Réseaux sociaux : près de trois entreprises sur quatre ont déjà sanctionné pour usage abusif

A l'heure où les réseaux sociaux triomphent dans la communication d'entreprise, les employeurs se retrouvent aussi de plus en plus souvent confrontés à leur usage abusif, constate une enquête internationale. Ils organisent alors leur réponse, cumulant prévention et répression.
Giulietta Gamberini
La formation offerte par les entreprises à leurs salariés en matière d'usage approprié des réseaux sociaux est insuffisante, alors que son impact pourrait être majeur, souligne l'enquête. (Photo: Reuters)

Au fur et à mesure que l'utilisation des réseaux sociaux devient une réalité incontournable, encadrer leur usage abusif s'impose comme une nécessité pour les entreprises et se transforme en pratique courante. C'est le constat qui ressort d'une enquête internationale, réalisée par le cabinet d'avocats Proskauer fin 2013-début 2014 auprès d'une centaine de sociétés, réparties dans 17 pays et trois continents.

Un nouveau risque

Près de neuf entreprises sur dix déclarent désormais utiliser un ou plusieurs réseaux sociaux à des fins professionnelles, révèle en effet l'étude. Et elles ne sont que 5% à considérer qu'autoriser l'accès des employés à ces sites sur le lieu de travail représente un inconvénient que ce soit pour un usage à des fins professionnelles comme personnelles.

En conséquence, pour la première fois depuis l'élaboration de ce baromètre, initié en 2011, plus de la moitié des entreprises admettent avoir été confrontées à une utilisation inappropriée des réseaux sociaux. Huit sur dix estiment ainsi que cet enjeu représentera un problème d'encore plus grande envergure à l'avenir.

Surveillance et mesures disciplinaires

Les employeurs s'organisent alors pour encadrer ce moyen de communication à double tranchant, outil de participation des salariés mais dont le potentiel de diffusion est aussi large que permanent, montre l'enquête. Le nombre d'entreprises affirmant avoir déjà recouru à une mesure disciplinaire à l'encontre d'un employé pour utilisation abusive des réseaux sociaux a notamment doublé en moins de deux ans: elles sont 71% en 2014, contre 35% en 2012.

Cependant, avant de sanctionner, les employeurs recourent aussi massivement à la prévention. Quatre sur dix affirment surveiller l'utilisation des réseaux sociaux sur les lieux de travail, ce que la plupart des législations permettent à condition qu'il s'agisse de matériel fourni par l'entreprise et que les exigences relatives à la protection de la vie privée et des données personnelles soient respectées.

Des règles de plus en plus étendues en dehors du travail

36% des entreprises vont aussi jusqu'à bloquer activement l'accès à ces sites sur le lieu de travail: 10% de plus qu'en 2012. Mais, surtout, les employeurs recourent de plus en plus à des moyens contractuels: près de 79% des sondés ont ainsi adopté des directives encadrant l'utilisation des réseaux sociaux, contre 69% en 2012, et plus de la moitié ont mis à jour de telles chartes.

Les règles visent essentiellement à protéger l'entreprise d'une utilisation abusive des informations confidentielles (80%), d'une fausse image (71%), mais aussi d'une utilisation professionnelle inappropriée (67%), voire de formes de harcèlement entre collègues (64%) ou de commentaires désobligeants contre la structure ou les employés (64%).

Pour une entreprise sur deux, en outre, ces chartes s'appliquent aussi en dehors du lieu de travail. Une manière de sensibiliser les salariés à leur obligation de loyauté vis-à-vis de l'employeur, à pondérer néanmoins avec les exigences imposées par la liberté d'expression, explique l'avocat Cécile Martin, de Proskauer. Elle souligne:

"Si la tentative de contrôler l'utilisation des réseaux sociaux en dehors du temps de travail est moins marquée en France, elle est de plus en plus présente dans les pays anglosaxons".

Des formations insuffisantes

En revanche, deux facteurs semblent être sous estimés par les employeurs, note l'étude. Tout d'abord, alors que les anciens salariés sont reconnus être les auteurs de l'utilisation impropre des réseaux sociaux dans 16% des cas, et que l'employeur ne dispose plus d'aucun moyen de sanction à leur encontre (sauf recourir au tribunal correctionnel), seules 17% des entreprises intègrent dans leurs clauses de rupture des dispositions de protection spécifiques à l'utilisation des social networks.

Pire, peu plus d'un tiers des entreprises offrent à leurs salariés une formation sur l'usage approprié des réseaux sociaux. Pourtant, Cécile Martin observe:

"Dans nombre d'affaires ayant donné lieu à des décisions de justice, on se rend compte que le salarié ne savait même pas comment paramétrer son compte".

 "On ne peut pas tout régler en l'avance, par le moyen contractuel", remarque aussi l'avocat, qui insiste sur l'utilité d'une culture du dialogue.

Une législation évolutive

Autre démarche indispensable pour les entreprises: vérifier la conformité de leur charte aux législations nationales, qui évoluent non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps, suggère l'étude.

Et quant à la tentation croissante pour les entreprises d'utiliser les réseaux sociaux afin de recueillir des informations sur le salarié, pour décider par exemple si le recruter ou si adopter une mesure disciplinaire à son encontre, le baromètre invite à la plus grande prudence. Si la plupart des législations n'interdisent pas une telle enquête, le risque qu'elle débouche sur une violation de la vie privée, voire une discrimination, peut difficilement être écarté.

Giulietta Gamberini

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