Coorpacademy, le Netflix de l’EdTech, veut dépoussiérer la formation en entreprise

Après avoir séduit 40% des sociétés du CAC 40, la startup Coorpacademy lève 10 millions d’euros en Série B auprès de ses investisseurs historiques et du fonds parisien Serena Capital pour accélérer son développement. Créée par deux anciens de Google, la startup franco-suisse dépoussière la formation professionnelle avec des cours en ligne ludiques et sur-mesure, disponibles par abonnement.
Sylvain Rolland
Arnaud Mitre, Jean-Marc Tassetto et Frédérick Bénichou, les trois cofondateurs de Coorpacademy.

"Sans culture numérique, on ne va pas bien loin aujourd'hui en entreprise". Le constat que dresse Arnaud Mitre, ancien de Google France et cofondateur de la startup Coorpacademy, tombe sous le sens. Sous l'effet de la révolution numérique, qui pousse tous les secteurs, un par un, à effectuer leur transformation digitale, les entreprises doivent adapter leur modèle économique et leur fonctionnement pour survivre à l' "ubérisation". Pour cela, les grands groupes, PME et TPE doivent former leurs employés à cette nouvelle économie. Les sensibiliser aux enjeux du big data, des réseaux sociaux, du cloud, des données personnelles ou encore du management horizontal. Bref, leur inculquer des "soft skills", c'est-à-dire l'indispensable culture numérique, le langage commun qu'il faut maîtriser pour avancer.

Problème (et amusant paradoxe) : le secteur de la formation en entreprise rencontre des difficultés avec sa propre digitalisation. Dans beaucoup de sociétés, la formation interne prend la forme d'ateliers ponctuels, de cours physiques "à l'ancienne", de slides ou de longues vidéos... Une méthode peu flexible et assez contraignante pour les employés. Or -et c'est tout le pari de Coorpacademy- comment une entreprise pourrait-elle transmettre la culture digitale si elle utilise elle-même des outils archaïques ?

Le pari du BtoB et d'un modèle à la Netflix

En quête d'un projet pour "l'après-Google", Arnaud Mitre et son collègue Jean-Marc Tassetto (ancien directeur général de Google France de 2010 à 2013 après 13 années chez SFR) décident de s'attaquer au problème et de s'associer avec Frédérick Bénichou, un "sérial entrepreneur" spécialisé dans la transformation digitale.

"Lorsque nous étions chez Google, nous nous sommes rendu compte que les besoins des entreprises en terme de formation à la culture digitale sont énormes, indique Arnaud Mitre. Or, il n'y a rien de plus pénible que de s'asseoir tous ensemble pendant deux heures devant une vidéo et des slides interminables, qui ne s'adaptent ni au niveau de chacun ni au tempo de l'entreprise".

Si d'autres startups, comme Coursera, créée en 2012, se positionnent déjà sur le créneau de la formation en ligne "modernisée", les trois compères pensent qu'ils peuvent aller plus loin. Pour mettre en place leur méthode, ils s'inspirent d'abord des Moocs -les Massive Open Online Courses, ou cours en ligne ouverts et massifs-, des outils de plus en plus populaires partout dans le monde. Mais surtout, ils regardent du côté des laboratoires de l'École Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui réfléchissent sur de nouvelles méthodes d'enseignement grâce aux nouvelles technologies. Pierre Dillenbourg, un professeur spécialiste de "l'ingénierie pédagogique" à l'EPFL, a d'ailleurs contribué au développement de Coorpacademy.

Dès le début, la startup a fait le choix de s'adresser essentiellement au BtoB avec un modèle payant. Le BtoB car "c'est là où se trouve l'argent", sourit Arnaud Mitre. Le "tout-payant" pour ne pas tomber dans le piège des Moocs, dont beaucoup sont gratuits. "Comme le téléchargement l'avait fait pour la musique et les films, les Moocs ont popularisé l'idée que l'éducation doit être gratuite", déplore Arnaud Mitre. Au contraire, Coorpacademy se conçoit davantage comme un Netflix. Sa plateforme en mode Saas propose aux entreprises une formation professionnelle continue, via un abonnement de 9,90 euros par mois par employé actif, sans engagement de durée, pour permettre à leurs collaborateurs de comprendre et de maîtriser les mutations auxquelles ils sont confrontés. Mais les particuliers peuvent aussi s'abonner et se former seuls.

Flexibilité et gamification

Ses cours, qui portent sur différentes thématiques liées au numérique, empruntent aux dernières innovations pédagogiques. Les maître-mots ? Flexibilité (l'outil s'adapte à l'usager), gamification (apprendre en s'amusant), pédagogie inversée (aborder une notion par un problème concret) et collaboratif (possibilité d'interagir avec les autres apprenants). Pour cela, la plateforme propose des modules très courts, disponibles sur tous les terminaux (smartphones, tablettes, ordinateur), avec des vidéos ludiques de deux minutes maximum et des quizz pour vérifier l'acquisition des connaissances.

"Il faut être efficace en peu de temps, car pour ne pas empiéter sur le travail, les employés ne peuvent pas consacrer plus de 10 minutes par jour à leur formation continue. Pour leur permettre d'acquérir des soft skills, nous misons sur la gamification -système de points en fonction des bonnes réponses, possibilité de lancer des défis à ses collègues-, le côté ludique des courtes vidéos, l'approche pragmatique et la possibilité d'avancer à son rythme" explique Arnaud Mitre.

Le premier cours, intitulé "Culture digitale", intègre 14 disciplines (cloud, mobilité, big data, internet des objets...), 210 vidéos en français et en anglais et près de 1800 questions. Co-conçus avec des experts, les thématiques peuvent aussi être personnalisées en fonction de l'entreprise. Pernod Ricard par exemple, l'un de ses cinquante clients, souhaitait ajouter un module sur la protection des données personnelles. "Dans ce cas, soit l'entreprise nous fournit le contenu à adapter, soit nous le créons nous-même avec des experts. Certaines nous autorisent ensuite à le proposer à d'autres clients, moyennant une commission", précise Arnaud Mitre. Depuis peu, la startup a lancé un deuxième cour, intitulé "L'Esprit du temps". Il aborde des thématiques comme le leadership au féminin, le management participatif ou encore la responsabilité sociale et environnementale.

Développement européen, R et D et partenariats

Après une première levée de fonds de 3,2 millions d'euros en 2014 auprès de NextStage, et de Debiopharm Investment, Coorpacademy fait entrer le fonds Serena Capital dans sa Série B de 10 millions d'euros. Avec trois objectifs : poursuivre le développement européen (l'entreprise prévoit d'attaquer l'Espagne et l'Allemagne en 2017), intensifier la R et D grâce à l'intégration du machine learning et d'outils d'intelligence artificielle, et construire des partenariats avec "des détenteurs de contenus à forte valeur ajoutée", comme le site Auféminin.com pour le module sur le leadership au féminin, ou le magazine Usbek & Rika pour celui sur l'impact de la robotisation.

"Nous espérons atteindre 60 clients d'ici à la fin de l'année et conquérir davantage de PME et TPE", indique Arnaud Mitre. Car pour l'heure, une trentaine de ses cinquante clients sont des "grands comptes", comme Monoprix, Société générale, Schneider Electric, Michelin, Renault, Engie, Samsung ou Yahoo. Or, actuellement, seules 22% des PME ont mis en place un plan de formation interne, contre 80% des grands groupes. Un défi, donc, mais aussi un formidable relais de croissance potentiel.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 12/10/2016 à 17:49
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Il existe déjà des sites dédiés à ça (developpez.com, tomsguide.fr etc), sans compter les magasines comme hardware etc les livres... Sans oublier les associations qui forme à tout ça. Y a vraiment des entreprises et autres pour payer ce genre de s...

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