"Le XXIe siècle sera celui des villes qui sortiront des logiques jacobines" (Johanna Rolland)

Attachée à la « social-écologie », Johanna Rolland veut mettre un coup d'accélérateur sur la construction de la métropole nantaise. Autour de quatre ambitions ; le collaboratif, la nature en ville, l'alliance des territoires urbains et ruraux, et l'international.
Johanna Rolland, Maire de Nantes et Présidente de Nantes métropole

LA TRIBUNE - Vous avez fait le choix de positionner Nantes sur « la ville de demain ». Où en est-on du développement de la smart city à la nantaise ?

JOHANNA ROLLAND - Quand on bouge les lignes sur le fond, la représentation, la gouvernance, les schémas de pensée... la meilleure chose, c'est la démonstration par la preuve. Ici, on a réussi la mise en mouvement coordonnée d'un écosystème numérique qui joue groupé et collectif. Il a permis de créer 2800 emplois depuis le début de la démarche Nantes Tech, sur un objectif de 10000 emplois à dix ans. Avec l'application « Nantes dans ma poche », téléchargée 75 000 fois et primée trois fois, la démarche semblait d'abord disruptive. Au final, c'est la preuve que la collaboration entre public et privé, fonctionne... Avec le Web2day ou notre implication dans l'élaboration la loi pour la République numérique, Nantes a gagné une reconnaissance nationale.

Sur quoi avez-vous dû ajuster votre stratégie ?

Plus qu'un ajustement, c'est plutôt sur des questions comme la transition écologique que j'ai choisi d'accélérer. Notamment à travers la question de la nature en ville. Pourquoi le faisons-nous ? Pas pour faire joli, mais parce que c'est une question de conception de la ville. Quand je fais le choix de réorienter le projet de gare, avec cette idée de parvis rejoignant le Jardin des plantes, plébiscité par les Nantais et les touristes, ce n'était pas prévu. Le projet de la gare a été décidé dans le précédent mandat. Là, c'est une vraie réorientation. De même que confier à une paysagiste la direction de l'équipe pluridisciplinaire chargée de la réhabilitation urbaine de l'île de Nantes. C'est un signe fort pour un projet qui est l'un des laboratoires urbains de la ville, regardé bien au-delà de nos frontières. Ces deux exemples renforcent et traduisent ce qui était simplement une intuition en 2014. Tout comme j'ai décidé de m'engager sur un programme alimentaire territorial. C'est nouveau, cela fait partie des choses que j'ai clairement accélérées.

D'ici à 2030, la métropole nantaise pourrait compter 680 000 habitants. Comment comptez-vous concilier logique d'attractivité et qualité de vie ?

La question, c'est de savoir si, demain, nous voulons loger nos enfants et petits-enfants. C'est le fruit de notre démographie. Deux choses sont essentielles : une politique ambitieuse de logement et la lutte contre l'étalement urbain. L'enjeu, c'est le qualitatif. Là où il y a une nouveauté et une inflexion dans ce mandat, c'est sur le fait de conjuguer une ville intense en termes de logements et une ville de qualité. Nous expérimentons, par exemple, une démarche dans les quartiers autour du patrimoine et des paysages. Ainsi, certaines attentes seront intégrées dans le plan local d'urbanisme. C'est important que les personnes qui participent à ces échanges voient que leur opinion est prise en compte.

Vous annoncez ces jours-ci le lancement d'un City Lab innovant, de quoi s'agit-il ?

L'idée c'est qu'il existe des acteurs privés, un public associatif... qui ont une idée, une intuition et qu'ils veulent l'expérimenter sur la ville. Contrairement à ce qui peut être fait ailleurs, ce City Lab n'est pas délégué à un grand groupe. Il doit créer les conditions d'un travail collaboratif. Sur un projet sélectionné, on demandera le regard croisé d'un grand groupe, de startups, de citoyens... pour mener une expérience d'usage. La gouvernance sera très ouverte avec un grand groupe, des startups, des acteurs, des associations et du collaboratif... L'objectif, c'est d'accélérer la logique collaborative nantaise. On s'inspire de ce qui se fait ailleurs, mais on refuse le « copier-coller » pour éviter la standardisation.

Pendant deux ans, vous avez présidé Eurocities, le réseau des 130 métropoles européennes, quel a été l'impact pour Nantes ?

D'abord, c'est placer Nantes sur la carte européenne. Ensuite, en faisant adopter l'agenda urbain par les instances européennes, on fait monter la gouvernance et la place des villes. La troisième dimension, c'est l'avancée sur les projets. Quand je porte à l'échelle européenne l'idée d'un bâtiment des solidarités baptisé les 5Ponts, la présidence d'Eurocities est clairement un atout. Plusieurs millions d'euros ont été débloqués par l'Europe pour soutenir un projet né dans la tête d'un responsable associatif. Tout comme l'ont été les actions menées dans le cadre du programme My Smart Life.

Quels sont aujourd'hui les axes prioritaires de développement de la smart city nantaise ?

L'éducatif, le collaboratif et l'international. J'ai fait le choix de préempter les questions de transition numérique, écologique et démographique. Elles ne sont pas vertueuses. Ce que l'on en fera, deviendra ou non un levier du développement économique, de l'emploi et de la lutte contre les inégalités. Quand je dis « demain, 50 % des logements sociaux seront chauffés par les énergies renouvelables », c'est bon pour le climat, bon pour la facture des locataires et donc pour le pouvoir d'achat. Sur Nantes, ça concerne 70 % des familles. Ce n'est pas la même transition écologique, que dans un écoquartier, très brillant, qui concerne 7 % de la population. La question éducative prend ici tout son sens et notamment, celle de l'éducation au numérique pour les 3 à 103 ans. Dans le collaboratif, je veux, par exemple, créer des passerelles, entre le Quartier de la création et le Solilab, acteur de l'économie sociale et solidaire où se construit, aussi, le monde de demain.

Mettre le cap à l'international, c'est jouable sans un nouvel aéroport ?

Vous connaissez ma position. Elle est très claire. L'aéroport fait partie d'une stratégie globale. Ce n'est pas l'aéroport, tout seul. C'est l'aéroport, plus une nouvelle gare SNCF, un grand port maritime qu'il faut continuer à mettre en avant, le doublement du budget de l'enseignement et de la recherche, un lycée international, le développement du réseau des chefs d'entreprise « ambassadeurs » de la ville, etc. C'est pourquoi avec David Samzun, maire de Saint-Nazaire, nous avons lancé l'agence économique Nantes Saint-Nazaire Développement pour attirer des investisseurs et des talents.

Quel regard portez-vous sur le pacte État-métropoles destiné à soutenir les projets innovants ?

C'est cohérent avec ma conviction que le xxie siècle sera celui des villes qui sauront sortir des logiques trop jacobines.... Les lois Notre et Maptam ont reconnu le rôle des métropoles, c'est bien. Mais au-delà des mots, nous voulions des preuves. Ce pacte en apporte.

À Nantes, j'ai choisi de présenter le projet du Marché d'intérêt national (MIN) au titre des transitions alimentaire et écologique, mais aussi au titre de cette dimension novatrice qu'est l'Alliance des territoires. Et ce, pour plusieurs raisons : c'est un projet majeur du mandat avec un impact économique fort, parce qu'on oppose trop systématiquement urbain et rural à l'aide de caricatures, qui sont très éloignées de la réalité. Les sujets liés à la smart city, aux transitions écologique et alimentaire nous amènent à penser autrement les liens réciproques entre territoires urbains et ruraux.

Quelles relations entretenez-vous avec vos voisines Rennes, Brest, Saint-Nazaire et Angers ?

Au sein du Pôle métropolitain Loire-Bretagne, on parle beaucoup d'enseignement, de formation, de desserte du Grand Ouest. J'ai proposé que l'on y aborde deux sujets nouveaux : l'un sur les coopérations potentielles autour du numérique et l'autre sur un champ prospectif autour de l'Alliance des territoires, pour arrêter d'opposer urbain et rural. En 2018, avec Rennes, nous allons monter un événement autour du numérique à Paris. Nous avons fait le constat que sur certains segments nous avions des besoins communs de recrutement et allons chercher à attirer des talents dans le Grand Ouest.

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Commentaires 8
à écrit le 05/04/2017 à 13:29
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Nous annonce-t-elle qu'elle va rendre sa carte du parti socialiste, parce que l'apanage du socialisme/communisme, qui s'inscrit ainsi dans une tradition autoritaire et étatiste, reste quand même le chantre de la restriction des libertés :-)

le 06/04/2017 à 10:23
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Votre logiciel est daté.

le 08/04/2017 à 12:05
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@léo RB: daté mais pas obsolet comme le tien, parce qu'en France les socialistes utilisent les vieilles méthodes collectivistes d'Adolf, Benito et Joseph en faisant croire que c'est pour le bien public, mais qui en réalité vise à leur donner un pouvo...

à écrit le 04/04/2017 à 17:13
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Avec les néolibéraux du p"s" ou d'ailleurs c'est toujours plus de fracture territoriale (quelle langue de bois façon novlangue !) : la métropolisation, la mise en concurrence des territoires, le productivisme et la course à la rentabilité financière...

à écrit le 04/04/2017 à 14:38
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Ils sont gentils ces gens la, mais où sont les contres pouvoir ? Il est urgent que les élus ne puissent effectuer qu'un seul mandat de cinq ans, la ville ne leur appartient pas.

le 06/04/2017 à 10:25
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Pourquoi tant de haine ?

à écrit le 04/04/2017 à 10:35
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"Social écologie" veut dire quoi pour vous ? Que vous pensez chaque matin aux 56000 morts estimés en france chaque année du fait de la pollution ou bien c'est seulement un slogan creux lié à un dogme que vous rabâchez plus par manichéisme que par con...

à écrit le 04/04/2017 à 10:32
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Elle est pas contradictoire avec le nouvel aéroport voulu par son précurseur ?

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