« Notre enjeu : territorialiser l’action » (Jérémie Almosni, ADEME Île-de-France)

Pour le nouveau directeur régional francilien de l'Agence de la transition écologique (ADEME), les collectivités, les entreprises comme les particuliers doivent s'emparer de la révolution verte.
César Armand
Ex-chef du service transports et mobilités à l'Agence de la transition écologique, Jérémie Almosni est le nouveau visage de l'ADEME dans la région-capitale.
Ex-chef du service transports et mobilités à l'Agence de la transition écologique, Jérémie Almosni est le nouveau visage de l'ADEME dans la région-capitale. (Crédits : Jean Chiscano)

LA TRIBUNE : Vous venez d'être nommé directeur régional de l'ADEME Île-de-France. Quelle est votre feuille de route à l'heure où le plan de relance 2021-2022 conjugue transformation de l'industrie, transition écologique et cohésion sociale et territoriale ?

JEREMIE ALMOSNI :
Dans ce contexte bien particulier de relance, l'ADEME voit ses moyens renforcés, avec 2 milliards d'euros issus du plan « France relance », consacrés à la transition écologique. Par exemple, le Fonds chaleur est largement utilisé pour des opérations de mutualisation des besoins et moyens de production et de distribution de chaleur, d'optimisation au recours aux énergies de récupération et renouvelables comme la récupération de la chaleur fatale, de géothermie profonde et superficielle mais aussi pour la biomasse. L'Île-de-France est une région très dynamique sur cette activité et nous espérons qu'une grande partie de l'enveloppe nationale soit tournée vers les projets franciliens. S'agissant de la décarbonation des industries, les principaux projets lauréats se localisent davantage dans les Hauts-de-France, l'Auvergne-Rhône-Alpes ou le Grand-Est. Cependant, nous avons tout de même identifié entre 75 et 120 industriels franciliens que nous pourrions mobiliser pour l'appel à projet de fonds décarbonation de l'industrie qui se clôture à la mi-mai et mi-octobre.

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Le deuxième pilier est le Fonds déchets / économie circulaire qui se renforce avec une dotation additionnelle de 500 millions d'euros. Ne serait-ce qu'avec le tissu d'entreprises sociales et solidaires (ESS), il y a beaucoup d'opportunités en Île-de-France pour accompagner l'écoconception, les biodéchets, le gaspillage alimentaire, et s'inscrire dans la stratégie régionale tout en accompagnant la mise en œuvre des ambitions de la loi anti-gaspillage et économie circulaire. En la matière, l'Île-de-France a déjà démontré en 2020 qu'il s'agit de l'une des régions les plus dynamiques. Elle poursuit son élan en 2021. Beaucoup de projets sont déjà soutenus, à titre d'illustration, via l'enveloppe réutilisation et réemploi.

Enfin, le fonds Air et Mobilité, qui traite des mobilités actives et innovantes, se poursuit avec l'accompagnement des ambitions de l'État via son plan vélo, la prise de compétence mobilité des territoires peu denses issu de la Loi d'Orientations des Mobilités ou encore les ambitions franciliennes pour améliorer sa qualité de l'air avec le dispositif Air-bois et l'appel à manifestation d'intérêt Qualité de l'air. Le programme intègre désormais l'hydrogène, dont la somme passe de 50 millions d'euros en 2019-2020 à 275 millions d'euros pour 2021-2022, et s'inscrit dans la stratégie française du développement de l'hydrogène bas carbone. L'économie francilienne est très intéressée pour produire de l'hydrogène décarboné par électrolyse au service de la mobilité et de l'industrie, notamment sur la Vallée de la Seine.

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Vous avez travaillé plus de dix ans chez GRDF, d'abord comme chef d'agence réseau de distribution sur l'ouest francilien, puis comme chef de pôle à la direction de la stratégie pour le développer la filière biométhane et gaz naturel véhicule auprès des acteurs publics et économiques. Au-delà de l'hydrogène, le gaz vert fait-il partie de votre programme ?

Que ce soit la stratégie nationale bas carbone ou les schémas régionaux, tous fixent un objectif clair : le gaz sera vert ou ne le sera pas. Depuis 2019, nous avons assisté à une accélération de la méthanisation d'origine agricole mais aussi sa production depuis les stations d'épuration ou encore en provenance de centrales d'incinération. Les énergéticiens l'ont compris pour alimenter la première couronne francilienne. L'ADEME accompagne de nombreux projets franciliens et tout particulièrement sur la période 2019 et 2020.

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Le port de Gennevilliers va bientôt accueillir un méthaniseur. Voies Navigables de France va débloquer 3 milliards d'euros dans les dix ans pour concurrence le rail et la route. Comment allez-vous prendre votre part dans la décarbonation du fluvial ?

L'ADEME participe à leur dispositif dans le cadre de leur plan d'action de modernisation et d'investissement (PAMI) qui favorise l'adaptation de la flotte fluviale aux exigences environnementales et logistiques des clients. Ce Plan d'aide est une réponse aux grands enjeux de la flotte fluviale et comprend des mesures conçues afin d'atteindre les objectifs environnementaux et logistiques comme réduire la consommation en carburant, les émissions et rejets polluants, encourager le recours à des énergies renouvelables et optimiser la gestion des énergies à bord et capter de nouveaux trafics, consolider la desserte fluviale des ports maritimes, améliorer la performance logistique de la flotte fluviale et accompagner le renouvellement des acteurs de la filière.

Jusqu'à présent, vous étiez chef du service transports et mobilités à l'ADEME. Quelles sont donc vos priorités dans ce domaine, sachant que la région-capitale demeure la plus dense en mobilités et en même temps la plus inégalement desservie en transports ?

Nous allons construire des partenariats-clés sur la mobilité. Outre la priorité accordée à l'hydrogène déjà évoquée, il y a aussi l'enjeu du vélo qui occupe une place prépondérante pour les collectivités dans l'organisation des mobilités quotidiennes : pistes cyclables, services, stationnement... Nous accompagnons déjà la construction de stratégies, avant de financer les infrastructures.

Dans le même temps, nous devons réfléchir aux enjeux des territoires moins denses, périrurbains et ruraux, et voir comment les guider en matière d'innovation. Un appel à projets en ce sens visant à soutenir les intercommunalités s'est d'ailleurs clôturé le 16 avril dernier pour un pré-dépôt. Les lauréats seront très certainement connus pour le dernier trimestre de cette année.

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Vous traitez cette question des déplacements en même temps que celle de la qualité de l'air extérieure. Comment financez-vous des solutions qui fonctionnent et qui ne soient pas des gadgets ?

L'ADEME Île-de-France a lancé un appel à manifestation d'intérêt « Feuille de route qualité de l'air » où des collectivités expriment des ambitions et une série d'actions visant à améliorer la qualité de l'air sur le chauffage urbain, la mobilité. La 5ème session est en cours et se clôture le 18 mai prochain. Par ailleurs, l'ADEME dispose du fonds Air Bois, qui a du mal à prendre dans la région-capitale, et vise le remplacement des foyers fermés datant d'avant 2002 et à usage de chauffage principal par des équipements Flamme verte 7 étoiles ou équivalents. Tout cela peut permettre de réduire les émissions de particules fines.

Qu'en sera-t-il pour la capture des gaz à effet de serre (GES) à la sortie des cheminées d'usines ?

Nous finançons une aide à l'investissement de projets qui permettent un gain en énergie primaire ou une diminution de gaz à effet de serre dans les process industriels ou leurs utilités. Par exemple, cela porte sur le remplacement ou la mise en place d'un équipement/technologie énergétiquement plus performant, la valorisation de chaleur fatale sous forme de chaleur, d'électricité ou d'énergie mécanique, les nouveaux usages matières entraînant une diminution de GES et l'électrification des procédés. L'appel à projets lancé sur la décarbonation de l'industrie est en cours avec une clôture prévue pour le 17 mai et le 14 octobre 2021.

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L'Île-de-France reste la région la plus riche et en même temps la plus inégalitaire de France, où le département le plus fortuné côtoie le plus pauvre. Comment allez-vous embarquer tout le monde dans la révolution verte ?

C'est tout notre enjeu : territorialiser l'action de l'Agence de la transition écologique afin de s'assurer que notre action réponde bien aux enjeux. Nous venons de structurer une animation territoriale renforcée avec un animateur par département dans le but justement de sortir de l'approche silotée.

Nous disposons déjà d'un relai essentiel : la plateforme Agir qui propose des parcours utilisateur centrés soit sur les particuliers, soit sur les entreprises, soit sur les collectivités avec l'ensemble des appels à projets et support d'expertise pour accompagner l'ensemble de ces acteurs vers la transition écologique.

Le siège national est à Angers en Pays-de-la-Loire. Quelles relations allez-vous entretenir avec les régions limitrophes ?

Nous avons déjà des correspondances naturelles portées par des contrats de plan, types contrats de plan inter-régions entre l'Île-de-France et la Normandie. De la même manière qu'avec le Centre-Val-de-Loire, nous comptons des collaborateurs rattachés aux deux régions pour identifier des zones de pertinence comme l'agriculture urbaine, la bioéconomie et la décarbonation de l'industrie.

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César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 04/05/2021 à 6:31
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Comment l'ademe peut elle subventionner un projet biomasse qui va détruire les seuls puits de carbone encore viable. Le renouvellement à 50 ans de nos forets ne peut plus attendre l'urgence du moment. Je suis dépité....

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