Netflix : « Nous pensons séduire un foyer français sur trois en cinq ans »

De passage à Paris pour le lancement en France de son service, Reed Hastings, le cofondateur et directeur général de l’entreprise américaine qui s’est imposée comme le leader mondial de la vidéo à la demande, explique ses ambitions et sa vision du marché de la télévision.
Reed Hastings, le cofondateur et directeur général de Netflix.

Vous avez réussi à créer un énorme buzz, mais cela suffira-t-il pour recruter massivement ?

L'accueil a été fantastique en France jusqu'ici, avec beaucoup de réactions positives sur Twitter par exemple. Nous lancerons une grande campagne publicitaire sur Internet et à la télévision principalement. Nous voulons d'abord que les Français entendent parler de nous et nous essaierons de les convaincre d'aller s'inscrire pour un mois d'essai gratuit, c'est sans engagement, plutôt que de décrire notre service. Ils pourront juger sur pièce et voir comme il est facile d'utilisation. Et demain, nous lançons notre service en Allemagne, le jour d'après en Autriche, puis en Suisse, en Belgique.

D'après ce que nous avons vu dans les autres pays où nous sommes présents, si beaucoup de gens essaient, à titre gratuit le premier mois, ils sont nombreux à rester ensuite. Les autres reviennent souvent trois à six mois plus tard. C'est un peu comme l'iPhone à ses débuts, il était vraiment cool mais ne marchait pas si parfaitement que ça. Nous essayons d'améliorer constamment notre service.

Beaucoup de voix s'élèvent depuis ce matin pour dire que votre catalogue est décevant, faut-il le modifier ?

A chaque fois, avant le lancement, tout le monde pense que Netflix sera comme Deezer et Spotify, où l'on trouve toutes les musiques, puis s'étonne en découvrant que tous les films ou séries ne sont pas disponibles. C'est compréhensible, on s'est habitué à toujours tout trouver sur le Web, sur Amazon pour les livres, sur Google pour les documents, etc. Mais cela ne nous a jamais pénalisé dans les autres pays, depuis que nous avons lancé notre service de streaming il y a sept ans. Et nous continuerons d'améliorer notre catalogue, de mieux adapter les contenus au public français, comme dans chaque pays.

Quelles catégories de public visez-vous, les jeunes, les familles ?

Tous ceux qui sont sur Internet et aiment les séries TV ! C'est une cible assez large, qui recouvre toutes les catégories de populations. Presque tout le monde peut s'offrir l'abonnement, à 7,99 euros c'est vraiment très abordable. Nous avons une très bonne sélection pour enfants, nous avons aussi beaucoup de choses pour les adolescents, pour les personnes âgées. Généralement, les premiers abonnés sont des hommes jeunes, prompts à tester les nouveautés, puis le public s'élargit rapidement aux familles, car c'est vraiment facile d'utilisation.

Quels sont vos objectifs de conquête commerciale ?

Nous espérons séduire un tiers des foyers français, soit autour de 8 millions de ménages d'ici cinq à dix ans. Aux Etats-Unis, nous avons mis sept ans à atteindre ce seuil d'un foyer sur trois. Nous n'y sommes pas encore dans les pays européens où nous nous sommes lancés il y a trois ans, le Royaume-Uni et les pays scandinaves, mais nous progressons bien.

En général, les recrutements sont assez lents l'année du lancement, le public apprend à nous connaître et nous cherchons surtout à nous constituer une bonne réputation. Ensuite la croissance peut décoller la deuxième et la troisième année. L'objectif est d'être rentable un jour, ce n'est pas grave si cela prend environ deux ans. Nous ne le sommes pas encore dans les marchés européens déjà ouverts mais nous sommes sur les bons rails pour y arriver.

Allez-vous gagner des clients en grignotant les parts de marché des autres, Canal Plus  ou le bouquet OCS d'Orange ?

Aux Etats-Unis, où nous avons désormais 36 millions d'abonnés, la chaîne payante HBO n'a pas moins de clients depuis notre arrivée, elle en a gagné environ 20% de plus en cinq ans. Certes notre croissance a peut-être été plus rapide, mais nous n'avons pas mangé dans sa part de marché, nous avons crû tous les deux, HBO n'est pas plus petit qu'avant.

Canal Plus sera probablement notre principal concurrent, car l'essentiel de la compétition se fait sur les contenus, comme on le voit dans le sport, où il bataille contre BeinSport. Nous nous cantonnons au cinéma et aux séries, nous n'irons jamais sur le sport, qui est un business différent, et très coûteux. Nous pensons nous différencier avec nos nombreuses séries uniques comme « Orange is the New Black », « Hemlock Grove », etc.

Je ne pense pas que Canal Plus ou Orange doivent être inquiets : s'ils font du bon travail, s'ils ont des contenus de qualité, il y aura un marché pour eux. Nous sommes un service additionnel et c'est tellement peu cher, à 7,99 euros, que cela ne conduira pas les consommateurs à modifier leurs dépenses.

Les prix, de 7,99 à 11,99 euros, ne sont-ils pas malgré tout élevés pour un public français qui ne paie que 30 euros par mois en moyenne son forfait triple-play, voire moins ?

Notre offre est sans engagement et le prix est très abordable quand on voit que l'abonnement à Canal Plus coûte 30 à 40 euros par mois. Son service Canal Play est moins cher mais il n'y a pas autant de contenus. Nous pensons que nous aurons beaucoup de succès en France mais cela prendra environ deux ans. Nous sommes très patients mais confiants car l'essor de la télévision sur Internet est inéluctable : c'est ce que réclament les gens, ils veulent voir les contenus à la demande et contrôler ce qu'ils regardent.

Après Bouygues Telecom, avec lequel vous venez d'annoncer un accord, serez-vous disponible sur les Box des autres opérateurs, qui réclament des commissions plus généreuses ?

Nous n'avions jamais réussi à nouer un tel accord avec un fournisseur d'accès Internet au lancement ! Au Royaume-Uni, nous avons mis deux ans à conclure, avec Virgin Media. Aux Pays-Bas, un an après le lancement, nous n'avons toujours aucun accord avec un opérateur. La France n'est pas le seul pays à reposer fortement sur les Box, c'est le cas un peu partout en Europe, sauf en Allemagne.

C'est donc fantastique pour nous d'avoir conclu cet accord au moment du lancement en France avec Bouygues Telecom [qui sera effectif en novembre NDLR]. Nous discutons avec les autres FAI français, SFR, Free, Orange, cela prendra peut-être du temps - aux Etats-Unis nous discutons depuis cinq ans avec Comcast [le premier câblo-opérateur] et nous n'avons toujours pas abouti à un accord ! C'est tout simplement une question d'argent mais à 7,99 euros, il n'y a pas beaucoup d'argent à partager avec les opérateurs ! Les autres FAI sont tous plus gros que Bouygues Telecom, que nous allons aider à croître. Cela aidera sans doute si Bouygues Telecom, qui est innovant avec sa future Box Android, réussit à gagner des parts de marché sur les autres opérateurs. Proposer Netflix, quand le service sera connu, peut s'avérer un atout car c'est un symbole qui prouve que l'opérateur adhère à la vidéo sur Internet plutôt qu'il ne la combat.

Comment la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication vous a-t-elle accueilli ?

Fleur Pellerin m'a appelé hier, dimanche, et elle m'a reçu au ministère. Son principal message est que la production de notre série « Marseille » en France est un bon début mais il faut que nous en fassions plus. Nous lui avons répondu que c'était un début très coûteux [le budget de production des 8 épisodes est estimé autour de 10 millions d'euros, NDLR] et que nous devions d'abord voir si c'était un succès avant d'en faire plus.

Avez-vous parlé d'une évolution de la « chronologie des médias », qui ne permet de diffuser les films en vidéo à la demande par abonnement que 36 mois après la sortie en salles ?

Nous ne sommes pas directement impliqués dans les discussions sur la chronologie des médias [qui dépend d'un accord interprofessionnel NDLR], qui ne concerne que les films et pas les séries. En Belgique, nous pourrons avoir des films récents, mais pas en France, à cause de la chronologie. Nos abonnés regardent un peu plus de séries mais beaucoup de films aussi. Le problème, c'est que le piratage, lui, n'est pas soumis à la chronologie des médias ! Donc nous nous concentrerons sur les séries TV. Nous n'allons pas faire de lobbying en France sur le sujet. Si nous avons du lobbying à faire en Europe, ce sera au niveau de l'Union européenne. Notre siège européen sera officiellement transféré du Luxembourg à Amsterdam le 31 décembre, où nous avons déjà notre équipe d'une vingtaine de personnes. Quant à la TVA, les règles ont changé au niveau européen et nous la paierons bien en France pour ce qui est de clients français.

Pensez-vous vraiment que la TV traditionnelle sera morte dans 20 ans ?

J'ai fait effectivement cette prédiction que la télévision linéaire aura disparu dans deux décennies. Les gens veulent vraiment pouvoir regarder les séries à la demande, selon leur programme à eux, comme ils peuvent lire quand bon leur semble un livre acheté en librairie. Il y aura des chaînes mais elles seront sur Internet, comme le service HBO Go ou BBC iPlayer, elles se seront converties à la télévision sur Internet.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 17/09/2014 à 7:05
Signaler
Quand je vais chez ma fille à SF, si je veux regarder un film, il y a du choix, mais qu'est-ce que c'est ringard. Très peu de film récents. Beaucoup de films de 2ème ou 3ème série . Vous mettez des plombes avant d'arrêter votre choix. Pour ma part, i...

à écrit le 17/09/2014 à 6:36
Signaler
C'est vrai que Netflix fait peur, pas pour rien que nos intellectuels sans talents se battent pour notre "spécificité culturelle" c'est quand même leur rente qui pourrait être remise en cause.

à écrit le 16/09/2014 à 12:34
Signaler
vive ... les 35H de TV par semaine !

à écrit le 16/09/2014 à 12:34
Signaler
vive ... les 35H de TV par semaine !

à écrit le 16/09/2014 à 12:00
Signaler
vu le nombre de chômeurs qui augmente de jour en jour .... on va pouvoir regarder la TV en mangeant des pop-corn s ... salés!!!!! ... et bouffe à 1er prix !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

à écrit le 16/09/2014 à 11:18
Signaler
question ... quel est le contenu ???????

à écrit le 16/09/2014 à 11:13
Signaler
qui va séduire la moitié des foyers français dans 3 ans ? y a de quoi faire une super série dramatique française avec notre vie politique.

à écrit le 16/09/2014 à 11:00
Signaler
Cela vat etre dure pour NETFLIX de se battre contre les supers programmes français M6 avec recherche appartement ou maison a vendre la famille DRUCKER qui squate depuis des décennies la super production d'action plus belle la vie sans compter qu'il f...

le 16/09/2014 à 11:52
Signaler
je ne comprends pas pourquoi les films coupent la publicité !

à écrit le 15/09/2014 à 20:27
Signaler
Non monsieur l'agent .... je n'ai pas de TV simplement un ordinateur ! Alors votre votre redevance ... on va oublier !!!!!!!!!!!!! (l'avenir et votre mutation des fréquences TNT )

à écrit le 15/09/2014 à 19:57
Signaler
1 foyer sur 3 dans 5 ans ???? Il faut qu il arrête les médocs !! 3% dans 5 ans ce serait déjà bien

le 15/09/2014 à 20:16
Signaler
la France n'est pas nombril du monde loin de là !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.