Notariat : entre rajeunissement de la profession et utilisation du numérique, l’analyse de Frédéric Ducourau

Entre rajeunissement et digitalisation, la profession de notaire entame sa mue. Pour s’en convaincre, deux facteurs, quoique distincts, sortent du lot. D’abord, le 117e Congrès des Notaires de France, qui se déroulera du 23 au 25 septembre 2021 à Nice, et dont l’édition de cette année s’attellera à étudier l’impact du digital sur les règles de droit. D’autre part, la « loi Macron » du 6 août 2015 qui ouvre une nouvelle voie d’accès à la profession de notaire, et donc à son rajeunissement. Le point sur le sujet avec Frédéric Ducourau, notaire collaborant depuis plus de 20 ans avec Alexandre Moreau-Lespinard dans la région d'Arcachon.
(Crédits : DR)

Le rajeunissement inéluctable de la profession de notaire

Nous vous le disions, la loi dite Macron, ou plus précisément la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, a ouvert une nouvelle voie d'accès à la profession de notaire. Rien qu'en 2017-2018, elle a permis la nomination de près de 1 600 nouveaux notaires libéraux dans un office créé. Une année plus tard, environ 700 nouveaux notaires sont venus s'ajouter au lot. Si la loi Macron a autant contribué à l'installation de nouveaux notaires en France, c'est en grande partie grâce à la simplicité et à la transparence de la méthode qu'elle instaure.

Concrètement, la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice, qui régit la profession de notaire, a mis en place un portail de téléprocédure comme le précise Frederic Ducourau. Ce dernier permet à toute personne de nationalité française, remplissant les différentes conditions (diplôme, honorabilité, expérience...), de demander sa nomination dans un office à créer dans l'une des « zones de libre installation ». Rappelons que celles-ci sont identifiées par arrêté conjoint du garde des sceaux et du ministre de l'Économie et des Finances. Les demandes saisies sur le portail sont traitées dans le respect de l'ordre chronologique de dépôt. Eu égard aux nominations, elles sont fonction du nombre d'offices créés ou de nouveaux professionnels convenus pour chaque zone concernée. Une attention particulière est accordée à l'égalité des chances. Ainsi, un tirage au sort est organisé pour déterminer l'ordre spécifique d'instruction pour les zones où le nombre de demandes est supérieur au nombre de nouveaux offices à créer. Ce tirage concerne toutes les demandes déposées au cours des 24 premières heures suivant la date d'ouverture des candidatures. Pour garantir une parfaite transparence de la procédure, le tirage au sort est effectué dans le respect de l'anonymat, et en présence des représentants du Conseil supérieur du notariat, de l'Autorité de la concurrence et de la Chancellerie. Tout cela a logiquement concouru au rajeunissement de la profession de notaire en France, mais aussi à son renforcement. D'autant plus que la mise en œuvre du processus de nomination et de création a été fidèle au calendrier annoncé. Et cela malgré les difficultés liées au contexte de crise sanitaire à partir de mars 2020, constate Frédéric Ducourau.

Depuis maintenant un peu plus de 5 ans, la profession s'est engagée sur la voie de l'ouverture. Un mouvement qui s'est concrétisé par l'installation, pour la première fois, de 87% des notaires nommés dans un office créé comme notaires libéraux. Ces notaires ont un âge moyen inférieur à 40 ans, et sont majoritairement des femmes avec 67% des nominations.

Notariat : la révolution digitale est en marche

Du 23 au 25 septembre 2021, se tiendra le 117e Congrès des Notaires de France, le plus ancien congrès professionnel français, sous le thème « Le numérique, l'Homme et le droit ». L'édition de cette année s'intéressera à un élément central de l'évolution de la profession de notaire, à savoir l'impact de la révolution digitale, non seulement sur le métier, mais plus pertinemment sur les règles de droit.

Cela part d'un constat d'apparence simple : le monde évolue plus rapidement que la législation. Pour Olivier Herrnberger, président du Congrès des Notaires de France, plusieurs travaux se sont penchés sur le numérique en tant qu'outil qui a permis aux notaires de continuer à exercer durant les confinements, notamment le télétravail. Un autre sujet de réflexion, d'importance au moins égale, mérite l'attention des professionnels du secteur. Il s'agit, selon M. Herrnberger, de « l'interaction entre le monde numérique, la dématérialisation et le contenu de la règle de droit ». Le président du Congrès des Notaires de France continue en expliquant : « nous nous intéressons plutôt à l'interaction de ces outils, non pas avec les méthodes de travail, mais avec le contenu même de la règle de droit, afin de voir dans quelle mesure les outils sont susceptibles de modifier la règle de droit elle-même ». Contrairement à ce que l'on pourrait penser, nous dit Frederic Ducourau, la profession de notaire cultive une certaine avancée technologique depuis 2008. Aujourd'hui, l'acte électronique est en vigueur dans la grande majorité des études. On parle de près de 90% d'actes signés sur support électronique. C'est fort de ces avancées que le congrès souhaite aller sur le terrain de la règle de droit, soulevant ainsi des questions qui relèvent du champ de la mécanique de droit.

A ce propos, Olivier Herrnberger rappelle que « la technologie, c'est une chose, mais le vrai challenge qui est posé aujourd'hui aux juristes et professions du droit, ce n'est pas qu'une question d'outils et de méthodes de travail ni de dématérialisation des échanges et des contrats. C'est de savoir si cela va impacter les règles de droit qui participent elles-mêmes de la constitution d'un contrat ou de son exécution ». L'une des vraies questions auxquelles devra répondre la profession est celle du processus de formation et d'exécution du contrat. Autrement dit, la révolution technologique remet-elle en question les conditions de validité d'un contrat ou d'un échange de consentement ? Au stade où en sont les choses, la règle de droit est-elle capable d'intégrer les nouvelles manières de faire des contrats, d'échanger ? Et puis quid de l'intelligence artificielle qui, tôt ou tard, fera son entrée dans le domaine du droit ? Quelle sera la contribution de l'IA en matière de définition des règles de droit et de leur utilisation ? Autant de questions auxquelles fait face la profession de notaire aujourd'hui et qui seront débattues lors du 117e Congrès des Notaires de France.

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