L'homo urbanus est-il menacé ?

La ville devenue intelligente grâce au numérique est-elle adaptée à tous ses habitants, enfants y compris ? Comment ne pas souffrir « d’asphyxie numérique » ? La table ronde organisée par La Tribune dans le cadre de son forum Smart City, « espèces urbaines, espèces menacées », apporte des éléments de réponse.

Pour Antoine Picon, professeur à Harvard, « l'homme a toujours été menacé. Aujourd'hui, les équilibres de la ville sont devenus problématiques en raison des défis environnementaux ».

L'enfant dans la ville n'est pas roi

Comment circuler, rentrer chez soi, franchir tous les obstacles que recèle la ville quand on est un enfant ? C'est l'interrogation de Catherine Dolto, médecin pédiatre et écrivain : « ils ne peuvent plus circuler facilement avec les nouveaux digicodes. Pour se déplacer dans la ville, il faut savoir lire, bien voir, être assez grand pour atteindre les interphones : c'est dommageable. Il n'existe pas d'espaces intermédiaires pour les petits ».

Les limites du digital

Pour Antoine Picon, la Smart City, c'est bien, mais il nous reste à inventer « une véritable économie et une éthique du numérique. On ne peut pas rendre tous les objets intelligents, il y a des limites ». Le professeur d'Harvard propose d'instaurer une forme de frugalité numérique pour retrouver une certaine qualité de la vie. Catherine Dolto soulève le problème de l'éducation aux technologies : « c'est une question d'éducation et de discernement. Les nouvelles technologies ont un vice, celui de nous proposer beaucoup de choses. Or, il faut être éduqués pour choisir ».

Asphyxie numérique

La fille de Françoise Dolto estime que la technologie « nous fait perdre des choses, des savoir faires ». Antoine Picon, lui, pense « qu'on perd des choses mais on en gagne d'autres. Le problème est qu'on va vers une forme d'asphyxie numérique. Nous avons besoin de retrouver des rythmes de vie moins frénétiques. De plus, les technologies provoquent des conflits générationnels ».

Hackathon à Hyberabad

Francis Pisani, écrivain et expert de la ville intelligente, illustre la débrouillardise des urbains et leur adaptation à leur environnement avec l'exemple d'Hyderabad. Dans cette métropole indienne, deuxième pôle technologique du pays, peu de gens possèdent des smartphones. Impossible pour eux d'avoir accès en ligne aux très complexes horaires et trajets des bus, principal mode de transport. « Lors d'un hackathon, des étudiants ont eu l'idée d'imprimer ces plans et de les distribuer gratuitement aux vendeurs de cigarettes qu'on trouve à tous les croisements qui les revendent aux gens une roupie. Ces gens se  sont adaptés à leur réalité urbaine. À Londres, on a découvert une « bosse de la géolocalisation » dans le cerveau des chauffeurs de taxis. Mais celle-ci disparaît depuis l'usage des GPS ».

Catherine Dolto n'est pas étonné par cette bosse de l'orientation : « le cerveau se transforme constamment, il a une grosse plasticité. Durant la petite enfance, els modifications sont énormes ». L'apprentissage et l'enseignement via les outils numériques sont en route selon Antoine Picon, pour qui « 90 % des cours magistraux seront donnés en numérique dans 20 ans ».

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