Anne Quéméré, une femme solaire dans l’Arctique

Fin juin, la navigatrice Anne Quéméré se lancera dans une incroyable expédition polaire solaire en solitaire. Une première mondiale que l’aventurière envisage avec une grande sérénité. Force d’une personnalité multi « recordwoman ».
Valérie Abrial
Anne Quéméré se lancera dans la première expédition solaire polaire en solitaire à la fin du mois de juin à Tuktoyaktuk sur les rives de la mer de Beaufort dans les territoires du Nord-Ouest du Canada pour rejoindre Pond Inlet, au nord-est du pays.
Anne Quéméré se lancera dans la première expédition solaire polaire en solitaire à la fin du mois de juin à Tuktoyaktuk sur les rives de la mer de Beaufort dans les territoires du Nord-Ouest du Canada pour rejoindre Pond Inlet, au nord-est du pays. (Crédits : DR)

Aventurière au long cours, tout à la fois intrépide et prudente, Anne Quéméré est l'une des rares femmes navigatrices à avoir remporté de nombreux records mondiaux.

En 2002, elle réalise son premier record avec sa première transatlantique à la rame en solitaire et sans assistance en 56 jours ; en 2004, elle s'attaque à l'Atlantique Nord, en aviron, toujours en solitaire et sans assistance et réalise un nouveau record du monde en parcourant 6450 km en 87 jours. Deux ans plus tard, elle y retourne mais à bord d'un « kiteboat », un petit prototype tracté par une aile de kite ; c'est une première mondiale qu'elle réalise en 55 jours. De record en record, Anne Quéméré multiplie les expéditions et les exploits et ne renonce jamais à recommencer même lorsqu'en novembre 2008, alors qu'elle tente de traverser le Pacifique avec son « kiteboat », elle est victime d'une avarie ; récupérée heureusement saine et sauve par un paquebot. Les images du sauvetage ont fait le tour du monde. Un monde qui découvrait une incroyable femme, d'un courage et d'une ténacité à toute épreuve ; ce qui, pour Anne Quéméré, ne relève pas tout à fait de bravoure mais s'explique tout simplement par une enfance passée dans sa Bretagne natale auprès d'un père navigateur expérimenté. En bref, rien d'extraordinaire à cela pour la navigatrice, « c'est même logique quand on a passé ses premières années sur l'eau », précise-t-elle.

Aventurière en toute modestie

Bien souvent désarmante, la modestie des âmes aventurières révèle des destins qui finalement s'affirment tout tracés. L'histoire d'Anne Quéméré est de celle-là. Celle d'une petite fille dévorant les livres d'aventure piochés dans la bibliothèque familiale ; les récits de Jule Verne, Paul-Emile Victor, Jack London ou encore Antoine de Saint-Exupéry lui ont transmis un goût de l'aventure et des défis qui forgeront son caractère mais surtout lui offriront des rêves qui ne la quitteront jamais. Et même si, jeune étudiante, Anne part s'installer aux Etats-Unis pour travailler dans le tourisme pendant une dizaine d'années, l'onirisme de l'inconscience a toujours fait partie du voyage ; « les empreintes de la mémoire » comme elle aime à raconter, sont indélébiles d'une histoire. Ces empreintes ressurgissent parfois, à l'instar d'un vent nouveau, parfois d'une tempête qui nous oblige à changer de cap. Et puis, il arrive parfois, qu'à force de courir, on ne sait plus après quoi on court ; ce sont ces fameuses courses folles que l'on peine à arrêter alors que l'on a aucune destination en vue. Jusqu'au jour où on dit stop, tout simplement parce qu'on en a marre, et que le désir de vivre pleinement sa vie en y retrouvant du sens est plus fort que tout. Cet épisode-là fait aussi partie de l'histoire d'Anne Quéméré. Lorsqu'elle quitte les Etats-Unis pour revenir en Bretagne, elle renoue spontanément avec l'océan comme une évidence : traverser l'Atlantique à la rame et en solitaire ; c'était ça le rêve ! Il fallait juste se lancer.

La quête de soi et du sens

Ce que fait Anne Quéméré après deux ans de minutieuses préparations. Car c'est sur l'océan qu'elle se sent à sa place, à l'endroit où elle peut se réaliser et où elle n'a jamais cessé de relever des défis. Des défis risqués et mesurés certes mais qui de temps à autres frôlent le danger imminent, celui qui mène parfois à la déraison, l'angoisse emportant tout sur son passage. Sensation vécue par la navigatrice en 2011 qui, à cause d'une panne de radio satellite, poursuit sa course sans contact avec le monde et le monde sans contact avec elle. Deux mois d'une solitude absolue, dont seul le lâcher-prise et l'acceptation des choses prendront le dessus sur l'appréhension et la peur d'une catastrophe en devenir. 78 jours après son départ, Anne Quéméré, à bord de son « kiteboat » vient à bout de sa traversée du Pacifique et réalise un nouveau record mondial. Et quand on lui demande si la maîtrise de la peur est un état d'esprit qui n'appartient qu'aux aventuriers, la réponse fuse : « non, je me considère vraiment comme madame Tout le monde. Oui j'ai des moments de doute et de peur, heureusement d'ailleurs car la peur nous permet de rester en vie. Parfois des situations nous dépassent, ou la nature nous montre son visage le plus âpre ; il faut alors contrôler cette peur pour qu'elle ne devienne pas panique et dans ce cas on fait appel à l'instinct que nous avons nourri par l'expérience et qui nous permet de gérer au mieux des situations parfois compliquées. Et puis, les moments difficiles ne durent pas ; ils finissent par être gommés par les incroyables moments heureux qui s'ensuivent. C'est ça qui fait que chaque fois, j'ai envie de repartir ». Une belle leçon de vie. Leçon dont la navigatrice s'enrichit à chaque traversée et tout particulièrement durant la première où elle se rend compte que ce qui était considéré comme un défaut à terre devient une qualité indéniable en mer. « Je suis quelqu'un d'assez obstinée, parfois opiniâtre, on me la reprochée lorsque j'étais enfant, mais en mer, c'est grâce à cela que je me suis acharnée ; cela m'a permis de cheminer au jour le jour pour arriver à destination. La mer m'a permis de transformer mes défauts en force, en la maitrisant parfaitement pour ne pas l'abîmer ».

Arctic Solar

Première expédition polaire solaire

Et puis, il y a la magie des rencontres. Comme celle avec l'explorateur suisse Raphaël Dojman qui tout comme Anne l'avait déjà tenté en aviron en 2014, a pour objectif de traverser le passage du Nord-Ouest dans l'Arctique à bord d'un kayak solaire. Ce qu'ils feront ensemble en 2015 chacun dans une embarcation, l'une propulsé à l'énergie solaire, celle de Raphaël, l'autre par la force des rames manipulées par Anne. Les conditions météos défavorables conduisent le duo à abandonner l'expédition, mais pas le rêve. Pour naviguer au long cours, « il faut aimer l'imprévu et ne pas le considérer comme un obstacle, poursuit Anne Quéméré. L'imprévu c'est aussi la porte ouverte à d'autres possibilités, c'est ce qui nous permet souvent d'avancer».

Aujourd'hui, Anne Quéméré termine les préparatifs de sa prochaine traversée. Elle a décidé de repartir dans l'Arctique et d'affronter à nouveau le légendaire Passage du Nord-Ouest, en solitaire et en autonomie totale sur son Arctic Solar baptisé Icade, du nom du sponsor qui l'accompagne depuis des années. C'est la première expédition solaire polaire au monde. Un périple qui ne peut se réaliser que pendant le bref été arctique de juillet à septembre, lorsque la fonte des glaces offre momentanément une voie entre la Mer de Beaufort et le Détroit de Lancaster. Une traversée périlleuse : 3500 km dans une nature parfois hostile, au cœur d'une météo souvent capricieuse. « Dans l'Arctique, tant que les glaces sont là, personne ne rentre, personne ne sort. On a cette inconnue qui est le facteur météo et qui fait qu'aujourd'hui, je ne connais pas la date exacte de mon départ du port du Tuktoyaktuk dans le nord-ouest du Canada, car il dépend de la fonte des glaces. Ce qui m'intéresse plus que tout dans cette traversée, c'est la nouveauté de l'expédition. Les panneaux solaires qui équipent mon bateau sont révolutionnaires, c'est la première fois qu'ils sont utilisés, ils n'existent pas sur le marché aujourd'hui. L'enjeu de breveter cette création est une grande motivation et l'idée que l'industrie aéronautique puisse s'y intéresser et le construire à plus grande échelle m'anime pleinement. Ca m'intéresse d'être le cobaye d'un produit qui sera sans doute grand public ».

Aider à sauver la planète

Imaginer un petit bateau silencieux, qui ne dérange en rien la faune dans laquelle il se déplace, c'est comprendre l'outil incroyable que l'Arctic Solar peut être pour observer la nature d'aussi près. « Je vais me retrouver dans une région qui est extrêmement peu fréquentée même si quelques voiliers vont franchir le passage cet été. Mais, seule, je serai focalisée tout le temps sur ce qui se passe autour de moi et en capterai des images avec mon appareil photo et ma caméra pour pouvoir les partager avec tous. C'est important aussi de montrer la magie de cette région qui n'est pas si loin de nous et qui, si elle est la première à souffrir du réchauffement climatique, possède encore un environnement fantastique ».

Témoigner de la beauté du monde pour le préserver et contribuer à le faire changer de cap face aux dangereuses transformations du climat. Faire en sorte, que par l'utilisation de l'énergie solaire, par définition non polluante et silencieuse, le monde de demain ne pourrait que s'en porter mieux. C'est démontrer que l'innovation, comme celle d'Arctic Solar, participe à sauver la planète.

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A la fin du mois de juin, Anne Quéméré se lancera dans la première expédition polaire solaire en solitaire et sans assistance à bord d'Artic Solar by Icade. La Tribune suivra cette traversée hors-norme et relayera les avancées de la navigatrice sur latribune.fr

Valérie Abrial

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