Les coûts monumentaux de l'IA générative, un frein à l'émergence d'acteurs européens ?

Si l'IA générative représente avant tout une révolution technologique, elle se distingue surtout par l'utilisation inédite de ressources financières considérables. Son fonctionnement, qui nécessite une puissance de calcul immense pour entraîner les modèles d'IA sur des milliards de base de données, engendre des coûts d'exploitation sans précédent. Sam Altman, dirigeant d'OpenAI, a d'ailleurs annoncé que le développement de Chat-GPT pourrait nécessiter des levées de fonds atteignant 100 milliards de dollars dans les prochaines années.

Pour les start-ups européennes, être en mesure d'émerger et de rivaliser financièrement dans un marché déjà dominé par la Silicon Valley représente un défi de taille. D'autant plus que le contexte macroéconomique actuel n'est pas favorable aux valeurs « Tech » et qu'il n'est pas encore totalement démontré que les solutions d'IA génératives améliorent réellement la performance des entreprises. Pour les investisseurs européens, il s'agit donc d'un saut dans l'inconnu risqué alors que tout semble aller plus vite Outre-Atlantique.

Selon Bruno Le Maire, en 2022, alors que 50 milliards d'euro sont été investis aux États-Unis et 10 milliards en Chine, seulement 5 milliards l'ont été en Europe. Si le français Mistral AI, qui a récemment levé 385 millions d'euros, ou l'allemand Aleph Alpha, parviennent à tirer leur épingle du jeu, ils sont encore loin de pouvoir remettre en cause l'avance américaine. D'autant plus que le retard européen ne se limite pas à l'IA mais à tout le secteur de l'innovation. Comme souligné dans un rapport de l'Institut Montaigne paru en avril dernier, l'Union européenne investit cinq fois moins dans la R&D de ses entreprises privées que les États-Unis.

L'Union européenne doit s'appuyer sur sa principale force : ses talents hautement qualifiés

Les dirigeants français, italiens et allemands l'ont bien compris et ont récemment appelé à la formation d'un solide écosystème européen de capital-risque afin de permettre aux entreprises innovantes de recevoir le financement dont elles ont tant besoin pour accélérer leur croissance.

Le financement joue donc un rôle fondamental, mais il ne fait pas tout alors que le vrai nerf de la guerre est d'attirer les meilleurs talents. L'Europe est en avance sur ce point et elle est aujourd'hui la zone géographique qui concentre le plus d'ingénieurs hautement qualifiés dans l'IA générative. La proportion européenne d'experts en IA au sein de la population d'ingénieurs logiciel est de 30 % supérieure à l'américaine et trois fois supérieure à la chinoise, selon les données de la société de capital-risque Sequoia Capital.

Il est indispensable de conserver et de faire croître ces ressources en Europe et même d'attirer les ingénieurs africains et moyen-orientaux qui peuvent constituer une réserve importante et qualifiée de talents de plus en plus recherchés. Le plan d'action « IA-cluster » de France 2030 qui vise prioritairement à renforcer les pôles de formation et de recherche, va dans le bon sens en améliorant la capacité des acteurs privés à attirer les ingénieurs de haut niveau.

Pour rivaliser avec les géants américains du secteur dans les années à venir, l'enjeu sera donc double : ne pas se laisser distancer financièrement mais surtout préserver notre avance dans la guerre internationale des talents IA.