Hackathon sécurité : quand les geeks dépoussièrent la lutte antiterroriste

En 48 heures, 38 nouvelles solutions ont vu le jour pour lutter contre la radicalisation et moderniser les services d’urgence comme le 17. De vendredi à dimanche soir, près de 400 amateurs et professionnels de l’informatique se sont réunis à l’école "42" de Xavier Niel, à Paris, lors du premier hackathon Nec Mergitur, organisé en réponse aux attentats du 13 novembre. 10 projets ont été retenus. Reste maintenant le plus difficile : les intégrer à l’arsenal existant.
Sylvain Rolland
Le hackathon, baptisé Nec Mergitur en référence à la devise de Paris, a attiré 400 personnes.

Ils ont entre 24 et 39 ans, exercent des métiers très différents et ne s'étaient jamais rencontrés auparavant. Pourtant, Basile, Adrien, Alban, Delphine et Ludovic ont su se retrousser les manches, ensemble, pour créer en 48 heures un outil qui pourra, peut-être, améliorer nettement la lutte contre la radicalisation en ligne.

Leur solution, NecMergeCure, fait partie des dix innovations retenues par la Préfecture de Police de Paris dans le cadre du premier "hackathon sécurité", qui s'est tenu le week-end dernier à l'école 42, dans le nord de la capitale. Grâce à l'analyse des données publiques de Twitter, NetMergeCure permet de repérer des personnes en voie d'endoctrinement et de leur envoyer des messages ciblés pour les détourner de la tentation djihadiste. "Aujourd'hui, le contre-discours manque d'efficacité car il rate souvent sa cible et n'est pas adapté à chaque profil", explique Basile Michardière, un consultant en stratégie numérique de 24 ans, également chef du projet.

400 citoyens nourris aux boissons énergisantes

Organisé par la Ville et la Préfecture de police de Paris, ce brainstorming géant a mobilisé plus de 400 participants. Parmi eux, beaucoup de "geeks", bien sûr (développeurs, designers, intégrateurs systèmes et réseaux, spécialistes du traitement des mégadonnées...). Mais aussi des chercheurs, des étudiants, des acteurs associatifs ou encore des journalistes. Biberonnés aux boissons énergisantes, ces citoyens ont relevé avec brio leur mission : aider les autorités (police, secours, services de l'Etat et administrations) à répondre aux grands défis de la lutte antiterroriste au XXIe siècle numérique.

Ainsi, 38 équipes se sont penchées sur des thèmes aussi divers que la prévention de la radicalisation, l'amélioration des plateformes d'appels d'urgence comme le 17, la diffusion d'informations en temps réel aux citoyens, la remontée d'informations issues des réseaux sociaux, ou encore la détection et la lutte contre la rumeur. Des besoins mis en lumière par les dysfonctionnements constatés lors des attentats du 13 novembre. Hubert Wassner, un data scientist de 44 ans, résume : "La gestion des attentats au soir du 13 novembre m'a fait réaliser à quel point le gouffre est immense entre ce qu'il est possible de faire grâce à la technologie et l'action concrète des pouvoirs publics".

>> Lire : Startups et citoyens au secours de la lutte antiterroriste

Méthode de co-création inédite et salutaire

En mobilisant une trentaine de fonctionnaires pendant tout le week-end, la Préfecture de Police de Paris s'est laissée "disrupter" avec intelligence et humilité. "Nous travaillons depuis deux ans sur la modernisation des outils d'urgence, mais il nous faut accélérer, admet Sidonie Thomas, commandant de police au Secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris (SGZDSP). Pour nous, le hackathon représente l'opportunité d'élargir nos horizons et d'aller plus loin dans l'intégration des outils numériques".

Cette méthode de co-création inédite en France a porté ses fruits au-delà des attentes. Les fonctionnaires de police, plutôt habitués à fonctionner en vase clos, ont partagé avec plaisir leur expertise du métier. "J'ai été impressionné par la capacité de ces jeunes à écouter nos besoins et à s'y adapter", se réjouit Régis Reboul, en charge de la modernisation des plateformes d'appels d'urgence à la Préfecture de Paris. Même satisfaction du côté des "hackeurs". "Même si l'institution est rigide, les policiers présents sont demandeurs de nouvelles solutions et suffisamment éduqués au numérique pour comprendre comment les utiliser", ajoute Hubert Wassner.

A la fin du hackathon, dimanche soir, dix innovations ont retenu l'attention du jury et dix-sept se sont vues décerner une "mention spéciale". Mais qu'en restera-t-il ? "Nous espérons intégrer le plus rapidement possible certaines de ces solutions à nos outils, voire fusionner certaines innovations entre elles, comme celles qui portent sur le 112 et le 17" indique Régis Reboul. De son côté, Anne Hidalgo a promis que les équipes retenues intègreront le futur incubateur "Défense et sécurité", dont l'ouverture reste à préciser. "Des fonds d'investissements, des partenaires privés et des écoles de design se sont manifestés pour mobiliser des financements et accompagner les projets", indique-t-on à la Mairie de Paris. A suivre...

LES INNOVATIONS A RETENIR

Lemon Tri, l'appli qui désengorge les centres d'appels d'urgence

Coincé à l'intérieur du Bataclan pendant la tuerie, Benoît n'a jamais réussi à joindre la police. Idem pour Christophe, attablé à quelques rues de la salle de spectacle, qui avait pourtant tenté "80 fois" de joindre le 17 pour signaler une Polo noire, immatriculée en Belgique, avec quatre hommes louches à bord, une heure avant la fusillade.

Lemon Tri va-t-il permettre d'éviter ces ratés ? Cette application vise à anticiper le degré d'urgence avant même que le centre d'appel n'ait eu à décrocher le téléphone. Lors de l'appel, la personne doità laisser un message vocal pour expliquer sa situation. Puis des algorithmes analysent la sémantique, le niveau de stress, les bruits de l'environnement et prennent en compte la géolocalisation et les données du correspondant, pour attribuer un "score d'intensité" à l'appel. Les plus urgents seront traités en priorité.

Navarro HotLine, le futur 112 numérique

Les innovations les plus prometteuses sont parfois les plus évidentes. Navarro Hotline se décrit tout simplement comme le "112 numérique", l'appli qui permettra au service d'urgence européen d'entrer dans le XXIè siècle. Cette application se contente d'ajouter l'échange de texte par Twitter et par SMS géolocalisés en cas de saturation des lignes d'appels. Pourquoi personne n'y avait-il pensé avant ?

Dans le même registre, Pimp my 112 règle le problème des personnes qui ne savent pas exactement où elles sont lorsqu'elles appellent les secours, lors d'un accident de la route par exemple. La victime peut alors envoyer un texto qui lui permettra de se géolocaliser ou de prendre une photo. Pimp my 112 ne fait pas partie des dix lauréats mais a reçu une mention spéciale.

Repaire et OpenEvacMap, les plateformes des plans d'évacuation

Lors de la prise d'otages à l'Hyper Casher de Vincennes, il y a un an, les forces de l'ordre avaient demandé à un otage de leur décrire grossièrement le plan des lieux. D'où la création de Repaire, un logiciel qui permet aux secours d'accéder aux plans des bâtiments, en 2D ou en 3D. Repaire pourra notamment être alimenté par une autre solution, OpenEvacMap. Cette plateforme veut constituer une base de données en crowdsourcing (production participative) contenant des plans en 2D et en 3D envoyés par le public.

AlerteMe, pour une information plus sûre en pleine crise

Le 13 novembre, les rumeurs d'attaques se sont multipliées sur la Toile. AlerteMe devrait y mettre fin. Cette application permettra aux autorités de diffuser des informations validées et géolocalisées au grand public. Le tout en temps réel.

Sylvain Rolland

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Commentaire 1
à écrit le 19/01/2016 à 20:05
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Donc, en résumé, il faut hacker tout le monde et ça tombe bien : TOUS les producteurs d'OS ont des back-doors qui ne demandent qu'à être exploitées. Comme disait Barack : "Yes, We scan !!" Tu parles que les vrais fous de dieu connaissent la musique m...

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