Farwind Energy veut produire de l’énergie verte en haute mer

Incubée par l’Ecole Centrale de Nantes, la startup Farwind Energy a dévoilé le prototype du premier voilier hydrolien au monde capable de produire massivement de l’électricité, de l’hydrogène ou du méthanol en haute mer. Cette première mondiale doit se concrétiser par la construction d’un navire de quatre-vingts mètres pour aller chercher les vents très au large.
Felix Gorintin, directeur opérationnel, Aurelien Babarit et Arnaud Poitou, co-fondateurs de Farwind Energy, devant la plateforme de Hobbie cat de 5,5 mètres, utilisée comme démonstrateur pour simuler les conditions de navigation d'un navire de 80 mètres, à l'échelle 1:14eme.
Felix Gorintin, directeur opérationnel, Aurelien Babarit et Arnaud Poitou, co-fondateurs de Farwind Energy, devant la plateforme de Hobbie cat de 5,5 mètres, utilisée comme démonstrateur pour simuler les conditions de navigation d'un navire de 80 mètres, à l'échelle 1:14eme. (Crédits : Frédéric Thual)

C'est un concept unique au monde qui ouvre la voie à de véritables sites de production massive d'énergie verte en haute mer pour une livraison d'électricité, d'hydrogène ou de méthanol au plus proche de son usage. « L'idée de Farwind Energy, c'est d'amener une solution pour résoudre un problème pour accéder à un marché...», résume Arnaud Poitou, président de la startup, incubée par l'Ecole Centrale de Nantes (1), dont il fût directeur de 2012 à 2020. Le problème, c'est que les vents de meilleure qualité se situent très au large. « Et que nous n'avions pas les technos pour aller au-delà de cent kilomètres », dit-il. D'où l'idée des ingénieurs Jean-Christophe Gillotteaux et Aurélien Babarit, spécialisés en hydrodynamique et en énergie des océans, d'ouvrir une troisième voie, complémentaire à l'éolien terrestre et off-shore, avec un navire hydrolien, capable d'aller chercher et affronter des vents aux capacités infinies, de stocker l'énergie à bord sous la forme d'électricité, d'hydrogène ou, en y ajoutant du CO2, du méthanol.

Un démonstrateur concluant

Après des années de recherche, l'engin, à l'échelle du 1/14ème, conçu à partir d'une plateforme de catamaran Hobbie cat de 5,5 mètres, a été testé sur le Lac de Viorreau, à Joué-sur Erdre (44). Un lieu où les vagues d'un mètre sont représentatives des conditions affrontées par un navire de 80 mètres en pleine mer. « Toutes les techniques ont été qualifiées et le démonstrateur a validé l'ensemble des briques », se réjouit Aurélien Babarit. Pour cela, Farwind Energy s'est entourée de plusieurs savoir-faire. Le spécialiste de la propulsion EN Moteurs, réputé pour intervenir sur les systèmes de propulsion des sous-marins Français Barracuda est intervenu concevoir un hydrogénérateur. Fixé sous le navire, de la forme d'une grosse hélice, il permet de freiner le navire à l'image d'une dynamo de vélo pour accentuer la friction et optimiser la production d'électricité stockée dans des batteries ou à l'inverse d'être utilisé comme système de propulsion moyennant une consommation de 10% à 20% de sa production. Basée dans la région nantaise, la PME LoireTech, spécialisée dans la fabrication de pièces métalliques et composites complexes a réalisé les rotors Flettner, destiné à remplacer les voiles pour faire avancer le navire. Un cylindre motorisé, haut de 3 mètres, qui équivaut à 10 mètres de voiles souples sur le démonstrateur. A terme, ces rotors mesureront 50 mètres de de haut. Le navire sera autonome téléopéré par une vedette accompagnatrice d'où l'équipage pilotera un ou plusieurs bateaux pour trouver le bon couple et maximiser la production. La société nantaise Meltemus a, quant à elle, développé un logiciel de routage permettant de surveiller et d'intervenir sur la navigation des navires.

Des usages nombreux en perspective

Pour Farwind Energy, fondée en juillet 2020, l'ambition est maintenant de construire un navire de quatre-vingts mètres par vingt-cinq de large. Celui-ci-devrait avoir une puissance de 2,2 mW. La capacité d'amener le navire au bon endroit au bon moment, lui permettra d'avoir un rendement de 70%, et de produire 10 Gigawatts par an, soit plus du double d'une éolienne terrestre. Cela induira également une optimisation du temps d'utilisation des électrolyseurs embarqués pour produire de l'hydrogène. Un navire pourrait en moyenne produire 800 kilos d'hydrogène par jour, soit de quoi alimenter une flotte de quarante bus. Selon le type d'énergie choisie, le navire pourra sortir à la journée ou à la demi-journée s'il stocke de l'électricité, à la semaine pour produire de l'hydrogène voire des mois pour fabriquer du méthanol, a condition d'être approvisionné en Co2 par un tanker. Le navire devrait naviguer à une vitesse de 20 nœuds avec une houle de 2,5 mètres, mais être capable de supporter des conditions allant jusqu'à 8 à 10 mètres de creux. « La stratégie est d'aller là où les conditions de vents sont les meilleurs en évitant les endroits qui bastonnent », précise Aurélien Babarit. Dans un premier temps, les fondateurs de Farwind Energy visent le marché des Antilles où les conditions de vent son très favorables et où ils pourraient fournir de l'électricité. Ou les côtes de l'Atlantique pour y produire de l'hydrogène. Soit en injectant directement dans le réseau ou en fournissant l'électricité à un client « l'idée étant de créer des flottes de navires comparables à des champs d'éoliennes », ajoute Arnaud Poitou. « La multiplication des flottes de navires à travers le globe pourrait permettre de satisfaire, par exemple, les besoins électriques des grands ports maritimes, les besoins en hydrogène à Kourou ou pour l'industrie, dont les aciéries qui pourraient décarboner l'acier avec de l'hydrogène  et produire de l'acier vert », explore-t-il.

Un premier navire pour 15 à 18 millions d'euros

La construction du premier navire est envisagée pour fin 2022 de manière à être opérationnel en 2024. La startup a mené une première levée de fonds d'un million d'euros auprès d'une quinzaine d'investisseurs (Business angels, Family Office, Ecole Centrale, aide régionale...) pour financer sa R&D. Elle devrait, à l'issue des études fin 2022, en lancer une deuxième de neuf millions d'euros pour financer la construction du navire. Son coût devrait se situer entre 15 et 18 millions d'euros. Des discussions seraient engagées avec les pouvoirs publics, l'Ademe, l'Europe et la région pour participer à des appels à projets et être accompagné dans le cadre de la Deeptech. « C'est un excellent exemple du transfert de technologies à l'école centrale de Nantes notamment dans le domaine du génie océanique, à l'image de Syrena, Innosea Hydrocean ou Nextflow récemment acquise par Siemens », approuve Jean-Baptiste Avrillier, directeur de l'Ecole Centrale de Nantes, entré au capital de la startup, aux perspectives aussi vertueuses que gigantesques.

(1)  L'incubateur Centrale Incubation a été fondé par l'Ecole Centrale de Nantes, L'école de commerce et de management Audencia et l'Ecole d'architecture de Nantes.

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Commentaire 1
à écrit le 06/07/2021 à 9:37
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Merci, ça fait du bien de lire cela dans le pays qui possède le second domaine maritime mondiale.

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