Des robots à la place du pizzaïolo : le pari fou du français Pazzi

La startup française Pazzi vient d’ouvrir à Paris la première pizzeria entièrement robotisée au monde. Fruit de sept ans de recherche et développement, son robot multi-breveté peut faire une pizza de A à Z - pâte, garniture, four, emballage - en moins de cinq minutes, et trois unités en même temps en moins de sept minutes. L'ambition de Pazzi est de transformer le "fast-food" en "fast-good-food" : utiliser les économies liées à la robotisation de la main d'oeuvre pour proposer des pizzas de qualité, avec des ingrédients sains, à prix abordable. Mais la « robolution » de la restauration n'est pas encore pour demain.
Sylvain Rolland
La cuisine robotisée de la pizzeria Pazzi, qui vient d'ouvrir près de Beaubourg, au centre de Paris.
La cuisine robotisée de la pizzeria Pazzi, qui vient d'ouvrir près de Beaubourg, au centre de Paris. (Crédits : Sylvain Rolland)

De la science-fiction à la réalité : Pazzi, la première pizzeria 100% robotisée, a ouvert ses portes lundi 5 juillet, en plein cœur de Paris, en face du centre d'art contemporain Beaubourg. Dans ce restaurant coloré et moderne, aucun pizzaïolo ne s'affaire aux fourneaux. Derrière une grande vitre transparente et à la vue des clients, c'est un robot qui cuisine. Fruit de sept années de recherche et développement - et plus de 13 millions d'euros d'investissements -, la technologie développée en France par Pazzi, 35 salariés, est protégée par cinq brevets. Elle permet de fabriquer une pizza en moins de 5 minutes, pâte, cuisson, et emballage dans le carton compris.

Réinventer la restauration rapide

"Notre but est de réinventer la restauration rapide grâce à la robotique, en étant plus rapide bien sûr dans la fabrication des pizzas, mais aussi en utilisant le gain de productivité pour choisir de meilleurs produits, tout en gardant des prix abordables", explique l'ingénieur Sébastien Roverso, cofondateur de l'entreprise avec son camarade de promo Cyril Hamon.

Moins d'humain mais davantage de rapidité et de qualité, tel est le credo de Pazzi. Pour répondre à cette promesse, les deux entrepreneurs se sont offert les services de Thierry Graffagnino, triple-champion du monde de la pizza en 2011, 2012 et 2013. Le spécialiste a apporté à l'équipe sa science de la pâte, qu'il veut fine et légère, et a conçu la quinzaine de pizzas proposées à la carte, qui sont pour la plupart des réinventions des grands classiques "savoyarde", "regina", "quatre fromages" etc.

"Son expertise a été précieuse pour paramétrer le robot, raconte Sébastien Roverso. Lorsqu'il a rejoint le projet, en 2017, Thierry a goûté notre pâte et nous a dit "non, ça ne va pas". On l'a mis à la poubelle et on a tout retravaillé", sourit-il.

L'intéressé confirme. "Pour fabriquer une très bonne pâte à pizza, il faut savoir manier la matière. La plus grande difficulté pour un robot était qu'il comprenne et qu'il s'adapte à la variation de l'organique, car une pâte c'est quelque chose de vivant, la texture est différente tous les jours par exemple", précise-il avec passion.

A force d'essais, la technologie est finalement venue à bout du problème, sous le regard attentif du chef, qui revendique une qualité de la pâte aussi bonne qu'une pizzeria classique, "si ce n'est meilleure".

La fabrication de la pizza par le robot, un spectacle millimétré

Voir s'affairer le robot pizzaïolo relève clairement du spectacle. D'où la volonté de Pazzi que les clients puissent voir le processus derrière une grande vitre. Dès que le client passe commande et paie sur la borne automatique située en salle, le robot se met en route. Enfin, les robots, car la cuisine est occupée par trois bras robotisés, chacun avec des fonctions différentes : le premier est préposé au déplacement de la pizza du four à l'emballage et à la gestion de sa mise en boîte, le deuxième va chercher les ingrédients en coulisses et les met à la disposition du troisième, le robot-cuisinier, qui est chargé d'étaler la pâte et le fond de sauce.

Le processus est le suivant : un premier bras robotisé prend la boîte à pizza, l'ouvre de manière à ce qu'elle soit prête à accueillir la pizza lorsqu'elle sera cuite. Pendant ce temps, le robot-cuisinier prend le pâton (la boule de pâte, qui repose depuis 48 heures dans l'arrière-cuisine) et le dépose sur un plan de travail. Le pâton est ensuite aplati par une autre machine, puis le robot-cuisinier verse le fond de sauce sur la pâte (sauce tomate ou blanche) et l'étale.

La pizza disparaît ensuite un court instant pour rejoindre le robot préposé aux ingrédients, qui les dispose aléatoirement mais de manière homogène sur la pâte, afin de simuler une préparation artisanale. Une fois la pizza préparée, le premier bras robotisé revient, prend la pizza et l'enfourne dans le four à pierre pour qu'elle cuise à 400 degrés pendant plus de trois minutes. Lorsque la cuisson est terminée, il la sort du four et la place dans la boîte en carton, puis il pré-découpe la pizza en six parts et lave lui-même son ustensile.  "La gestuelle est fluide et élégante, inspirée par le savoir-faire des pizzaoïlos" précise Sébastien Rovers, qui tient à la dimension "spectacle" de la fabrication par les robots.

La boîte en carton est ensuite fermée puis convoyée par un système de rails dans l'une des quatre bornes de retrait présentes en salle. Derrière un écran, le client scanne le QR code imprimé sur son ticket de caisse pour ouvrir la borne et récupérer sa pizza. Et le tour est joué.

Pazzi

Une réponse à la crise du recrutement ?

Si l'expérience s'avère très divertissante, reste un dilemme éthique : les robots de Pazzi rendent concrète l'une des promesses les plus inquiétantes de l'intelligence artificielle : remplacer l'humain. Car Pazzi va plus loin que la simple automatisation du service. Si un robot peut reproduire jusqu'au savoir-faire des meilleurs pizzaïolos et jusqu'à l'élégance du geste, quelle place pour l'homme dans la restauration de demain ?

D'autant plus que Pazzi ne cache pas ses grandes ambitions. La startup souhaite devenir une véritable chaîne de restauration rapide, sur un modèle voisin de celui des grandes franchises du secteur. "Nous sommes en train de finaliser des signatures d'emplacements" dans Paris, et "à partir de mars-avril 2022 on va démarrer l'ouverture de la Suisse", indique Philippe Goldman, le CEO de Pazzi. "On commence maintenant l'internationalisation parce que dans notre développement commercial, 50% de la demande vient de l'étranger", précise-t-il.

Sur la question de l'impact de la robotisation sur les emplois, Philippe Goldman relativise. "Il y a aujourd'hui une vraie crise du recrutement dans la restauration, on manque de bras devant et derrière les fourneaux, donc Pazzi ne vient pas créer du chômage car le secteur est en grande tension", estime-t-il, études à l'appui. Selon lui, la robotisation permet au contraire d'enlever une incertitude - près de 100% de turn-over dans la restauration rapide, poids des salaires dans le chiffre d'affaires équivalent à 35% -, ce qui permet de réinvestir dans l'expérience client :

"Pazzi est une solution pour la restauration rapide dans le sens où le robot peut traiter plusieurs commandes en même temps, donc produire davantage de pizzas, tout en gardant la même qualité d'une pizza à l'autre. Mais nous ne proposons pas seulement une alternative, nous voulons proposer mieux : grâce aux économies sur l'emploi, nous investissons dans la qualité des produits avec des légumes bio et des fromages AOC, tout en restant abordables car nos pizzas coûtent entre 8 et 14 euros", décrit-t-il.

D'autant plus que Pazzi n'est pas sans employés. Si une seule personne est physiquement présente dans le restaurant - pour aider les clients avec les bornes ou répondre à leurs questions -, la startup emploie 35 personnes. Une armée d'ingénieurs et de techniciens veillent en permanence au bon fonctionnement du robot. La maintenance se fait ainsi à distance : des caméras scrutent la cuisine et des ingénieurs sont prêts à intervenir à distance au moindre pépin.

La robotisation des restaurants n'est pas pour demain

D'après Philippe Goldman, malgré le coût technologique, Pazzi pourrait être rentable au bout de trois ans avec un chiffre d'affaires de 900.000 euros par an. Réussira-t-il son pari ? Quoiqu'il en soit, la robotisation des restaurants n'est certainement pas pour demain.

Si de nombreuses startups s'attaquent à l'automatisation des cuisines, peu arrivent à la fois à trouver une solution technologique satisfaisante et un modèle rentable. Dans la pizzeria, on se souvient encore de l'échec retentissant de Zume, qui a englouti 375 millions de dollars dans sa tentative de monter un réseau de robots pizzaioli sur tout le territoire américain, et qui s'est reconverti début 2020 dans l'emballage recyclable. Plus prometteur, PicNic, une startup de Seattle, vient de lever 16,3 millions de dollars pour poursuivre le développement de sa machine à fabriquer des pizzas pour restaurants. Mais à la différence de Pazzi, elle a toujours besoin d'un opérateur pour fonctionner...

Dans les autres verticales de la restauration, tout reste encore à faire. Ainsi, Creator, un robot préparateur de hamburger - qui gère aussi la cuisson du steak - a tenu deux ans à San Francisco, avant que le restaurant ne ferme ses portes en juin 2020 pour cause de confinement. En Suède, la startup BonBot vient de lever 2 millions de dollars pour lancer un premier robot glacier d'ici à la fin de l'année, tandis qu'en France, la pépite Cook-e a présenté et testé au dernier salon Vivatech un robot fabriquant des plats au wok pour la restauration à emporter.

Sylvain Rolland

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Commentaires 8
à écrit le 08/07/2021 à 18:27
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Les bons produits, issu de l'agroécologie et seulement elle, feront de bons plats, autant nous avons besoin de grands cuisiniers afin d'aller sans arrêt vers l'excellence, autant laisser faire la cuisine à des robots est loin d'être choquant et idiot...

à écrit le 08/07/2021 à 18:24
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Ça tombe bien si on veut bien manger faut faire du maraichage en permaculture enfin si un jour la dictature agro-industrielle et donc financière est interdite bien sûr.

à écrit le 07/07/2021 à 21:40
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Si elle est vendue moitié moins cher que celle de mon pizzaiolo , j'essaierai .Sans garantie de revenir .

à écrit le 07/07/2021 à 10:17
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J'avais commencé à écrire un long commentaire... Finalement, "couillonade" est suffisant.

le 07/07/2021 à 14:53
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Il existe déjà des distributeurs de pizzas entièrement automatisés. J'en ai mangé une à 3 heures du matin, et à ma grande surprise elle n'était pas mauvaise.... Il s'agit du type d'articles sans intérêt, pour gogos. 7années de Recherche et Développ...

à écrit le 07/07/2021 à 5:56
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Les gogos de beaubourg vont se ruer, ils adorent ce type de concept. Comment une bonne pizza peut-elle etre robotisee ?

le 07/07/2021 à 13:11
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En quoi la pizza d'un robot programmé à refaire des gestes humain (du champion du monde de pizza accessoirement) serait elle moins bonne? Les produits sont bio et frais, le robot ne se gratte pas le cul avant de mettre les tomates sur ta pizza....

à écrit le 07/07/2021 à 2:16
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1)Belle prouesse technologique . 2)Des travailleurs en moins,3)cela ne donne pas envie de manger ces pizzas. 4)Chez picard à 3€ elle sont délicieuses ..

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