« Les gens de mer le savent. Au milieu des tempêtes, l'important est de fixer un cap ». Sous l'œil d'un Edouard Philippe impassible mais attentif, Jean Castex a filé la métaphore marine au Havre à l'issue du quatrième Cimer de l'ère Macron. Le cap dont il est question, c'est le déploiement d'une nouvelle stratégie censée permettre à la France de tenir son rang de deuxième nation maritime au monde.
Pièce maîtresse de ce plan ? La fusion, au 1er juin, des trois grands ports de l'axe Seine au sein d'un établissement public du nom d'Haropa - que l'on traduira indifféremment par Harbours of Paris ou Le Havre-Rouen-Paris. Placé sur les fonts baptismaux dès 2017 par l'ancien premier ministre qui peut en revendiquer la paternité, le futur ensemble portuaire est l'instrument par lequel le gouvernement espère « reconquérir les parts de marché perdues au profit d'Anvers ou de Rotterdam », son successeur dixit.
Le gouvernement fait pleuvoir les millions
Pour témoigner de cette volonté, Jean Castex n'est pas arrivé les mains vides dans la ville qui abritera le siège d'Haropa. Le chef du gouvernement a annoncé un plan d'investissement de près de 1,5 milliard d'euros sur la période 2020-2027 au bénéfice des trois places portuaires, « le double de ce que l'Etat a injecté au cours des huit années précédentes » assure t-on à Matignon.
Bien que replète en apparence, cette enveloppe - dont plus de la moitié ira à la modernisation du premier port à conteneurs français - ne sera pas de trop car la maison brûle. « Le trafic conteneur, baromètre de l'économie portuaire, a déjà connu une baisse de 30 % depuis le début de l'année pour le port du Havre. Le risque pour les prochaines années est que ce dernier décroche définitivement par rapport aux ports du nord de l'Europe » prévient l'Institut Montaigne dans un rapport publié à point nommé en début de semaine et dont l'analyse est largement partagée.
Cogitation sur les zones franches
Dans ces conditions, les objectifs affichés par le gouvernement apparaissent sinon irréalistes du moins très ambitieux. Il s'agit notamment de porter de 60% à 80% la part du fret conteneurisé manutentionné dans les ports français à horizon 2050 et à 30% la part des modes massifiés dans le transport de marchandises. Pour y parvenir l'Etat prescrit une palette de dispositions qui vont des incitations fiscales, à l'augmentation des aides au transport fluvial et ferroviaire en passant par la simplification des procédures.
En revanche, pas question de se lancer tête baissée dans l'aménagement de zones économiques spéciales, comme le souhaitent beaucoup d'élus et de responsables portuaires. Si Jean Castex reconnaît la nécessité « de répondre sans délai à l'offensive des ports francs » venue de Grande Bretagne, il s'est contenté d'annoncer la mise en place en place d'une mission d'étude en vue d'élaborer un modèle français. « Nous voulons à tout prix éviter de susciter des effets d'aubaine et de porter atteinte au dialogue social » décrypte son entourage. Un dialogue qui, il est vrai, ne tient pas du long fleuve tranquille.
Encadré
Un nouveau parc pour l'éolien en mer
Jean Castex a profité de la tenue du Cimer pour annoncer qu'il allait saisir, dans les prochains jours, la Commission nationale du débat public en vue de la construction d'un neuvième parc éolien marin « posé » d'une puissance comprise entre 500 MW et 1 GW au large d'Oléron. Un choix qui ne doit rien au hasard. Dans les cartons depuis plusieurs années, le projet a déjà fait l'objet de plusieurs concertations et bénéficie d'un consensus politique local assez large.
Chez Siemens Gamesa qui construit en ce moment une usine d'éoliennes au Havre, la nouvelle est accueillie avec satisfaction. « Nous nous félicitons que le gouvernement respecte la trajectoire prévue par la PPE tout en espérant que la fourchette haute de 1 GW soit privilégiée » commente son porte-parole. L'attributaire du futur parc devrait être choisi avant la fin du quinquennat. D'ici là, les industriels de la filière espèrent que le gouvernement aura enclenché la procédure pour un dixième parc, peut-être de nouveau au large des cotes normandes comme l'y invite un certain ... Edouard Philippe.
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