'est pas un plan de relance, mais un plan de rattrapage qu'il faudrait !", attaque le président du groupe socialiste, écologiste et progressiste (Ensemble) du conseil régional. "La grande majorité des crédits était déjà engagée. Valérie Pécresse est écologiste, elle recycle ses crédits" assène Maxime des Gayets.

La vice-présidente (Libres!) chargée du Développement économique et de l'Attractivité à la région, Alexandra Dublanche, s'agace: "C'est juste une bonne gestion de l'argent public". Concrètement, outre 230 millions d'euros pour lutter contre le chômage et accélérer le retour à l'emploi, 190 millions d'euros pour le pouvoir d'achat, la santé, la solidarité et la lutte et les fractures et 238 millions d'euros pour la relance écologique et les transports, 640 millions d'euros sont prévus pour aider les entreprises et soutenir l'innovation. "Pour l'instant, nous ne voyons rien venir, mais je ne doute pas que Valérie Pécresse et Alexandra Dublanche travaillent là-dessus", déclare toutefois Daniel Weizmann, président du Medef Ile-de-France.

Lire aussi : En Île-de-France, les activités économiques inégalement impactées par le Covid-19

1,3 milliards d'euros à dépenser "avant la fin de l'année"

"On est en train de le dépenser et on remet même au pot. Les 1,3 milliards doivent être dépensés avant la fin de l'année", répond Alexandra Dublanche. La vice-présidente chargée du Développement économique et de l'Attractivité cite prêt le rebond à taux zéro allant de 10.000 à 300.000 euros d'emprunt sur une durée maximale de 7 ans et avec deux ans de différé qui "cartonne".

Elle assure ainsi que 4.200 entreprises, généralement des TPE de moins de 10 salariés dans le commerce, l'hôtellerie-restauration et l'industrie, ont en bénéficié. De même qu'elle annonce que le budget initial de 250 millions d'euros va être réhaussé à 300 millions pour aider 1.000 entreprises supplémentaires. La chambre de commerce et d'industrie (CCI) Paris Ile-de-France a, elle, identifié 3.500 industries en Ile-de-France auprès desquelles elle a mis sur le terrain cinquante collaborateurs.

"L'export qui a chuté de 25% n'a pas retrouvé son niveau", explique son président Didier Kling. "Nous mettons en œuvre tout un dispositif pour accompagner et flécher les entreprises qu'elles redémarrent", poursuit-il.

Un "processus" de sous-investissement" pour l'opposition

Pour l'opposition, la région se trouve, au contraire, dans "un processus de sous-investissement d'un milliard d'euros depuis 2015", d'après Maxime des Gayets, qui pointe la différence entre les annonces de l'exécutif francilien et la réalité des actes. "Toute la théorie de Valérie Pécresse est de considérer qu'il y avait trop de dépenses, si bien qu'elle a affranchi les aides de conditionnalité et que les dispositifs passent à côté des besoins", ajoute le président du groupe Ensemble.

En revanche, s'il existe un dispositif qui fait l'unanimité, il s'agit du fonds Résilience Ile-de-France & Collectivités, porté par le conseil régional et la Banque des territoires (Caisse des Dépôts), et abondé par la métropole du Grand Paris, la ville de Paris, les départements de Seine-et-Marne, d'Essonne, des Hauts-de-Seine, du Val-d'Oise, de l'ensemble des intercommunalités franciliennes et deux communes. Doté de 100 millions d'euros, il permet aux TPE-PME, aux micro-entreprises, aux associations et aux acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS), ayant pas ou plus accès aux financements bancaires, d'obtenir entre 3.000 et 100.000 , sans garantie personnelle du dirigeant, avec un différé de remboursement de 2 ans, remboursable dans un délai maximum de 6 ans.

Lire aussi : Paris, la Métropole et la Région débloquent 100 millions d'euros pour les PME franciliennes

"C'est une initiative qu'on avait demandée il y a deux ans à condition d'être en articulation avec la compétence de développement économique des intercommunalités", dit par exemple le socialiste Maxime des Gayets qui l'a voté. Chargée du "dév'éco", Alexandra Dublanche entend, de son côté, "accélérer" sur la communication, le dispositif s'adressant à des entreprises qui ont "du mal" à aller chercher les aides. "On compte sur les CCI et les banques pour nous aider", fait-elle savoir.

Le conseil régional travaille par ailleurs avec l'Etat sur les plans de filière, tels que ceux sur l'automobile ou l'aéronautique, multipliant les réunions en demandant aux grands donneurs d'ordre quels sont leurs sous-traitants en difficultés. Dans ce cadre, l'aide de 75 millions d'euros à ces filières stratégiques et d'avenir, comprise dans son plan de relance, est "débloquée au fur à mesure", insiste Alexandra Dublanche, qui évoque des fonds pour les batteries électriques comme pour les betteraviers.

Lobbying sur la territorialisation

Plus généralement, l'enjeu des prochaines semaines sera la territorialisation du plan de relance gouvernemental à 100 milliards d'euros. Chacun y va de son lobbying au Parlement ou auprès du gouvernement. La présidente de région Valérie Pécresse a rencontré à de nombreuses reprises le Premier ministre Jean Castex et le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire. "On nous dit que ce sera le cas. Il faudra nous mettre en synergie plutôt qu'en doublons", avance sa vice-présidente Alexandra Dublanche.

Le contrat de plan Etat-région (CPER) 2021-2027, qui a vocation à financer les projets exerçant un effet levier pour l'investissement local, pourrait incarner ce changement de doctrine gouvernementale. "Cela nécessite que l'Etat se comporte avec respect vis-à-vis des collectivités territoriales", prévient d'ores et déjà le président du groupe d'opposition Ensemble à la région Maxime des Gayets.

Cela tombe bien: ce 28 septembre, le Premier ministre Jean Castex et ses ministres Jacqueline Gourault, chargée de la Cohésion des Territoires, et Alain Griset, chargé des PME, signeront, avec l'association Régions de France, un accord de partenariat. "Il consacre l'engagement réciproque d'inscrire dans les nouveaux contrats Etat-régions 2021-2027 un effort en faveur de l'investissement public", explique Matignon. "Cet accord précise aussi le cadre dans lequel sera mise en œuvre la relance au niveau régional, au travers notamment de comités régionaux de suivi", conclut-on.

Il n'empêche que la simplification devra être au rendez-vous. "Que l'argent descende au plus vite vers le terrain", exhorte Daniel Weizmann, président du Medef Ile-de-France. Des enveloppes des programmes d'investissement d'avenir (PIA) ont par exemple été recyclées dans le plan de relance gouvernemental, car elles n'ont pas fonctionné. " Il y a toujours des conditions à respecter, des critères précis, si bien que la bureaucratie s'installe", regrette le président de la CCI Paris Ile-de-France Didier Kling.

Il reste enfin d'autres défis à relever et non des moindres: la résorption des fractures sociales et territoriales - la Seine-Saint-Denis n'a jamais été aussi pauvre -, la crise du logement en petite comme en grande couronne et l'amélioration des transports en commun, très impactés par la crise sanitaire -. A cet égard, le "chantier du siècle" du Grand Paris Express sera très suivi. En théorie, il doit être livré, en intégralité, en 2030.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 28/09/2020 à 11:09
Signaler
Ile de France 1er bassin d'emploi d'Europe ! Mieux vaut lire cela que d'etre aveugle, c'est n'importe quoi.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.