Hydrogène : face à la vague verte, McPhy va drastiquement muscler ses moyens de production

Le spécialiste de l'hydrogène vert va ouvrir une nouvelle usine en France pour produire, dès 2022, 100 stations de recharge par an, contre 20 actuellement. La PME décidera également, cet été, du lieu de sa future gigafactory d'électrolyseurs, dont l'ouverture est prévue en 2024.
Juliette Raynal
McPhy fabrique actuellement 20 stations de recharge par an et entend passer à 100 dès 2022 grâce à l'ouverture d'une nouvelle usine en France. D'ici 2024, une gigafactory d'électrolyseurs verra aussi le jour dans l'Hexagone. Son implantation doit être décidée cet été.
McPhy fabrique actuellement 20 stations de recharge par an et entend passer à 100 dès 2022 grâce à l'ouverture d'une nouvelle usine en France. D'ici 2024, une gigafactory d'électrolyseurs verra aussi le jour dans l'Hexagone. Son implantation doit être décidée cet été. (Crédits : McPhy)

C'est l'un des pionniers français de l'hydrogène vert. Basé dans le petit village de Motte-Fanjas, au cœur de la Drôme, McPhy a parié sur la molécule verte dès 2008, bien avant que l'hydrogène ne soit propulsé sur le devant de la scène comme un élément clé de la transition énergétique.

Lire aussi : Industrie, transports, recherche: le gouvernement détaille son plan hydrogène

Douze ans plus tard, cette PME qui emploie 110 collaborateurs en France, en Allemagne et en Italie, entend devenir leader d'un marché de niche en pleine expansion. Sa spécialité ? La fabrication d'électrolyseurs et de stations hydrogène pour la mobilité.

Les électrolyseurs permettent de fabriquer de l'hydrogène propre en cassant la molécule d'eau grâce à un courant électrique bas carbone. La molécule d'eau est alors séparée en oxygène et en hydrogène. Les stations de recharge sont, elles, comparables à des stations essence pour les véhicules électriques équipés d'une pile à combustible (PAC). Aujourd'hui, 60% des revenus de McPhy sont issus de la vente d'électrolyseurs et 40% proviennent des stations hydrogène.

Production et distribution d'hydrogène vert

"Il y a de vraies synergies entre ces deux activités. Si demain vous voulez faire des stations hydrogène de grandes capacités pour les camions et les futurs trains à hydrogène, vous aurez besoin de grandes capacités de livraisons et cela ne fait aucun sens de faire circuler des camions pour acheminer l'hydrogène. Donc la production d'hydrogène sur site ou à proximité va devenir, de plus en plus, un enjeu pour nos clients. A l'inverse, notre technologie d'électrolyseurs est très modulaire et standardisée. C'est la même technologie qui permet d'alimenter une grande raffinerie ou une station de recharge. Cela nous permet de réaliser de vraies économies d'échelle", expose Laurent Carme, le directeur général de McPhy, qui a rejoint la société il y a un an et demi.

Actuellement, McPhy assemble ses stations de recharge dans la Drôme et fabrique ses électrolyseurs en Italie, dans la région de Toscane. Mais pour faire face à une demande en très forte croissance, la PME, qui compte parmi ses clients Total, Shell, le chimiste Nouryon, ou encore Engie et EDF, entend muscler considérablement son appareil productif. Elle prévoit désormais d'ouvrir une nouvelle usine pour ses stations de recharge, puis une gigafactory d'électrolyseurs dans l'Hexagone.

"Aujourd'hui, nous sommes capables de produire 20 stations hydrogène par an. Nous allons monter à 100 stations par an d'ici à 2022, en ouvrant une nouvelle usine en France. Du côté des électrolyseurs, nous allons compléter notre usine en Italie en construisant une gigafactory en France [usine d'une capacité de production annuelle pouvant atteindre 1 GW, ndlr]", détaille Laurent Carme.

Une nouvelle usine pour les stations, puis une gigafactory d'électrolyseurs

La localisation de cette future gigafactory sera connue à l'été. Le chantier devrait démarrer dans la foulée, pour une fin de construction prévue en 2023 et un début de production en 2024.

"La gigafactory représentera 450 emplois et la nouvelle usine dédiée aux stations de recharge [dont la localisation reste encore inconnue, ndlr] représentera environ 120 emplois. A terme, si notre plan se déroule correctement, nous devrions compter 750 employés à l'horizon 2026/2028, dont deux tiers en France", projette le dirigeant.

Fin 2020, McPhy disposait d'un parc de 35 stations de recharge et de 44 MW d'électrolyseurs livrés ou en cours de construction. Le spécialiste de l'hydrogène vert, coté à la Bourse de Paris depuis 2014, ne partage pas d'objectifs de croissance pour l'année prochaine, mais indique vouloir prendre une part significative d'un marché européen en pleine expansion. "L'Europe souhaite installer 40 GW d'électrolyseurs d'ici la fin de la décennie et 3.000 stations de recharge au même horizon, dont 750 dès 2025", rappelle Laurent Carme.

McPhy n'est pas le seul à vouloir s'imposer sur ce nouveau terrain de jeu. La pépite tricolore devra notamment tirer son épingle du jeu face à la société norvégienne Nel et au britannique ITM Power, dont la valorisation frôle désormais les 3 milliards d'euros, mais aussi face à des mastodontes de l'industrie, dont Siemens Energy qui a récemment annoncé un partenariat avec Air Liquide pour la production d'électrolyseurs.

Diminuer le coût des équipements par deux en dix ans

"Nous sommes des pure players de l'hydrogène. Nous sommes focalisés sur ce marché et nous avons une offre à la fois fiable et compétitive", se targue Laurent Carme. L'entreprise drômoise espère aussi faire la différence grâce à sa technologie alcaline sous pression, "particulièrement adaptée aux procédés industriels", selon ses propos.

Dans cette course, le principal défi consiste à faire baisser le prix de production de l'hydrogène vert, encore trois fois plus élevé que l'hydrogène gris, fabriqué à partir d'énergie fossile, et donc de faire baisser le prix des électrolyseurs.

"Aujourd'hui, nous sommes entre 650 et 750.000 euros le mégawatt installé. L'objectif est de descendre sous les 300.000 euros dans la décennie. Il faut donc réduire de moitié le coût de nos équipements en dix ans. C'est un défi très important, mais la filière n'est pas encore industrialisée et nous pouvons donc le relever", estime Laurent Carme.

La baisse des coûts doit être alimentée par les économies d'échelle sur la taille des équipements et leur nombre, mais aussi par les innovations technologiques. Sur 13,7 millions de chiffre d'affaires réalisés en 2020, McPhy a ainsi consacré 5 millions d'euros pour sa R&D.

Tsunami vert

Pour financer ces investissements, McPhy a levé 180 millions d'euros à l'automne dernier. L'augmentation de capital, bouclée en l'espace d'une nuit, a attiré de grands industriels dont Chart Industries, Technip Energies, aux côtés de ses actionnaires historiques EDF (qui détient 14,4% du capital) et Bpifrance (6%).

Cet intérêt marqué des investisseurs est directement lié au plan hydrogène de 7 milliards d'euros, annoncé par le gouvernement en septembre dernier. "Depuis le plan hydrogène, nous vivons un véritable tsunami. Ces annonces sont venues enfoncer le clou. Depuis un an et demi, nous constatons un changement complet d'attention à tous les niveaux", témoigne le dirigeant, qui fait partie du nouveau Conseil national de l'hydrogène.

"McPhy est la seule PME membre de ce conseil. Nous siégeons aux côtés de grands groupes comme Total et Air Liquide. Nous sommes très fiers d'être partie prenante dans la structuration de la feuille de route hydrogène du gouvernement", se félicite-t-il.

Aujourd'hui, McPhy perd encore de l'argent (9,3 millions d'euros de pertes nettes en 2020) mais elle espère atteindre l'équilibre financier à l'horizon 2023/2024.

Lire aussi : Areva et McPhy veulent faire rouler la Touraine à l'hydrogène

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 21/05/2021 à 11:10
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Sinistre ! pour répondre aux exigences d'une pseudo "vague verte", on va casser des molécules d'eau pour en faire de l'hydrogène : et bien sûr, on s'installe dans un château d'eau français, ce qui permetra d'importer de l'eau de source européenne pou...

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