« Comment le smart business fait changer les entreprises de la smart city »

Le #ForumSmartCity, organisé par La Tribune le 20 novembre prochain, est l'occasion de revenir sur les problématiques et les perspectives de la ville de demain. Les smart technologies changent la ville. Que changent-elles aux entreprises qui en font leurs métiers ? N’y a-t-il pas là un laboratoire des mutations de nos sociétés ? Thomas Peaucelle, qui a épousé ces changements chez Cofely INEO, nous raconte ses nouveaux usages.
Ingénieur de formation, Thomas Peaucelle est le directeur général délégué de Cofely Ineo, la filiale du groupe GDF Suez spécialisée dans les réseaux électriques et les systèmes d’information. Il y est en charge de la stratégie, du développement et de l’innovation.

LA TRIBUNE - La révolution numérique a-t-elle changé le métier de Cofely Ineo ?

THOMAS PEAUCELLE - Nous avons la chance d'avoir deux métiers : des activités historiques d'installation de proximité d'une part et, de l'autre, des activités technologiques (télécoms et informatique), qui nous mettent au cœur de la convergence actuelle. Confrontés à la révolution numérique et à ce qu'elle peut apporter, nos clients sont en effet aujourd'hui à la recherche d'optimisation. Il ne s'agit plus d'acheter un produit, ni même un service ; nous parlons désormais d'une économie « d'usages ».

Par ailleurs, de nombreux thèmes de la ville sont liés entre eux : l'énergie, les émissions de CO2 et la santé, par exemple - je vous rappelle que la pollution en ville tue plus de personnes que les accidents de la route -, ou encore la démographie, la mobilité, ­l'emploi et, une fois de plus, la santé. Il n'est donc plus possible de travailler en « silo », d'autant que le propre du numérique, c'est précisément de permettre de relier toutes les données dans tous ces secteurs.

LT - Concrètement, qu'est-ce que ce constat veut dire pour votre entreprise ?

TP - À partir de notre vision, nous lançons de nouveaux outils qui la mettent en œuvre. Ainsi, à l'occasion du Salon des maires et des collectivités locales, qui se tiendra les 25, 26, 27 novembre à la Porte de Versailles, Cofely Ineo dévoilera un nouveau « tableau de bord » permettant aux autorités locales de croiser de multiples données : éclairage dans certains quartiers, mains courantes à la station de police locale et vidéo protection, le tout sur une carte de la ville. Ou, selon le même schéma : eaux, déchets et environnement. Ou encore : eau, santé des populations fragiles et canicule. De même, nous avons déjà inauguré, dans une zone spécifique de Toulouse, de nouveaux outils de type « smart grid » (réseau intelligent), liant la production d'énergie solaire et éolienne et le stockage sur batteries, pour un système d'optimisation de la consommation d'énergie. Et nous réfléchissons à l'étendre à toute la ville.

Notre stratégie est donc de dire aux villes que nous compre­nons les nouveaux enjeux, et que nous avons les outils pour ces nouveaux usages, notamment via la collecte de données. Pensez à Autolib' : la principale raison de l'émergence de ce véhicule en libre-service, c'est qu'on a pu mesurer que 25% des gens en voiture individuelle dans une ville comme Paris étaient en fait à la recherche d'une place de parking ! Si nous créons des outils qui permettent de savoir où se trouve la place de parking la plus proche, nous améliorons la mobilité grâce à un système adapté aux besoins des usagers. De quoi redonner de la liberté à ces derniers.

À mes yeux, la liberté de se déplacer a été l'une des conquêtes de la Révolution française. Aujourd'hui, cependant, vous conviendrez que le RER, par exemple, est symbole d'aliénation plus que de liberté... D'où l'idée également de développer des réseaux de bureaux en banlieues, qui permettent aux usagers du RER de faire l'économie du stress du transport un jour ou deux par semaine, tout en se retrouvant dans une atmosphère de travail et dans un lieu doté de toutes les connexions pour leurs tâches.

LT - Comment développez-vous ces nouveaux outils ?

TP - Nous mettons les équipes en position d'innovation. Au-delà de profiter d'une culture d'entre­prise fondée sur la passion d'entreprendre, qui fait que nos managers sont très autonomes, nous pensons que l'innovation doit naître dans chaque entité. Nous n'avons pas créé de direction de l'innovation. Nos managers ont certes des objectifs, mais nous présupposons qu'ils savent faire leur travail.

Pour développer l'inno­vation, pour leur inculquer ce sens de l'innovation, nous venons régulièrement les voir pour parler librement de tout. De tout, sauf de chiffres. Nous parlons d'idées et de projets. Il s'agit d'être flexibles, inventifs. Et si, avec ce système, nous inventons deux fois le fil à couper le beurre, c'est mieux que d'être passés à côté ! Il nous faut en tout cas impérativement développer de nouveaux outils, puisque ce sont ces nouveaux outils qui généreront de nouveaux usages, eux-mêmes porteurs de nouveaux flux financiers pour l'entreprise.

LT - Et cette attitude suffit pour générer de l'innovation ?

TP - Non ! Nous apprenons aussi à nos équipes à travailler ensemble, les télécoms avec l'énergie, par exemple. Ce décloisonnent est indispensable. Et enfin, nous nous adaptons.

Ainsi, sur les chantiers, nous avions lancé un outil de commu­nication pour tout le monde, et nous nous sommes aperçus qu'il était inutilisé : les ouvriers lui préféreraient leur propre smartphone ! Cela dit, nous avons aussi recours à des formations techniques et à un accompagnement extérieur dans certains cas. Nous recrutons aujourd'hui beaucoup plus d'ingénieurs que par le passé, et nous devons donc intégrer ces nouveaux profils. Ce qui n'est pas toujours aisé. Ces ingénieurs vont plus vite que les programmeurs et, en plus, ils ont tendance à être très indépendants, comme tous les membres de la génération Y...

Enfin, la révolution numérique peut brouiller les cartes, au sens où elle donne accès à une multiplicité d'informations. Nous apprenons à nos managers, là aussi avec un accompagnement de type coaching, comment définir leurs priorités et remettre du sens dans tout cela. C'est très important pour les équipes. Elles doivent avoir un sentiment d'appartenance à l'entreprise et de communauté de projet. Sinon, il n'y a pas assez de collectif...

LT - Rencontrez-vous des difficultés face aux pouvoirs publics dans vos activités ?

TP - C'est simple, personne ne se parle ! Si nos ingénieurs et nos équipes en général doivent apprendre à travailler ensemble, c'est encore plus vrai des différentes entités publiques. Nous pouvons innover avec des outils visant à gérer l'aide à la dépendance, par exemple, mais cette aide est du ressort du conseil général, tandis que les repas sont du domaine de la ville. Bref, comme pour la ville intelligente, de nombreux progrès seraient faits avec une mise à plat de ces différents « silos ».    

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