WeData expérimente l'anonymisation des données avec le CHU de Nantes

Avec la création d'avatars, la startup nantaise WeData a mis au point une méthode inédite d'anonymisation des données. Un démonstrateur est en route au CHU de Nantes.
Le CHU de Nantes abrite un service Clinique des données.
Le CHU de Nantes abrite un service "Clinique des données". (Crédits : Reuters)

Anonyme ? La clinique des données l'est aussi. Seule une feuille A4 scotchée sur la porte mentionne le nom des six épidémiologistes habilités à pénétrer dans ce haut lieu de la data, sécurisé, discrètement perdu dans les étages du CHU de Nantes. Derrière la porte sont digérées les informations de 2,3 millions de patients, 50 millions de données structurées et 12 millions de documents « texte » recueillis au cours des vingt dernières années. C'est le deuxième entrepôt de données biomédicales agréé par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) pour organiser l'accès à l'information générée dans le cadre des soins, après l'APHP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Et ici se dessine la médecine de demain.

Si le Règlement général sur la protection des données (RGPD) encadre désormais les données personnelles, en revanche, tous les autres usages, comme l'exploitation en masse des informations médicales, utiles pour de l'analyse, des prédictions, le partage des connaissances... doivent être impérativement anonymisés. « L'arrivée du numérique a ouvert de réelles perspectives en matière de recherche et de médecine personnalisée », explique Sylvie Sacher Huvelin, à la direction de la recherche du CHU.

Des avatars pour préserver les données sensibles

Ce qui n'est pas sans soulever des problèmes de réidentification. « L'anonymisation n'est pas seulement compliquée à dire, elle est aussi complexe à faire », explique Olivier Breillacq, fondateur de WeData, née dans le giron de la société MethodOmics, créée autour des questions de big data et de la santé.

« Les Gafa ou des entreprises comme Netflix ont été victimes de leur naïveté en raison d'une anonymisation trop superficielle. Des data-scientists ont démontré qu'il était aisément possible de réidentifier les personnes à partir d'un lieu, d'habitudes de consommation, etc. Supprimer un nom, une adresse, une date de naissance ne suffisent pas », prévient-il.

Avec sa solution, WeData a imaginé générer des avatars. « Ce sont des données de synthèse, vraisemblables, utilisables en lieu et place des données sensibles. Nous utilisons des techniques d'anonymisation profondes sans appauvrissement de manière à pouvoir maintenir des corrélations », précise Olivier Breillacq. Cette forme de leurre, conforme à l'esprit du RGPD, ouvrirait de nombreuses possibilités d'exploitation des données (glycémie, alcoolisme, diabète, nombre globules rouges...) à des fins d'analyses pour déterminer si un médicament A sera plus approprié que le B...

« Hier, le médecin s'appuyait sur ce qu'il savait, demain il aura une nouvelle base d'informations. Ce sera une transformation totale des pratiques médicales. Tout en préservant la confidentialité pour les patients. Ce qui est notre priorité absolue », insiste Pierre-Antoine Gourraud, professeur à la faculté de médecine de Nantes.

Pour lui, alors que les attentes d'informations des pouvoirs publics et du privé deviennent de plus en plus pressantes, le domaine de la santé a un vrai rôle à jouer face aux Gafa.

Lancée au CHU, l'expérimentation va durer plusieurs mois. Ce démonstrateur devrait être suivi avec attention par le secteur de la santé. Car, au-delà de cette période de POC (proof of concept), « l'objectif, en final, est bien de pouvoir ouvrir les données à l'ensemble des centres hospitaliers dans l'Hexagone et à l'international, où la France, plus attentive au respect des données personnelles, a pris du retard », souligne Sylvie Sacher Huvelin.

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