Quand le business toulousain fleurit par-delà les Pyrénées

Ils n'attendent pas les élections de mai pour parler d'Europe. Comment patrons et élus tirent profit des échanges transfrontaliers entre Toulouse et l'Espagne.
Des rouleaux d'aluminium alimenteront les presses sur le site de la société Pivaudran, à Souillac. L'alliance avec l'entreprise catalane Tesem permet de répondre à des appels d'offres bien plus importants. / DR

« Nos cousins espagnols », c'est le terme affectif qu'emploie Marc Pivaudran pour évoquer les liens entre sa société et l'entreprise Tesem, basée en Catalogne, de l'autre côté des Pyrénées. Ce partenariat noué il y a dix ans entre les deux sociétés spécialisées dans l'emballage pour cosmétiques avait suscité de légères inquiétudes auprès de certains salariés de l'entreprise Pivaudran.

« Peut-être y avait-il le spectre d'une délocalisation de notre site de production vers l'Espagne », admet Marc Pivaudran, PDG de l'entreprise familiale qui emploie 175 salariés à Souillac (Lot).

Des inquiétudes rapidement balayées par les faits. Cette alliance franco-espagnole permet de répondre aux nouvelles exigences du marché.

« La stratégie de nos clients Chanel, LVMH ou Hermès est désormais d'inonder le marché lors de la commercialisation d'un nouveau produit, détaille-t-il.

Quand auparavant il fallait produire un million de flacons, ce sont désormais cinq millions qu'il faut dès le lancement. Ce partenariat noué avec l'Espagne permet de répondre aux appels d'offres tout en rassurant nos clients sur nos capacités de production. »

Un projet collaboratif est actuellement mené au sein des deux bureaux d'études, à la demande d'un géant de la cosmétique qui lance un nouveau produit en septembre.

Autre entreprise tirant profit des accords européens de libre circulation des biens et des personnes, Mécamont Hydro, dans les Hautes-Pyrénées, spécialisée dans la maintenance des remontées mécaniques.

« J'ai connu l'époque des douanes, se remémore Hervé Blanchard, son PDG. Deux jours minimum de formalités administratives étaient nécessaires rien que pour de l'importation provisoire. Et je ne parle pas des problèmes de change. »

Fini les contraintes administratives ? C'est en tout cas la position de cet Européen convaincu qui compte aujourd'hui d'importants clients espagnols à l'image de la station de ski Baqueira Beret, le « Megève des Pyrénées ».

« L'harmonisation de la réglementation européenne facilite le business », reconnaît Ludovic Le Moan, PDG de Sigfox, opérateur cellulaire bas débit dédié à l'Internet des objets.

La société toulousaine a dernièrement annoncé le déploiement de son réseau en Espagne en partenariat avec Abertis Telecom.

Les entreprises innovantes peuvent aussi trouver auprès des fournisseurs espagnols des partenaires plus réceptifs à leurs projets.

« Aucun fabricant français ne croyait en notre projet, alors nous nous sommes tournés vers l'autre côté de la frontière », souligne Bernard Thouy, dont l'entreprise du même nom est basée à Castres (Tarn). Pari réussi pour la société Thouy, qui commercialise ainsi deux millions de gobelets en plastique par an, « réutilisables, écologiques et personnalisables ».

Des appels à projets conjoints

Une solution d'ores et déjà adoptée par le club de foot belge d'Anderlecht, dont les gobelets distribués dans l'enceinte du stade sont aujourd'hui à l'effigie des joueurs. Dernier exemple, enfin, avec le groupe Nutrition et Santé, qui commercialise, entre autres, la marque Gerblé. Le numéro un de l'alimentation diététique et biologique emploie 200 personnes sur son site de production près de Barcelone.

« Les charges y sont moins élevées qu'en France », reconnaît Didier Suberbielle, président du directoire de Nutrition et Santé, dont le groupe est historiquement ancré à Revel, en Haute-Garonne. Bien que tributaire du contexte économique, le groupe réalise 15 % de son chiffre d'affaires en Espagne.

Pour autant, des efforts restent à faire quant à la vitalité des échanges transfrontaliers. Selon les chiffres du commerce extérieur, Midi-Pyrénées n'exporte en Espagne qu'à hauteur de 2,3 milliards d'euros, contre 8,7 milliards d'euros entre le Nord-Pas-de-Calais et la Belgique. C'est pourquoi, née en 2004 d'une coopération politique entre Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et les communautés autonomes de Catalogne et des îles Baléares, l'eurorégion Pyrénées-Méditerranée lance des appels à projets conjoints.

« Même si la crise économique actuelle - qui contraint les finances publiques de nos voisins espagnols plus encore que les nôtres - ne nous permet pas d'aller aussi vite que nous le voudrions, admet Martin Malvy, président du conseil régional de Midi-Pyrénées, qui assure la présidence de l'eurorégion depuis 2012. Toutefois, la nouvelle ligne TGV directe entre Toulouse et Barcelone va incontestablement renforcer les liens entre nos entreprises. »

Une mutualisation des compétences bénéfique

À l'échelle de la métropole, Toulouse s'est associé avec la Catalogne dans le cadre du programme ÉcoHabitat pour créer un label dans la conception et la production de l'habitat adapté à la spécificité du climat des villes du Sud. Les pôles de compétitivité jouent également leur rôle, en particulier dans l'aéronautique où les enjeux économiques sont considérables.

Aerospace Valley entreprend des coopérations avec d'autres clusters, notamment l'espagnol Hegan, afin d'encourager les projets collaboratifs dans l'avion plus électrique ou l'aérostructure.

« Des PME de la supply chain vont avoir tendance à développer de nouveaux procédés sans se soucier nécessairement de ce qui existe déjà de l'autre côté des Pyrénées, souligne François Aumonier, chef de projets européens pour Aerospace Valley.

Notre ambition est de cibler des projets d'innovation en regroupant les entreprises par complémentarité, afin de mutualiser les forces face à l'arrivée de nouveaux concurrents dans la course au leadership. »

De son côté, le pôle Agri Sud-Ouest Innovation soutient le projet transfrontalier E-Pasto, un système de clôtures virtuelles à destination des éleveurs pour les aider dans la gestion de leurs troupeaux.

Enfin, la CCI de Midi-Pyrénées oeuvre depuis deux ans à la création d'un réseau transfrontalier avec l'Aquitaine, l'Aragon, la Navarre et La Rioja. Dénommé Eneco2, ce projet européen au service du développement durable est soutenu par les fonds européens Feder.

À titre d'exemple, le toulousain Gaches Chimie s'est vu financer son déplacement lors d'un salon à Saragosse pour son procédé de traitement de l'eau des piscines. Avec rendezvous d'affaires programmés et traduction assurée. Autant de raisons pour tous ces entrepreneurs d'aimer l'Europe et d'en vouloir davantage.

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