Les frères Boyé, deux "Frenchies" du Pentagone

Après cinq ans de travail acharné, les deux frères Philippe et Jacques Boyé ont signé en février dernier un contrat majeur avec le Pentagone, portant sur la fabrication de tenues de protection pour l'armée américaine. Un coup d'éclat pour leur entreprise, Paul Boyé Technologies, créée en 1904 par leur grand-père, au Vernet en Haute-Garonne.
Les frères Boyé, fabricants de vêtements militaires depuis trois générations. /Rémi Benoît

Heureux. Philippe et Jacques Boyé ont tout lieu de l'être. À leur place, on serait surtout fier d'avoir réussi à signer un contrat avec le Pentagone de 96 millions d'euros - le plus gros au plan mondial dans ce domaine - pour la fabrication de tenues de protection NBC (nucléaire, biologique et chimique) destinées à équiper les soldats de l'armée américaine. Pourtant, ce n'est pas le sentiment qui prédomine chez les deux frères. « Ce contrat n'est pas arrivé tout seul, expliquent-ils. Nous voulions entrer sur le marché américain depuis les années 1980. Nous avons perdu des appels d'offres, nous nous sommes même découragés. Pourtant, grâce au travail de nos ingénieurs et à une forte détermination, nous y sommes arrivés et, en février 2012, le contrat a été notifié. »Ce que les deux frères mettent volontiers en avant, ce sont les répercussions que cette aventure outre-Atlantique va avoir sur le groupe Paul Boyé technologies, la société familiale qu'ils codirigent depuis les années 1990. À côté des emplois qui seront développés aux États-Unis dans la filiale Paul Boyé Incorporated créée en 2008, d'autres retombées sont attendues pour leurs quatre sites de production du Vernet (qui héberge aussi le siège social, en Haute-Garonne), de Labarthe-sur-Lèze (Haute-Garonne), de Lavelanet et principalement sur celui de Bédarieux (Hérault).

Savoir-faire, expérience, excellence, exigence

Cette réussite, Philippe et Jacques Boyé la doivent en premier lieu à une très forte capacité d'innovation et de créativité. La recherche et le développement des vêtements de protection et de sécurité ont permis à cette PME familiale d'être aujourd'hui l'un des leaders mondiaux de ce secteur. son point fort ? Proposer des vêtements de protection aux soudures ultra-perfectionnées, le plus souples possible, grâce à des filtres qui piègent les particules chimiques, substitués aux barrières étanches qui rendaient ces tenues particulièrement inconfortables dans les pays chauds. Le savoir-faire industriel du groupe s'appuie sur un effectif de 620 collaborateurs répartis à travers le monde, et un parc industriel de plus de 2 500 machines assurant tous les processus d'assemblage. il s'applique dans les différents domaines de la défense, la sécurité civile et de la santé, et concerne des métiers où la recherche et l'innovation sont déterminantes : la haute criticité (NRBC, balistique, feu), le combat (militaire ou civil), les uniformes (prestige, cérémonie, sortie, service) et l'externalisation des habillements (gestion des besoins, approvisionnement, logistique, distribution individuelle et collective).Une équipe constituée d'ingénieurs, de docteurs et de techniciens spécialisés en balistique, chimie, nucléaire, ergonomie, toxicologie... permet de répondre de manière pointue, adaptée et novatrice aux problématiques des clients dans un contexte de confidentialité élevée. Plus de 80 % du chiffre d'affaires est issu de produits mis au point par le groupe, qui investit chaque année près de 10 % de son chiffre d'affaires dans la recherche. en parallèle, Paul Boyé technologies propose aux industriels (Airbus, Zodiac, Air Liquide...) des produits spécifiques ainsi qu'un service de maintien en condition opérationnelle, des équipements de protection individuels et des conseils assurés par des experts.

Une aventure familiale de plus d'un siècle

L'histoire des frères Boyé s'inscrit dans une tradition familiale de création de vêtements qui a su traverser le temps et les crises. Le grand-père Pierre, à l'origine de la lignée, ouvre dès 1904 son premier atelier de tailleur pour hommes à Sète. Ce Catalan, chasseur à l'approche, originaire de Porté-Puymorens (Pyrénées-Orientales), prend comme emblème l'isard dont il fait une sculpture en bois que l'on peut encore admirer dans le bureau de Jacques Boyé. C'est aujourd'hui le logo de la société. Lorsque Pierre Boyé est mobilisé en 1914, l'atelier est réquisitionné pour fabriquer les fameuses capotes bleues horizon des « Poilus » français. en 1933, l'entreprise s'installe à Toulouse. L'armée n'oublie pas le travail effectué par la famille Boyé pendant la Première Guerre mondiale et, en 1939, elle se tourne à nouveau vers elle pour ses tenues de combat. C'est désormais Paul, le fils du fondateur, qui tient les rênes de la société. il restera maître à bord jusqu'à l'âge de 89 ans, laissant ses fils prendre progressivement leur place. en 1976, il signe un premier gros marché d'exportation d'uniformes avant de se lancer en 1978 dans la fabrication de tenues NRBC en France. Lorsque ses fils prennent définitivement l'entreprise en main, ils créent une division de recherche pour anticiper la définition des produits du Groupe à travers l'innovation. en 2006, ils décrochent le contrat de fabrication des masques contre la grippe A, contrat qui fera tourner l'usine sept jours sur sept pour répondre à une demande exponentielle.

De l'Amérique à l'Asie, via l'Arabise...

Ensuite les contrats se succèdent : la fourniture à l'équipe de France de gilets réfrigérants lors des Jo de Pékin, le marché d'externalisation de la défense de l'Arabie saoudite, le gilet pare-balles qui équipe l'Otan et l'Armée française, les tenues de la Gendarmerie nationale... La société quitte définitivement la Ville rose après que ses bâtiments ont été détruits lors de la catastrophe d'AZF, en 2001.en 2010, le chiffre d'affaires du groupe atteint 63 millions d'euros avec un effectif en France de 201 personnes. 62 % du CA est réalisé dans les secteurs de la défense et de la sécurité, dont l'importance va encore s'accroître avec le contrat du Pentagone. Pas question pour autant de s'endormir sur ces lauriers. Philippe et Jacques Boyé savent que désormais l'Asie, le Moyen-Orient et l'Amérique du sud, qui considèrent les choix américains comme une recommandation dans le domaine militaire, vont se tourner vers eux et venir ainsi compléter un carnet d'adresses qui traverse le monde, de la France à l'Australie, en passant par le Japon, Singapour, la Malaisie, l'Arabie saoudite, le Qatar...toujours en déplacement, ils parcourent le monde, chacun pour son domaine de prédilection : à Philippe, ingénieur d'habillement, toute la partie production ; à Jacques, diplômé de l'ISC, la partie commerciale. Entrés tous deux dans l'entreprise familiale à la sortie de leurs études, ils ont actuellement en stage leur fils et neveu, Victor. La relève paraît assurée et l'histoire va pouvoir se poursuivre.


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Commentaire 1
à écrit le 28/05/2012 à 10:27
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Il y a quand même des français qui arrivent à vendre à l'étranger sans revendre leur brevet, étonnant et félicitations à eux,c'est surement pas grâce aux pouvoir publics ni aux banques françaises......

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