La FoodTech européenne croît, grâce à une nouvelle génération de startups

Les investissements dans l'écosystème de la FoodTech ont plus que doublé entre 2018 et 2019 en Europe, révèle un rapport. Cinq startups se sont partagé 58% des montants.
Giulietta Gamberini
Les sept licornes qui jusqu'à fin 2017 dominaient le paysage centralisent une part de plus en plus petite des investissements.

2,4 milliards d'euros. C'est le montant total, sur l'année 2019, des investissements dans les startups européennes de la FoodTech. Un record révélé dans le rapport publié le 30 avril par le cabinet spécialisé DigitalFoodLab. Il représente plus du double des investissements réalisés en 2018 (0,9 milliard). Surtout, il croît de 60% par rapport aux sommes levées en 2017 (1,5 milliard), année du record précédent, souligne l'étude, réalisée en partenariat avec le cabinet Kea & Partners, le fonds d'investissement Eutopia, le pôle de compétitivité Vitagora et le géant de l'agroalimentaire Nestlé.

Cette hausse est d'autant plus notable qu'elle s'inscrit dans un contexte plutôt morose, note DigitalFoodLab, puisqu'au niveau mondial les investissements dans la FoodTech ont baissé de plus de 5% entre 2018 et 2019, en s'établissant à 16,3 milliards d'euros.

Certes, "les startups européennes représentent toujours une petite partie du financement total reçu par les startups FoodTech dans le monde".

Mais cette croissance particulièrement accéléré des investissements les place désormais "en pôle position des innovations liées à l'agriculture, l'alimentation et le retail", estime le cabinet. Et les premières données relatives à 2020 (avant COVID-19) confirment cette tendance.

Une seule licorne dans le top 10

Le rapport montre par ailleurs que cette évolution est désormais incarnée par de nouveaux visages: "une nouvelle génération de startups à la croissance rapide", résume DigitalFoodLab. Les sept licornes (entreprises valorisées à plus d'un milliard d'euros) qui jusqu'à fin 2017 dominaient le paysage (Brewdog, Delivery Hero, Deliveroo, Hello Fresh, Just Eat, Ocado, Takeaway.com) concentrent en effet une part de plus en plus petite des investissements: 23% en 2019, contre 80% en 2015.

"Toutes, à l'exception de Deliveroo et Brewdog, sont désormais cotées en bourse, et donc financées par les marchés et la dette", explique DigitalFoodLab.

Aujourd'hui, seule la britannique Deliveroo figure donc parmi les cinq startups qui se partagent 58% des montants investis en Europe. Les quatre autres sont l'espagnole Glovo, la française Ynsect, la néerlandaise Picnic et la finnoise Wolt. Aucune autre licorne figure parmi les 10 qui concentrent 69% des investissements, qui comptent également Infarm (France), Mathem (Suède), Wynd (France), Gousto (Royaume-Uni)  et Flaschenpost.

La livraison toujours en tête

La prépondérance des services de livraison de plats de restaurants et de courses, en revanche, se poursuit. La plupart des startups du top 10 (Deliveroo, Glovo, Picnic, Wolt, Mathem, Flaschenpost) oeuvrent dans ce domaine, qui attire d'ailleurs 66% des investissements réalisés dans la FoodTech en Europe. D'autres activités pèsent néanmoins aussi : 18% des investissements sont réalisés dans les solutions au service de l'agriculture (AgTech%), 10% dans celles au service de la restauration (Foodservice).

Ces deux derniers segments sont particulièrement présents en France, analyse DigitalFoodLab. "Avec une tradition d'e-commerce et d'entrepreneurs technologiques, les fondateurs français de FoodTech ont trouvé une place de choix dans les services de paiement (notamment ePOS) et ouvrent la voie à la robotique alimentaire", écrit le cabinet, qui souligne également l'importance dans l'Hexagone de l'AgTech, "avec des startups sur les marchés B2B (Agriconomie), l'alimentation animale à base d'insectes (Ynsect, InnovaFeed) et les biotechnologies agricoles (Microphyt)".

L'Europe reste en revanche en deçà de "l'effet Beyond Meat (producteur de substituts de viande à partir de plantes , NDLR) aux Etats-Unis", note Matthieu Vincent, co-fondateur de DigitalFoodLab.

Les startups dites de la Foodscience, qui conçoivent en laboratoire des aliments mais aussi des emballages innovants, "bien que de plus en plus nombreuses, ne lèvent toujours pas de fonds de manière significative", regrette-t-il.

La France en deuxième position

Quant à la géographie, l'étude montre qu'en Europe la FoodTech est une affaire de quelques poignées de pays, voire de villes. Leader depuis 6 ans, le Royaume-Uni a notamment concentré 711 millions d'euros d'investissements en 2019: 94% de plus qu'en 2018. Londres à elle seule en a attirés 95%.

Avec 404 millions d'euros d'investissements en 2019, en hausse de 76% par rapport à l'année précédente, la France, se place en deuxième position. Et ce malgré ses particularités, note DigitalFoodLab: un écosystème qui a "décollé sérieusement" seulement en 2016, soit plus de deux ans plus tard qu'au Royaume-Uni et en Allemagne, et malgré l'absence de licornes voire d'une startup de livraison leader - puisque les candidates potentielles, Foodchéri et Dejbox, ont respectivement été acquises par Sodexo et Carrefour "avant de s'internationaliser et d'atteindre des phases de financement ultérieures", explique DigitalFoodLab. Enfin, 37% des financements français ont d'abord bénéficié à des FoodTech parisiennes.

L'Allemagne, portée par Berlin, figure en troisième place, grâce à un écosystème de plus en plus diversifié. Elle est suivie par les Pays-Bas, qui ont un hub particulièrement fertile à Amsterdam, et l'Espagne, où 95% des investissements dans la FoodTech ont lieu à Barcelone. Les pays nordiques représentent un "petit mais dynamique écosystème", alors que Zurich en Suisse, Milan en Italie et la Belgique construisent aussi progressivement leur secteur FoodTech. Les écosystèmes de 30 autres pays européens étudiés ont en revanche obtenu peu de fonds.

Des fonds prêts à investir

Quel effet aura alors le coronavirus sur la FoodTech européenne en croissance? Si le confinement a accéléré le développement de certains segments, notamment de la livraison, il a sans doute nui à d'autres, notamment aux services à la restauration, observe Matthieu Vincent. Et en 2020, en raison de la crise économique, une baisse des investissements est plutôt probable, note l'expert.

Mais cela ne changera pas significativement la donne. Tout au long des six dernières années, l'évolution des investissements dans la FoodTech européenne a en effet révélé une singulière oscillation, dû à l'impact des levées de fonds des licornes: les financements sur les ans pairs ont toujours été inférieurs à ceux des ans impairs, souligne DigitalFoodLab. De surcroit, "pendant les 12 derniers mois, beaucoup de fonds ont été constitués afin d'investir dans cet écosystème", souligne Matthieu Vincent. 2021 devrait donc être une autre bonne année, prévoit-il.

Lire aussi : PODCAST Entre Foodtech et traditions, l'avenir de nos assiettes

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 01/05/2020 à 13:20
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La "Food Tech" est un mythe pour investisseurs bobos urbains qui pensent en avalant des faux sushis conditionnés par des petites mains formées en 48h et livrés par des ex-chômeurs ou migrants devenus entrepreneurs de leur start-up surexploités par hu...

le 01/05/2020 à 18:03
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Pas convaincu par votre conclusion... la misère, la pauvreté et la précarité ont au contraire un avenir radieux devant elles car elles sont le fondement de l'ultralibéralisme qu'on impose aux citoyens, y compris par la servitude volontaire. Il n'y ...

à écrit le 01/05/2020 à 9:51
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La " Foodtech"...comment en est on arrivé là ? On avait déjà la "malbouffe" à "bouffer" sur place, à emporter, désormais on peut de la faire livrer...la prochaine étape, elle nous sera injectée directement dans la bouche...la suivante pourrait être l...

à écrit le 30/04/2020 à 22:01
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L'ubérisation de l'économie et du travail, c'est à dire le retour de l'esclavage, est l'avenir de l'humanité. Les food techs font partis de ceux qui ont poussé le concept le plus loin. Concept qui est loin d'avoir été complètement exploré. La preuve...

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