Nantes : une vision à 360° plutôt que la neutralité carbone

À défaut d'opter pour une vraie neutralité carbone, la métropole nantaise s'est fixée comme ambition de réduire ses consommations d'énergie et ses émissions de gaz à effet de serre de 50% à l'horizon 2030. Et de se doter de l'outil nécessaire pour prouver ses assertions et montrer ses résultats.
La parc immobilier enregistre une baisse des consommations par habitant.
La parc immobilier enregistre une baisse des consommations par habitant. (Crédits : Pixabay / CC)

« Nantes, ville zéro carbone ? » Ce fut l'une des premières interrogations soumises au débat par des Nantais lors de la troisième réunion du Labo258, cette cellule participative et collaborative ouverte par Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de la Métropole dans la perspective des municipales de 2020. « La question d'une société post-carbone est un vrai sujet. Le problème, c'est que l'objectif de neutralité carbone est difficilement mesurable. Il n'existe aujourd'hui ni définition rigoureuse ni méthodologie commune. Alors, sur la métropole, on a préféré opter pour des choix extrêmement ambitieux et offensifs, avec des objectifs concrets, mesurables, quantifiables et vérifiables », affirme la présidente de Nantes Métropole qui soumettra au conseil métropolitain du 7 décembre prochain l'adoption du nouveau Plan climat air énergie territorial (PCAET) et du Plan local d'urbanisme métropolitain (Plum). Des outils calibrés pour atteindre des objectifs clairs : réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre par habitant d'ici à 2030, diminuer de moitié la consommation d'énergie et porter la part de la production d'énergie renouvelable à 20 % de la consommation d'énergie.

À mi-chemin des objectifs

« Il s'agit maintenant d'aller plus loin et d'accélérer. Il faut savoir sortir de l'expérimentation. Aujourd'hui, notre problématique est clairement celle du changement d'échelle », prévient l'élue nantaise pour qui « le gros point fort de la métropole est d'avoir des résultats tangibles à mettre sur la table ». Pour cela, elle s'appuie sur les investigations menées par l'association Air Pays de la Loire. Un travail de fourmi qui compile les données fournies par des centaines de structures, d'organismes ou d'entreprises (Atlanbois, Enedis, GRDF, le grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire...) mises en lumière dans le rapport Basemis. Cet inventaire détaille par secteur (agriculture, industrie, transport, habitat, énergie...), les consommations d'énergie, les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les principaux polluants atmosphériques.

Première indication : si la population métropolitaine a crû de près de 20 % entre 2003 et 2016 (637 000 habitants), la consommation d'énergie a seulement augmenté de 3 % et les émissions de GES baissé de 5 %. Compte tenu de l'évolution démographique, le rapport au nombre d'habitants ramène les consommations d'énergie à - 13 % et les émissions de gaz à effet de serre (GES) à - 20 %. Dans la droite ligne de l'objectif des 50 % voulus pour 2030. « Mais 2030, c'est dans douze ans. Il faut donc embarquer tout le monde », relève Julie Laernos (ELVV) vice-présidente de Nantes Métropole. Ce fut l'objectif du Grand Débat sur la transition énergétique organisé il y a deux ans. Avec la participation de 53 000 Nantais, 11 000 contributeurs, 270 organisations, 80 événements... et une mise en perspective à travers une feuille de route de 33 actions, de grands principes, la mise en oeuvre d'une gouvernance ouverte et des objectifs : 100 millions d'euros pour rénover l'habitat, un milliard pour les transports, la mobilité durable et l'intermodalité d'ici 2030... Un programme que la métropole déroule.

Les efforts commencent à payer

D'ores et déjà, à travers les deux principaux secteurs du transport et du logement, soit 70 % des consommations d'énergie et des émissions de GES, les efforts commencent à payer. Au regard de ces deux indicateurs, l'impact du transport routier demeure relativement stable entre 2003 et 2016, malgré une hausse de la population et, donc, des déplacements.

« Cela provient des améliorations technologiques du parc de véhicules et des mesures mises en place par Nantes Métropole », note le rapport Basemis. En forte croissance depuis 2003, le parc immobilier enregistre une baisse des consommations par habitant. « L'efficacité énergétique des bâtiments est également visible », précise l'inventaire. C'est peut-être à travers le type d'énergie utilisé que le changement de comportement s'avère le plus marqué avec une diminution sensible des produits pétroliers au profit de l'électricité. Si Nantes reste, en valeur absolue, la commune de la métropole la plus émettrice de GES, ses émissions par habitant ont diminué de 25 % et sont plus faibles que la moyenne de l'agglomération, où la part des énergies renouvelables a crû de 73 % depuis 2008.

Le scénario à la nantaise est-il dans les clous du Giec... oui ou non ?

« Ces données nous confortent dans notre stratégie. L'augmentation des puits de carbone par l'introduction de la nature en ville est en cours. Le Plum va nous permettre de diminuer de 50 % la consommation des espaces naturels et forestiers par rapport à 2004-2014, les forêts urbaines doivent passer de 12 à 36 hectares d'ici à 2020, les véhicules diesel du transport public seront supprimés au cours des prochaines années. Nous venons de mettre en oeuvre un Projet alimentaire territorial pour notamment favoriser les circuits courts, le projet de nouvelle gare ferroviaire comprendra 60 % d'espaces verts, les 32 000 m2 de toiture du Marché d'intérêt national seront entièrement recouverts de panneaux photo-voltaïques... Nous sommes dans une stratégie globale et transversale », égrène la présidente de la Métropole, labellisée Cit'ergie en 2015. « Ce qui nous permet d'avoir un regard extérieur et un référentiel européen sur nos démarches. »

Le scénario à la nantaise est-il en accord avec les objectifs du Giec ? « On y est clairement, affirme Johanna Rolland. En ajoutant même une dimension qui consiste à toucher la diversité des Nantais, y compris les plus modestes. »

Pour Julien Dossier, le fondateur de la société d'études et de conseil en stratégies bas carbone Quattro-libri, coauteur du rapport « Paris, vers la neutralité carbone en 2050 », le compte n'y est pas tout à fait. « Certes, Nantes a historiquement inscrit la transition énergétique dans sa culture locale. Elle symbolise le retrait de la voiture en ville, elle encourage la pratique du vélo, n'a pas usurpé son titre de capitale verte. Si elle a accueilli les sommets Ecocity ou Climate Chance, ce n'est pas un hasard, mais aller vers la neutralité carbone impose un examen d'une autre nature et une autre vision, avec un retroplanning sur 31 ans. La trajectoire vers la neutralité carbone, nécessaire pour atteindre les objectifs du Giec, impose de repenser en profondeur les modes de consommation, d'alimentation, de déplacements, de construction. À Nantes, l'abandon de l'aéroport NNDL est une opportunité à saisir. D'autres secteurs, comme le tourisme, le sport - on parle de construire un nouveau stade plutôt que de rénover l'ancien - ou le développement économique, ne sont pas encore au service de la neutralité carbone. Or, c'est bien aux villes et aux réseaux de villes de peser sur les stratégies d'investissement des industriels, et de pousser les États à adopter des normes nationales plus ambitieuses. »

Il préférerait une ligne verte dessinée par Le Voyage à Nantes qui relie des oeuvres d'art contemporain dans la ville, mais aussi des lieux où s'opèrent les changements d'usages vers la neutralité carbone. De la pédagogie par la culture.

Par Frédéric Thual,
correspondant des Pays de la Loire pour La Tribune

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