Gin, Vodka, Whisky... Comment Busnel, le roi du calva, se diversifie

Alors que cet alcool de pomme souffre d'une image vieillissante auprès des consommateurs français, le premier producteur de calvados AOC, la distillerie Busnel, mise désormais sur l'export pour vendre ses bouteilles. Mais surtout, la vénérable maison s’est diversifiée dans le whisky, le gin et la vodka sans se laisser griser, mais avec un certain succès.
Trois nouveaux spiritueux passent au travers des alambics de la distillerie de Cormeilles (Eure).
Trois nouveaux spiritueux passent au travers des alambics de la distillerie de Cormeilles (Eure). (Crédits : DR)

Il souffle comme un vent de changement au pays de l'alcool de pomme et pas seulement parce que le dry january bat son plein. En 2022, derniers chiffres connus, la moitié des cinq millions de bouteilles de calvados produites par les distillateurs français sous appellation d'origine contrôlée ont été expédiées à l'étranger. Soit une progression de 70% qui vient donner un peu d'air aux producteurs hexagonaux. Car si les Allemands et les Américains se sont pris d'amour pour cette boisson si frenchy, les Français en revanche le délaissent au profit des alcools blancs, au point que la consommation de calvados a été divisée par quatre en l'espace de trente ans.

De quoi inquiéter la vénérable distillerie normande Busnel, de loin le premier producteur en volume (1,5 million de bouteilles par an). « A l'export, le calvados est nouveau donc moderne. En France, c'est la boisson de papy, celle qu'on associe au café calva », est bien obligé de reconnaître son président et directeur commercial, Jean-Luc Pignol.

Whisky, gin et vodka

Mono-produit pendant plus de deux siècles, la maison aux 6,5 millions de chiffre d'affaires, installée à Cormeilles dans l'Eure, a donc décidé de s'aventurer sur d'autres terrains, sous la baguette d'un maître de chais inventif. De ses alambics ne s'écoulent plus seulement du calvados, mais aussi désormais du whisky, du gin et de la vodka. Tous certifiés made in France et « RSE compatibles ». Une diversification qui coulait de source pour le patron des lieux.

« Ce n'est pas tant de l'investissement que de la capitalisation sur un savoir-faire puisque nous avons déjà l'outil,  l'expérience et la matière première », explique-t-il.

Car ici, gin et vodka sont fabriqués, non pas à partir de céréales comme le veut l'usage, mais en distillant les mêmes pommes à cidre qui donnent naissance au calvados. À cette exception que l'alcool est porté à 96 degrés (contre 72 pour le calvados). « C'est une première mondiale qui leur confère une suavité particulière », fait valoir Bénédicte Baude-Vattier, porte-parole de Busnel. Pour faire bonne mesure, le gin est parfumé d'un mélange de baies de genièvre, de noisettes, d'Angélique, d'Iris, de coriandre, d'estragon, de fenouil et de miel. La vodka passe cinq fois au travers des alambics pour une promesse « de douceur et de finesse », nous assure-t-on.

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Objectif : « chatouiller le leader du marché »

Côté production, celle-ci reste pour l'instant marginale. En un an, ces deux spiritueux « premium » vendus en grandes et moyennes surfaces (GMS) entre 30 et 40 euros se sont écoulés respectivement à hauteur de 5 et 10.000 bouteilles, encore très loin du niveau des ventes du calvados. La société normande n'en fonde pas moins « de grandes ambitions » en particulier sur la vodka. Elle table sur la contagion en Europe d'une mode venue des Etats-Unis. Au pays de l'oncle Sam, ce spiritueux d'origine russe fait, en effet, des étincelles auprès des amateurs de cocktails, dopé par une kyrielle de micro-brasseries créatives.

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Quant au whisky, vieilli en fût de chêne et produit à partir  d'orge « 100% normand », il a réussi une entrée plus qu'honorable dans les rayons des GMS avec 20.000 bouteilles commercialisées en l'espace de huit mois. De quoi se hisser à la seconde place sur le podium des single malt (issus d'une distillation discontinue) de milieu de gamme. « On est en mesure d'aller chatouiller le leader du marché », commente le directeur commercial de la distillerie avec gourmandise. L'intéressé a tout lieu d'être confiant. Le whisky estampillé bleu, blanc, rouge a le vent en poupe, notamment auprès de 18-35 ans, selon une étude Ifop commandée par Busnel, l'an dernier. Cette même enquête nous apprend que la provenance française fait partie des premiers critères d'achat avec l'âge du breuvage.... à consommer avec modération comme il se doit.

Tempêtes sous les pommiers

Les tempêtes qui ont frappé l'Ouest de la France ces dernières années ont mis à rude épreuve les quelque 4.000 vergers normands de pommes à cidre AOC. L'interprofession des Appellations Cidricoles (Idac) s'inquiète notamment des dommages provoqués sur les cépages dits de haute tige plus exposés au vent. « Leurs fruits sont indispensables à la fabrication du calvados et garants de la tradition », rappelle le président de Busnel qui est également à la tête de l'Idac.

L'intéressé a d'ailleurs interpellé Elisabeth Borne sur ce sujet quelques jours avant qu'elle ne quitte Matignon. Aujourd'hui, il espère que celle qui est redevenue députée de Vire (Calvados) à temps plein relaiera ces préoccupations à Paris. À défaut, l'interprofession peut espérer que la hausse du prix de vente des fruits issus de ces cépages malmenés incite les propriétaires de vergers à replanter de jeunes arbres.

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Commentaire 1
à écrit le 23/01/2024 à 16:51
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96 degrés, c'est l'azéotrope éthanol/eau. La taxe Sécu doit être forte avec un tel degré d'alcool. Je préfère le cidre (normand) même si j'ai vu il y a peu du jus de pommes chargé de CO2, pour le faire pétiller sans fermentation donc sans alcool. Y ...

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