Dans l'ombre de la Chine, Taïwan déroule le tapis rouge aux startups

REPORTAGE. Discrète, l’île veut s’affirmer aux yeux des startups comme une porte d’entrée sur le marché asiatique. Elle fait valoir des leaders mondiaux de l’informatique et une formidable puissance industrielle.
Une autre Chine, très occidentalisée. Autant il est difficile pour les étrangers de se lancer dans la Chine continentale, autant les liens de Taïwan avec l’Occident sont nombreux.
Une autre Chine, très occidentalisée. Autant il est difficile pour les étrangers de se lancer dans la Chine continentale, autant les liens de Taïwan avec l’Occident sont nombreux. (Crédits : Reuters)

Taïwan veut séduire les startups. Plus de 460 jeunes pousses venues des quatre coins du monde ont exposé au salon Computex, « le CES asiatique », qui se déroulait du 28 mai au 1er juin à Taipei (capitale de Taïwan). Parmi elle, une petite délégation française, de sept startups, officiait sous une bannière à l'effigie du traditionnel coq rouge, emblème de la French Tech. Lancée en 2016, la communauté French Tech à Taïwan regroupe 24 startups et environ 130 membres actifs, dont le fabricant d'enceintes de luxe Devialet, présent sur la petite île depuis 2017.

À titre de comparaison, la Chine dispose de trois communautés French Tech (Beijing, Shanghai et Hong Kong-Shenzhen, qui compte à lui seul plus de 300 membres actifs). « Taïwan est un pays auquel les startups ne pensent pas forcément alors qu'il y a énormément d'opportunités », estime Gia Dinh To, conseillère en politiques commerciales au sein de Business France, agence d'accompagnement des entreprises de l'Hexagone à l'international. Taïwan est historiquement réputé pour son savoir-faire technologique.

L'île mise sur ses leaders mondiaux de l'informatique (Acer, Asus, HTP...) mais aussi les fameux « ODM » pour « original design manufacturer ». Ces sous-traitants, généralement peu connus du grand public, sont de véritables poids lourds à l'échelle internationale dans la chaîne de valeur. Parmi eux, Foxconn (qui se cache derrière la fabrication et l'assemblage des produits Apple), mais aussi Quanta Computer, Compal, Wistron ou encore Inventec. Une combinaison gagnante qui permet de faciliter le prototypage d'innovations et leur distribution mondiale grâce à un accès privilégié sur l'immense marché asiatique.

« Environ 80% du marché mondial des ordinateurs portables est fabriqué par des entreprises de Taïwan. Toutes les marques grand public -  comme Dell, HP ou Apple - viennent se fournir ici. Il y a énormément d'entreprises de l'ombre sur l'île », souligne Gia Dinh To.

Il suffit d'ailleurs de se fier aux publicités qui recouvrent les rues de Taipei. Dans les stations de métro et sur les arrêts de bus, les annonces pour les cartes mères, les microprocesseurs et les serveurs sont légion.

Tester les innovations sur un petit marché

« Taïwan dispose d'un bon écosystème pour nouer des partenariats industriels », estime Timothée Le Quesne, cofondateur et PDG d'Energysquare. Lancée en 2014, la jeune pousse a développé une technologie de recharge par conduction électrique. Son business model repose sur la vente de licences à des fabricants qui intègrent sa solution. Elle étudie actuellement le marché taïwanais pour y implanter à terme des équipes de vente.

« Les "ODM" poussent les dernières innovations auprès des grandes marques. Ils disposent donc d'une grande force de frappe, ce qui est intéressant pour codévelopper des technologies. En comparaison, la Chine fait figure de bout de chaîne de l'industrialisation : il y a certes des usines de production, mais sans pouvoir de décision », juge Timothée Le Quesne.

Par exemple, Foxconn, qui dispose de son siège social à Taïwan, emploie plus de 1,3 million de personnes en Chine. « L'innovation fait aussi partie intégrante de l'ADN de Taïwan. Les cycles d'innovations sont très courts car les fabricants d'ordinateurs portables sont habitués à sortir de nouveaux modèles tous les six mois par nécessité de survie », étaye le jeune entrepreneur

Se lancer à Taïwan permet aussi de roder un produit sur un petit marché, très réceptif aux nouvelles technologies, avant de conquérir le reste de l'Asie.

« Lorsque l'on pense à l'Asie hyperconnectée, on pense au Japon. Mais le public taïwanais aussi est très avancé dans les usages et dispose d'un bon pouvoir d'achat », précise Gia Dinh To.

Créé en 2017 près de Grenoble, TiHive développe des mini-caméras de détection et d'imagerie de pointe pour contrôler la qualité des matériaux, comme le textile par exemple. La jeune pousse vient d'être sélectionnée pour un programme d'accélération d'une dizaine de jours au sein de Garage +, un des incubateurs les plus en vue de Taïwan. « Cela va nous permettre d'explorer le marché asiatique, car Taïwan est très ouvert pour les entreprises et entretient de bonnes relations avec le Japon et la Corée du Sud », détaille Hani Sherry, cofondateur et PDG de TiHive. « La culture est aussi très occidentalisée et les pratiques commerciales sont semblables aux États-Unis », ajoute-t-il. Un atout précieux face à la Chine.

En quête de nouveaux relais de croissance

« La Chine divise : elle fait autant rêver qu'elle fait peur. Pour s'y lancer, il faut s'y être longuement préparé. Le marché est très prometteur mais la culture est totalement différente. À l'inverse, Taïwan est très occidentalisée car les liens avec la Silicon Valley sont déjà très développés », confirme Gia Dinh To.

« Venir à Taïwan est plus accessible car le choc culturel est moindre. » Sans compter que le gouvernement fait les yeux doux aux startups depuis plus de deux ans.

Face à l'épuisement de son modèle industriel hérité des années 1980 et du ralentissement de la demande des produits tech, le gouvernement taïwanais se cherche de nouveaux relais de croissance, sous l'impulsion de la présidente démocrate progressiste, Tsaï Ing-wen, en poste depuis mai 2016. Lors de sa prise de fonction, elle s'est donnée pour mission de placer Taïwan sur la carte des nations les plus innovantes « dans les vingt prochaines années » et de créer une « Silicon Valley asiatique ».

Après avoir mis en place des aides au financement, le gouvernement taïwanais s'attaque à l'attrait des talents depuis l'année dernière. Depuis mars 2018, l'État a mis en place le « visa entrepreneur » permettant de faciliter l'établissement des jeunes pousses sur le territoire. Sans obligation de création d'entreprise, le visa permet d'obtenir un droit de résidence d'un an avec entrée illimitée, de prolonger le visa sans quitter Taïwan (jusqu'à deux ans à chaque fois) et d'obtenir des visas pour un maximum de trois salariés via un formulaire commun.

--

Taipei en chiffres

23,58 millions d'habitants
36,193 km² de superficie
3,73% de chômage (avril 2019)
0 licorne (startups valorisées plus d'un milliard de dollars et non cotées en Bourse

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 11/06/2019 à 9:03
Signaler
Taïwan est complètement liée aux intérêts des américains si elle veut subsister.

le 11/06/2019 à 11:30
Signaler
Ah oui. Vous n'avez pas entendu parler de nos frégates et Mirage qui sécurisent le périmètre aérien ?

le 11/06/2019 à 17:31
Signaler
Vous pourriez être plus clair ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.