Près de neuf mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la ville de Paris s'apprête à accoucher d'un budget 2023 dans la douleur. Déjà plombée par la crise sanitaire, qui lui a fait perdre 800 millions d'euros, la capitale voit ses dépenses exploser entre le dégel du point d'indice des fonctionnaires et l'explosion des prix de l'énergie. A une semaine d'un débat d'orientation budgétaire qui se tiendra au Conseil de Paris, la maire (PS) a pris une décision radicale: augmenter la taxe foncière de sept points.
Dans son message adressé aux Parisiennes et aux Parisiens publié sur les réseaux sociaux ce 7 novembre, Anne Hidalgo explique que « toutes les communes sont aujourd'hui confrontées à une situation très difficile qui, malheureusement, n'a pas été prise en compte par le gouvernement: pas d'indexation des moyens pour tenir compte de l'inflation ni de l'augmentation des coûts de l'énergie ». Et refuse de « dégrader les services publics » et de "réduire les investissements dans la transition écologique ».
Une nouvelle qui fait bondir l'opposition de droite
À peine annoncée, la nouvelle a fait bondir l'opposition de droite. « La mairie est incapable de sortir du toboggan de la dette », cingle le conseiller (Les Républicains) David Alphand, élu dans le XVIe arrondissement. « Quand je l'ai interrogée sur le sujet le 22 mars, Anne Hidalgo m'avait répondu qu'il n'y aurait pas d'augmentation d'impôts, promesse de campagne oblige. Quel revirement ! » s'exclame l'élu qui siège à la commission des Finances.
Plus tôt dans la matinée, son premier adjoint (PS) et son adjoint (PS) aux Finances justifiaient « un choix évidemment difficile, mais assumé dans l'intérêt des Parisiens et des services publics ». D'autant que leurs idées pour améliorer les recettes territoriales ont quasiment toutes été rejetées par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances. Leur proposition d'augmenter la taxe sur les résidences secondaires, la taxe sur les logements vacants et la taxe de séjour pour les hôtels de luxe n'a pas été retenue.
Le seul levier fiscal aux mains de la mairie
Faute de pouvoir actionner ces leviers, augmenter la taxe foncière constitue donc le seul levier fiscal aux mains de la mairie. « Nous nous y attendions", confie David Alphand, « mais nous boycotterons la commission des Finances et le débat d'orientation budgétaire, car nous aimerions que les élus d'opposition soient traités avec plus de considération », ajoute le conseiller (LR). Il reproche en effet à l'exécutif parisien d'avoir diffusé l'information sans les en avoir prévenus au préalable.
Le montant de cet impôt, dont s'acquittent seulement et uniquement les propriétaires, reste néanmoins très bas dans la capitale: de 440 euros en moyenne pour un 50 mètres carrés et de 715 euros en moyenne pour un 100 m². Il ne concerne en outre qu'une minorité de contribuables: 32% contre 68% de locataires qui ne paient déjà plus de taxe d'habitation. Toujours est-il que cette hausse devrait rapporter 586 millions d'euros supplémentaires aux caisses de la Ville.
Une référence au Code général des impôts
Deux publics seront toutefois exonérés à 100% de cette augmentation: les propriétaires qui rencontrent des difficultés économiques comme les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (APSA), ceux de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), ou encore les titulaires de l'allocation adulte handicapés (AAH) sous condition de ressources. Mais aussi ceux qui auront investi entre 2020 et 2026 dans la rénovation thermique de leur logement.
Là encore, la droite s'est fait un malin plaisir d'interpeller Anne Hidalgo. Dans un tweet adressé à la maire (PS), la présidente (LR) de la commission des Finances de la ville lui a indiqué que pour cette deuxième catégorie d'exonération, « il [eut fallu] voter une délibération en Conseil de Paris avant le 1er octobre". « Nous sommes le 7 novembre », a insisté Marie-Claire Carrère-Gée, élue du XIVe arrondissement, se référent à l'article 1.383-0 B du Code général des impôts.
Deux adversaires communs pour la droite et la gauche
Reste désormais à voir si la hausse de taxe foncière sera votée, ou non, par le Conseil de Paris de novembre, puis de décembre lors de l'examen du budget. Dans l'intervalle, la Ville l'érige en priorité pour atteindre les 900 millions d'euros d'épargne brute et dégager un niveau d'autofinancement normal. Sauf que l'opposition risque de lui rétorquer que ses recettes ont crû de 9,4% en 2022 par rapport à 2021.
Entre les deux camps, le juge de paix n'est ni de gauche ni de droite, il n'a pas de visage, pas de parti, ne présentera jamais sa candidature, ne sera jamais élu et pourtant il gouverne : la conjoncture macro-économique depuis début 2022...Sans compter la récession annoncée en 2023.
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