Ces robots qui vont changer votre vie

DOSSIER. Au bureau, dans les écoles, dans les magasins, en ville, à la maison, l'intelligence artificielle et les robots investissent peu à peu toutes les sphères de la vie privée et professionnelle.
Les robots humanoïdes représentent un marché mondial que le cabinet Reports nReports évalue à 320 millions de dollars pour 2017 avec une projection à 4 milliards d'ici 2023.
Les robots humanoïdes représentent un marché mondial que le cabinet Reports nReports évalue à 320 millions de dollars pour 2017 avec une projection à 4 milliards d'ici 2023. (Crédits : Reuters)

Au New York Stock Exchange (NYSE), chaque jour la séance de trading démarre et se clôture avec la traditionnelle sonnerie de quatre cloches. Appuyer sur le bouton qui les commande est un honneur accordé à certaines personnalités. Le 17 octobre dernier, le « Guest Ringer » fut le cobot [robot collaboratif, ndlr] UR5e d'Universal Robots. En ce moment, au Printemps Haussmann, à Paris, le cobot YuMi d'ABB dédicace jusqu'en décembre les cartes postales que lui tendent les visiteurs. À New York, le studio de design Breakfast robotise des centaines de modules pour constituer un mur mouvant qui exprime des émotions artistiques. De quoi définitivement ringardiser tous les murs en parpaing ou en briques !

À la maison, à l'école, au bureau, dans les magasins, les transports, l'espace urbain... l'intelligence artificielle et la robotique de service investissent tous les secteurs d'activité, toutes les sphères de la vie privée, professionnelle ou citoyenne, avec un rythme d'adoption encore jamais vu. Selon Statista, ce marché devrait générer d'ici à 2030 un chiffre d'affaires cumulé de 563,2 milliards de dollars dans le monde.

Attraction marketing ou récolte de données ?

Les robots humanoïdes représentent un marché mondial que le cabinet Reports nReports évalue à 320 millions de dollars pour 2017 avec une projection à 4 milliards d'ici 2023, en croissance de 52,1% par an. Une accélération qui s'explique par l'intégration de fonctionnalités avancées, notamment le machine learning et le deep learning via le cloud. Principal intérêt : autonomiser l'accueil ainsi que le guidage des personnes et composer des réponses personnalisées.

Un scénario qu'expérimente le voyagiste allemand TUI. À l'instar de l'aéroport de Munich, son bureau de Stockholm a ainsi « embauché » en août dernier son premier robot-assistant. Il s'agit plus précisément du célèbre robot Pepper du japonais Softbank Robotics, vendu à 12.000 exemplaires en Europe, selon Forbes. Affecté au service Analyse de données et apprentissage automatique, ce nouveau collaborateur s'est vu affecter une fiche de poste et des objectifs individuels. Parmi les tâches qu'il a à accomplir, il lui faut répondre aux questions des visiteurs et des clients mais aussi prêter main-forte aux services informatique et financier en automatisant des tâches répétitives de sorte que ses collègues dégagent du temps pour créer de la valeur.

Softbank est concurrencée par le français Cybedroïd. Basée à Limoges, cette startup de 14 personnes, créée en 2011, conçoit et fabrique ses propres robots. Pour financer son activité, l'entreprise a levé un peu plus d'un million d'euros.

Elle dispose aujourd'hui deux gammes différentes de robots, en l'occurrence Leenby et Alice. Mobiles sur roulettes et autonomes, ils voient, entendent, parlent, se déplacent et saisissent même des objets. Avant d'être mis en service auprès d'un client (entreprises ou particuliers), ils sont préalablement paramétrés en fonction du besoin exprimé. Mais rien n'est facile :

« En France, le déploiement de robots de service se heurte actuellement au refus des assureurs de les assurer, contrairement aux robots industriels pour lesquels il existe un cadre juridique en cas d'accident », soulève Fabien Raimbault, PDG de la société Cybedroïd.

Néanmoins, « grâce à leur intelligence embarquée, ils peuvent être connectés à des systèmes externes d'intelligence artificielle tels qu'IBM Watson », indique Fabien Raimbault qui, au bout de sa sixième génération d'humanoïdes devrait passer à l'industrialisation l'an prochain afin de baisser les prix de vente.

Des déploiements qui réclament un travail interdisciplinaire

C'est d'ailleurs la plate-forme Leenby de Cybedroïd qu'a choisie Inbenta, une société hispano-californienne (15 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 2017 ; 160 salariés) pour y implémenter ses algorithmes de traitement automatique du langage (TAL).

« À la différence des humanoïdes à tablette [comme Pepper, ndlr], dont l'écran perturbe l'interaction homme-machine, Leenby [qui n'a pas d'écrans] développe une vraie relation. Notre cobote comprend le langage humain, reconnaît à son visage qu'un interlocuteur lui pose une question, souligne Luc Truntzler, directeur de la filiale française d'Inbenta. Elle répond en synthèse vocale avec une véritable prosodie (inflexion, ton, tonalité, accent...) et une gestuelle appropriée. Nous utilisons les mêmes logiques de conversation que ce que nous avons appris avec nos chatbots sur les canaux du Web, du téléphone et des SMS. Le robot devient alors un nouveau canal d'échange. »

Avec un budget total de 90.000 euros, Inbenta France prépare actuellement l'expérimentation de Leenby dans la plus grosse agence bancaire du Crédit Agricole à Toulouse. Laquelle a débuté pour six mois depuis janvier afin de faire revenir les visiteurs dans le réseau physique, en particulier les jeunes.

Comme Pepper chez TUI, Leenby sera un véritable outil phygital [à la fois physique et digital] chargé d'accueillir et conseiller les visiteurs. Elle va leur expliquer comment ouvrir un compte, déposer un chèque, augmenter le plafond de sa carte bancaire, comment postuler... Elle répondra aussi à des questions plus personnelles du type : « Est-ce que tu vas remplacer des jobs humains ? » Inbenta espère mettre au point de nouvelles interactions face au comportement des visiteurs.

« Avec le callbot [chatbot par téléphone], nous sommes rendu compte que les gens coupent la parole au robot. Ce qui n'arrive pas sur le Web avec le chatbot. C'est ce type de phénomène qu'il faut découvrir et à apprendre gérer avec la cobote », reprend Luc Truntzler, qui se fait accompagner par le Centre de recherches sémiotiques (CeRes) de l'université de Limoges pour mesurer l'acceptabilité du robot par les visiteurs.

« Nous avons aussi travaillé avec les conseillers du Crédit Agricole afin de constituer la base de connaissances à laquelle Leenby fera appel pour répondre aux visiteurs. L'autre mission, c'est de faire gagner du temps aux conseillers. L'avantage d'un outil numérique comme Leenby, c'est que l'on peut tout mesurer. »

À l'instar du tandem Inbenta-Cybedroïd avec le CeRes, l'entreprise d'ingénierie lyonnaise Awabot collabore avec les sociologues, cogniticiens et neurolinguises du Laboratoire d'informatique de Grenoble (LIG) afin d'innover dans les usages en décortiquant, entre autres, les réactions de personnes âgées face à un robot dans un appartement témoin.

La société lyonnaise phosphore sur les robots de télé-présence Beam du californien Suitable Technologies, sur la supervision des navettes autonomes de Navya ou sur le contrôle à distance des robots de télé-présence Buddy de Blue Frog.

« Dans les sociétés à sites multiples, les robots de télé-présence aident les managers à plonger instantanément à distance dans une chaîne de fabrication, presque comme s'ils étaient sur le terrain, au lieu d'être confinés dans une salle de visioconférence », souligne Jérémie Koessler, DG d'Awabot qui, créée en 2011, réalise un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros avec quinze salariés dont six ingénieurs.

« Pour un budget assez limité [de 2.500 à 20.000 euros par machine avec une moyenne de 5 000 euros, ndlr], cet équipement améliore considérablement les rouages de la communication ainsi que la transmission de l'information au sein de l'organisation. Les gens tissent ainsi des liens très forts comme à la machine à café. »

Design d'émotions

Capitalisant sur ses expériences, Awabot vient de déployer des robots Beam chez Intermarché afin de donner en direct aux clients les conseils d'un sommelier mutualisé sur trois supermarchés. « Nous étudions comment doivent se comporter les robots, comment les rendre sympathiques, non agressifs. C'est du design d'émotions », insiste Jérémie Koessler.

Dans cet esprit, la société vient de déployer 57 robots Beam dans les lycées de la région Auvergne-Rhône-Alpes. « L'idée, c'est de maintenir l'intégration sociale d'élèves empêchés, c'est-à-dire blessés, handicapés, hospitalisés ou en longue maladie. Le robot est donc dans la salle de classe. Sur son écran, s'affiche le visage de l'élève empêché qui y accède par visioconférence avec son ordinateur », précise de DG d'Awabot.

« Dans la classe, un élève référent se charge d'aider le robot à passer d'une salle à l'autre, à prendre l'ascenseur. Avec ce système, non seulement l'élève poursuit une scolarité presque normale mais surtout, la solidarité entre élèves se développe concrètement. » Bien sûr, avec ce robot, les élèves n'omettent pas de se charrier dans les deux sens du terme !

Outre les bureaux, les magasins et les écoles, la robotisation touche aussi l'agriculture. À la veille de l'interdiction du glyphosate, les robots tondeurs pourraient bien devenir les meilleurs alliés de l'homme et de l'environnement. C'est du moins ce que démontre Vitirover, une startup cofondée par Arnaud de la Fouchardière et Xavier David Beaulieu, ingénieur et Vigneron inventeur du concept.

Depuis 2010, date de création de l'entreprise à Saint-Émilion (Gironde), l'offre a évolué. « Nous ne vendons pas de robots mais un service d'entretien de la végétation grâce à nos robots-tondeurs autonomes travaillant en troupeau sous la supervision d'un "berger", à savoir un technicien en charge de leur maintenance à distance et de leur réparation » , résume Arnaud de la Fouchardière, le directeur général de la PME qui compte neuf salariés dont sept ingénieurs en robotique, intelligence artificielle, IoT et communication.

Fabriquées en Aquitaine, les machines sont alimentées par l'énergie solaire captée par leurs panneaux photovoltaïques. En cas de manque de luminosité, ils disposent également de batterie d'une autonomie de 16 à 24 heures. Les robots se déplacent grâce à leurs capteurs de géolocalisation (GPS, Galileo, Glonass, Sbas, Beidou) et travaillent en mode collaboratif : si l'un d'entre eux se trouve sur une zone particulièrement dense en végétation, il appelle ses collègues à l'aide. Ce concept collaboratif a séduit notamment SNCF Réseau qui opère sur 30.000 kilomètres de voies ferrées. Soit un total de 60.000 kilomètres de bandes entretenues jusqu'ici par des trains qui pulvérisent du désherbant.

Intelligence collective

Après une première expérimentation de désherbage robotique menée pendant un an, la SNCF prévoit un premier déploiement industriel en fin d'année sur un parcours de 100 kilomètres de lignes à grande vitesse.

« Outre les bordures de voies ferrées, notre solution intéresse aussi les opérateurs de réseaux d'énergie et d'eau ainsi que, bien sûr, les agriculteurs pour l'entretien des vergers et des vignes. À terme, grâce à d'autres capteurs embarqués, nous leur fournirons des données qui leur permettront de limiter au plus juste la quantité d'intrants », indique le directeur général, qui a levé environ trois millions d'euros.

De quoi développer la R & D ainsi que la fabrication d'une cinquantaine de robots. À présent, 250 unités supplémentaires sont en cours de fabrication. Les contextes de collaboration entre robots se multiplient. Citons le drone autonome roulant O-R3 du singapourien Otsaw Digital qui s'apprête à patrouiller en faisant équipe avec un drone volant. Dans le même esprit, les robots Nimbo de Turing Video, basés sur l'architecture mécanique du Segway, reconnaissent les situations à risque, grâce à l'intelligence artificielle, dans le but d'étouffer dans l'œuf les situations à risques. L'un d'eux peut aller chez un agent de sécurité pour ensuite le transporter sur les lieux.

D'autres robots poussent la collaboration jusqu'à l'intelligence collective des bancs de poissons ou des nuages d'étourneaux. En témoigne l'équipe du chercheur hongrois Gábor Vásárhelyi qui, pour la première fois, a fait voler en août dernier 30 drones en essaim sans qu'ils soient pilotés ni programmés à l'avance, encore moins dirigés par un ordinateur au sol ! Grâce à son algorithme, chaque fois qu'un drone rencontre un obstacle, il en transmet l'information à ses collègues et tout le groupe s'y adapte pour le contourner.

Portée par la startup CollMot Robotics, cette technologie « pourrait améliorer la sécurité urbaine, l'agriculture, la lutte contre les feux de forêt aussi bien que la livraison logistique par drone », indique Gábor Vásárhelyi. Mais, pour l'heure, elle est surtout employée pour réaliser des spectacles de drones lumineux lanceurs de feux d'artifice.

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Des drones pour livrer des médicaments

Encore en phase d'expérimentation, la livraison par drone de type hélicoptère ou avion mobilise les intégrateurs et concepteurs de drones comme Atechsys, Sysveo, Wingcopter ou Zipline ainsi que les grands expressistes tels que DHL, DPDgroup, La Poste ou UPS. Sans oublier les distributeurs comme Walmart ou Amazon avec son service Prime Air.
Récemment, DHL a testé pendant six mois avec, entre autres, le fabricant allemand de drones Wingcopter, la livraison de médicaments sur l'île d'Ukerewe sur le lac Victoria en Tanzanie. Le Parcelcopter 4.0 a franchi une distance de 60 kilomètres durant 40 minutes en moyenne. Contre, jusqu'ici, six heures en moyenne, ce qui rendait pratiquement impossible pour les 400.000 habitants de l'île l'approvisionnement en médicaments d'urgence et en denrées soumises au respect de la chaîne du froid. Une fois les marchandises livrées sur l'île, le drone peut facilement récupérer des prélèvements pour analyse de sang et de laboratoire afin de les acheminer sur le continent.
À l'avenir, le Parcelcopter pourrait donc non seulement améliorer la chaîne logistique dans le domaine de la santé publique mais également contribuer à la prévention des crises dans le monde entier en permettant par exemple de rapidement faire face aux maladies virales telle qu'Ebola.

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Commentaires 2
à écrit le 15/02/2019 à 17:32
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L’hôtel japonais proche de Nagasaki, qui avait ouvert il y a 4 ans avec 80 robots pour 10 humains et qui avait plafonné avec 243 robots pour 8 humains a fait un spectaculaire retour en arrière en envoyant à la casse la moitié de sa servilité motorisé...

à écrit le 15/02/2019 à 13:21
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Merci de me présenter enfin une intelligence artificielle svp. Parlez au moins de "recherche" sur l'intelligence artificielle alors que déjà pourtant rien que ça j'en suis loin d'être sûr. Les outils de productions des actionnaires milliardaires ...

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