Comment l'affaire Huawei pourrait remodeler l'avenir du numérique

La crise entre Huawei et Washington est révélatrice de profondes tensions entre acteurs des nouvelles technologies, qui pourraient mener à une fragmentation de la Toile.
En mai, l’administration Trump a placé Huawei sur une liste rouge d’entreprises soumises à des restrictions en matière commerciale. Plusieurs firmes occidentales ont alors décidé que le géant chinois ne pourrait plus utiliser leurs produits.
En mai, l’administration Trump a placé Huawei sur une liste rouge d’entreprises soumises à des restrictions en matière commerciale. Plusieurs firmes occidentales ont alors décidé que le géant chinois ne pourrait plus utiliser leurs produits. (Crédits : Jorge Silva/Reuters)

La tension ne cesse de grimper entre le gouvernement américain et le géant chinois des télécommunications Huawei. La querelle a démarré en décembre dernier, lorsque le département de la justice américain a accusé l'entreprise d'avoir dérobé des secrets technologiques à l'opérateur T-Mobile, et violé l'embargo imposé par les États-Unis contre l'Iran. Accusations qui ont mené à l'arrestation de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei et fille du fondateur, au Canada. L'affaire s'est considérablement envenimée au cours du mois de mai, prenant désormais les allures d'une crise majeure dans le monde des nouvelles technologies. L'administration Trump a d'abord placé Huawei sur une liste rouge d'entreprises soumises à des restrictions en matière commerciale.

Google a emboîté le pas au gouvernement américain, coupant l'accès de Huawei à Android sur ses nouveaux téléphones, ce qui signifie que les consommateurs ne pourront utiliser ni Gmail, ni Google Maps, ni YouTube sur ces appareils. Plusieurs fabricants de puces électroniques, dont les américains Qualcomm, Intel et Broadcom, ainsi que le britannique ARM, ont également annoncé qu'ils ne vendraient plus de composants à Huawei. Le constructeur chinois a aussi été exclu de la Wi-Fi Alliance, une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis, qui délivre des certifications pour cette technologie.

L'entreprise japonaise Softbank a de son côté annoncé qu'elle travaillerait avec Nokia et Ericsson pour construire ses équipements 5G, écartant Huawei qui devait auparavant faire partie de ses partenaires. Le gouvernement chinois envisage désormais de riposter, des rumeurs évoquant notamment des sanctions contre Apple, bien que le CEO de Huawei s'y soit publiquement opposé. Si l'affaire a d'abord pris la forme de mesures du gouvernement américain à l'encontre de Huawei, elle implique donc désormais plusieurs entreprises des nouvelles technologies, prises dans un feu croisé entre les intérêts américains et chinois.

Un encombrant rival

Officiellement, la mise en quarantaine de Huawei est motivée par de supposées défaillances de l'entreprise en matière de cybersécurité, et par sa trop grande proximité avec le gouvernement chinois. Mais dans un contexte où la Chine s'impose progressivement comme un géant du numérique, il est difficile de ne pas y voir une tentative de mettre à terre un rival qui menace la suprématie des entreprises américaines dans plusieurs domaines clefs. Huawei est ainsi le second fabricant de smartphones au monde en termes de parts de marché, derrière le coréen Samsung et devant l'américain Apple, dépassé en 2017.

Le géant des télécommunications chinois est également bien parti pour se positionner en leader sur la cinquième génération de standards pour téléphonie mobile, ou 5G. Cette innovation majeure promet d'accélérer massivement le déploiement de l'Internet des objets, à travers la robotique, les infrastructures connectées ou encore la voiture autonome.

Certaines analyses prédisent que ce marché pourrait atteindre les 123 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Or, Huawei semble bien parti pour se tailler la part du lion. L'entreprise a notamment décroché de nombreux contrats 5G sur le Vieux Continent, grillant la politesse à ses rivaux américains (Qualcomm, AT&T et Verizon) grâce à une offre de meilleure qualité pour un coût plus attractif. Huawei est aussi à la pointe de la recherche sur l'intelligence artificielle (IA), technologie qui fait l'objet d'une compétition acharnée entre la Chine et les États-Unis. Il vient de lancer un laboratoire de recherche autour de l'IA à Singapour et ses téléphones s'appuient notamment sur cette technologie pour prendre de meilleures photos.

La piste d'une guerre technologique déguisée lancée par l'administration Trump contre le rival chinois est d'autant plus difficile à ignorer que le président américain s'est depuis plusieurs mois lancé dans une guerre commerciale de grande ampleur contre l'empire du Milieu, qu'il accuse de faire de la concurrence déloyale aux entreprises américaines. Le locataire de la Maison Blanche a ainsi lancé plusieurs vagues de mesures protectionnistes visant l'importation de produits chinois sur le sol américain. Lors d'une conférence de presse, Donald Trump a du reste affirmé que les sanctions contre Huawei pourraient être levées dans le cadre d'un accord commercial avec la Chine.

Vers une fracturation est-ouest du net ?

Que Donald Trump soit ou non prêt à négocier un compromis avec le gouvernement chinois, le fait que les géants des nouvelles technologies soient désormais impliqués dans l'affaire rend la désescalade moins probable. Huawei semble prêt à faire une croix définitive sur Android : l'entreprise a annoncé qu'elle travaillait déjà à la conception de son propre système d'exploitation maison pour remplacer celui de Google, lequel pourrait être opérationnel dès 2020. Rappelons que différents services, dont le moteur de recherche Google et Google Play Store, sont déjà inaccessibles depuis l'empire du Milieu.

La guerre lancée par le gouvernement américain envers Huawei pourrait donc contribuer à renforcer encore les spécificités de l'écosystème technologique chinois. Au-delà de la compétition autour des technologies de pointe, c'est ainsi une nouvelle menace qui se profile. Celle d'un Internet en voie de balkanisation. En septembre 2018, Eric Schmidt, ancien président de Google, a exprimé sa crainte de voir l'Internet se scinder en deux, avec un pôle dominé par la Chine et l'autre par les États-Unis, chacun marqué par un écosystème technologique bien distinct.

D'autres analystes, soulignant le cadre réglementaire particulier institué par l'Union européenne, notamment à travers le RGPD, prévoient que l'Europe constituera également un troisième pôle distinct.

« Nous assistons déjà à la balkanisation de la technologie dans de nombreux domaines », confie ainsi Zvika Krieger, Head of Technology Policy d u Forum économique mondial, à la MIT Technology Review. « Si cette tendance se poursuit, les entreprises devront créer différents produits pour différents marchés, conduisant ainsi à davantage de divergences encore. »

Une évolution qui aurait de nombreuses conséquences négatives. Les acteurs devant composer avec différentes zones de régulations, l'innovation serait entravée. La chaîne de valeur des entreprises, largement mondialisée et digitalisée, serait considérablement handicapée. Les startups auraient également davantage de mal à s'étendre à l'international, ce qui réduirait la compétition et favoriserait les monopoles institués. Huawei serait donc loin d'être le seul à pâtir d'une aggravation de la crise.

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Commentaires 3
à écrit le 11/06/2019 à 7:53
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Les US sont complètement null depuis me début sur les technologies de téléphonie mobile. Ce sont les derniers de la classe, bien loin derrière l" Europe et l' Asie. Les asiatiques sont très fort aussi gort ou meme plus que l'Europe sur ce domaine et...

à écrit le 11/06/2019 à 7:52
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Les US sont complètement null depuis me début sur les technologies de téléphonie mobile. Ce sont les derniers de la classe, bien loin derrière l" Europe et l' Asie. Les asiatiques sont très fort aussi gort ou meme plus que l'Europe sur ce domaine et...

à écrit le 10/06/2019 à 15:47
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Votre commentaireus ou britranique c'est pipi de chat la chine a le pouvoir de les ecraser et les mendiant americain respirent l'air grace a l'argent des chinois ,il suffit que pekin le premier creancier des grandes gueules americaines ferme les robi...

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