Nantes s’apprête-t-elle à reprendre les mêmes et à recommencer ?

En fusionnant leurs listes entre les deux tours, le PS et EELV se donnent une bonne chance de remporter le second tour des municipales, face à une droite esseulée et à La République en Marche isolée. A moins que les 61% d’abstention du premier tour ne redistribuent franchement les cartes.
Ex-rivales, Johanna Rolland (PS) et Julie Laernoes (EELV) ont mené d’âpres négociations pour écrire 325 propositions partagées d’un projet où demeurent 5 désaccords majeures.
Ex-rivales, Johanna Rolland (PS) et Julie Laernoes (EELV) ont mené d’âpres négociations pour écrire 325 propositions partagées d’un projet où demeurent 5 désaccords majeures. (Crédits : Frédéric Thual)

Arithmétiquement, à Nantes, l'élection est pliée. L'alliance entre Johanna Rolland, maire de Nantes socialiste (31,36%) et Julie Laernoes tête des écologistes de l'EELV (19,94%) va-t-elle couper court au suspense électoral ? « On prend les mêmes... », regrette, déjà, un observateur, de gauche, de la vie politique nantaise. «Après trois décennies de mandats socialistes, la droite n'a même pas été capable de construire une opposition solide », s'étonne ce défenseur du débat démocratique. Et pourtant, la campagne menée par Laurence Garnier, candidate LR (19,94%), vice-présidente de la région en charge de la culture, est plutôt considérée par les experts et même certains opposants, comme réussie. Mais, la concurrente de 2014, qui avait récolté, 43,7% des voix demeure relativement seule. La tentative de rapprochement proposée, dans l'entre deux tours, à Valérie Oppelt, candidate de la République en Marche (13%) a été déclinée. Pire, cette dernière qui , au sortir du confinement, proposait à l'ensemble des candidates une liste d'union dans la logique du comité de pilotage associant majorité et opposition mis en œuvre par Johanna Rolland pour affronter la crise sanitaire, a reçu en retour une volée de bois vert de toutes parts. «Non, je ne suis pas pour un parti unique. Toutes les visions de Nantes ne sont pas compatibles. C'est faire croire aux Nantais que les projets portés par les différentes candidates se valent tous et ne sont différents qu'à la marge. Et bien, non, Nantes a besoin d'un nouveau projet, de nouvelles énergies et de clarté... », tance Laurence Garnier.   «Ça n'a aucun sens, ajoute Johanna Rolland. Dans un moment difficile -la crise sanitaire-, les logiques habituelles doivent être dépassées , mais là, on bascule dans la plus grande confusion. C'est priver les nantais d'exercer leur droit démocratique.»  Choquée par ce qu'elle qualifie de « vieux réflexes », celle qui voulait « prendre de la hauteur et innover » dans une période où se profile, cette fois, une crise économique et sociale sans précédent, Valérie Oppelt ira seule, jusqu'au bout.

« Rien sous le tapis... »

Dans quel état d'esprit les candidates abordent-elles ce second tour post-covid ? « Combatif ! », enchaine la candidate LREM. « Comme une sportive dont le match n'est pas joué d'avance. Et mobilisée ! », lance pugnace, la candidate Laurence Garnier. « Avec responsabilité et gravité », répond, après un temps d'hésitation, Johanna Rolland, qui au lendemain du déconfinement, a réussi à ramener dans son giron la plus dangereuse des candidates : Julie Laernoes dont le résultat du premier tour apparaissait en-deçà des ambitions affichées par les verts. « Même si j'avais été en tête, j'aurais appelé à cette fusion », dit l'adjointe municipale et vice-présidente de la métropole nantaise en charge de l'énergie et du climat. Alors « pour éviter de revivre l'ambiance du premier mandat », les deux femmes ont discuté. Ferme. Des nuits durant pour concilier les programmes de Nantes Ensemble et de Nantes en Confiance «Jamais, nous n'avons eu autant de temps pour préparer un programme. Jamais, on est allé aussi loin... sans rien laisser sous le tapis», indique Johanna Rolland. Conciliante ou habile, elle a accepté la présence sur sa liste de deux opposants notoires dont celle du militant Christophe Jouin, remarqué pour l'avoir enfarinée, un samedi d'octobre 2018 sur un marché nantais. « J'ai tendu la main... La volonté de laisser UNE chance... », justifie du bout des lèvres la maire sortante. Car, la « boss », c'est elle, héritière de trente ans socialisme, « à la nantaise ». « Il n'y qu'une tête de liste !», rappelle, néanmoins, son entourage. A toutes fins utiles.

Le Chu au cœur de la bataille électorale

Sous un soleil printanier, masques sur le nez, les deux femmes sont donc venues présenter « l'enfant », dans un petit square fraichement réhabilité face à la mairie : Un pacte de 325 propositions « entièrement réécrites », baptisé Ensemble Nantes en Confiance où émergent la mobilité (augmentation des aides au vélo), la solidarité, « pour faire faire à la crise sociale qui est devant nous », observe la maire de Nantes, et la santé. C'est d'ailleurs dans ce dernier point que figure l'un des cinq désaccords affichés par l'alliance PS-EELV ; à savoir le transfert du CHU sur l'île de Nantes, devenu l'enjeu majeur de ce second tour, le projet touristique d'arbre aux hérons, la vidéoprotection, l'hypothèse d'un nouveau franchissement de la Loire, la création de places de stationnement près de la gare et du CHU pour lesquels l'écologiste a fait savoir qu'elle ne voterait pas les budgets. Signe de leur influence, les verts ont décroché dix des vingt-six postes d'adjoints au conseil municipal et cinq ou six délégations à la métropole, là où se jouent les enjeux économiques et structurants. D'ores et déjà, ils ont obtenu un moratoire sur le déploiement de la 5G et sur l'extension de la Cité des congrès, outil d'attractivité internationale. Et, si cette liste est élue, Julie Laernoes obtiendra une vice-présidence élargie aux mutations économiques. De quoi pouvoir largement intervenir sur les nouveaux modèles à réinventer. « Les masques tombent ! », s'insurge Laurence Garnier, pour qui la question du CHU est prioritaire. « Parce que c'est un mauvais projet. Et qu'il est encore temps de le revoir. Dans une agglo qui grandit où comme partout la population vieillit on va supprimer 350 lits, un quart de la capacité de l'hôpital. Là où, de plus, on a le plus faible taux de lits de réanimation par habitant », dit-elle dénonçant dans un courrier adressé au ministre de la santé, Olivier Véran, « la localisation et le coût (un milliard) d'un projet qui doit supprimer 800 emplois ». La maire de Nantes qui voit en ce nouvel outil « un accès à la santé pour tous » a, elle aussi, envoyé une missive demandant au ministre de réévaluer le nombre de lits de l'établissement du futur. A l'heure où la municipalité défend ce projet de CHU hyperconnecté, le moratoire sur le déploiement de la 5G proposé par l'alliance rose et verte semble pour le moins surprenant. «Dans une métropole qui a la chance d'être choisie comme une terre expérimentale de la 5G, c'est très grave de mettre un moratoire, par dogmatisme, sur cette 5G. Je doute que les réseaux économiques où des gens comme Doctolib qui viennent de s'implanter à Nantes avec la promesse de 500 emplois, apprécient », tacle Valérie Oppelt. Celle-ci vient d'ailleurs de réajuster son budget en fléchant 100 millions d'euros pour accompagner la relance économique dans les entreprises, les quartiers, en soutenant le télétravail, les CHR (Café Hôtel-Restaurant), les nouvelles formes de distribution (Marketplace, etc) et de livraison. « Plus que jamais, c'est le moment où il faut investir», dit-elle.

La sécurité reléguée au second plan

Pour la candidate LR, il est temps de donner une impulsion différente à la ville. « De rééquilibrer le territoire avec une métropole qui respire et non qui aspire. Mon ambition n'est pas d'en faire une agglomération d'un million d'habitants mais bien de rééquilibrer l'urbain et le péri-urbain, avec notamment un plan vélo conséquent. Economiquement, il s'agit de savoir, si l'on veut un projet pour la ville avec une croissance sobre et responsable ou la décroissance ? C'est un vrai beau sujet», esquisse Laurence Garnier. Tout comme les problématiques d'emplois et de chômage qui inévitablement débouleront sur le bureau de la future maire dès l'été.

Au premier plan pendant le premier tour, les questions de sécurité, attisées par les violentes manifestations de la ZAD contre le transfert de l'aéroport, les gilets jaunes, la loi pour la réforme des retraites, les rodéos, l'insécurité urbaine... ont brusquement disparu entre les deux tours laissant la place aux problèmes sanitaires et à la future crise économique et sociale. « Et pourtant, les questions de délinquance et d'incivilités sont, elles, se posent toujours », souligne la candidate de la droite. Enfin, toutes les candidates le savent, à Nantes, le premier tour a été marqué par une abstention record de 61,3%. En 2014, elle avait atteint 46,1% au second tour. La question est donc de savoir si, cette fois, les nantais se mobiliseront ou non. Ce qui pourrait changer la donne.

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Commentaires 2
à écrit le 17/06/2020 à 4:16
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L'offre politique en France ? La peste ou le cholera. Et ce a tous les echelons. L'entre-soi permanent. Affligeant tout simplement pour le pays qui se reclame des droits de l'homme.

à écrit le 16/06/2020 à 16:13
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"A moins que les 61% d’abstention du premier tour ne redistribuent franchement les cartes." LÀ est en effet au final le seul point d'interrogation de ces élections, les vieux et très vieux, qui jusqu'à leur dernier souffle iront voter, ont ils ét...

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