Les agents immobiliers s'adaptent à la révolution numérique

La "real estech" est en train de prendre des parts de marché aux acteurs traditionnels, mais ceux-ci rivalisent d'inventivité pour conserver leurs clients.
César Armand
À partir de la fin juin, le réseau Guy Hoquet proposera une visite vidéo pour l'intégralité de ses biens, en vente aussi bien qu'en location.
À partir de la fin juin, le réseau Guy Hoquet proposera une visite vidéo pour l'intégralité de ses biens, en vente aussi bien qu'en location. (Crédits : iStock)

« L'époque des commissions au pourcentage n'a plus aucun sens », nous disait Robin Rivaton, président-fondateur de Real Estech Europe, l'association qui regroupe les startups et les grands groupes innovants dans le domaine de l'immobilier. Avec la révolution numérique, de jeunes pousses commencent en effet à « disrupter » les agents et mandataires en proposant aux vendeurs des forfaits fixés à l'avance.

Par exemple, Proprioo se rémunère avec un forfait fixe de 1.900 euros. Comme un acteur classique du métier, la startup accompagne le particulier depuis l'estimation de son bien jusqu'à la signature chez le notaire, en passant par la venue d'un photographe professionnel, la création d'une annonce, une diffusion multicanale et la mise à disposition d'un référent visite.

"Les startups sont en mode passif"

Homagency propose, elle, deux offres de quatre mois incompressibles. Pour un abonnement de 99 euros mensuels, la première comporte des photos à 360 degrés, la rédaction de trois annonces grâce à un algorithme ainsi que leur diffusion sur cinquante sites Web dont ceux de la presse quotidienne régionale. Pour 199 euros par mois, s'y ajoutent une hotline de juristes et un secrétariat qui répond aux appels, les filtre et planifie les rendez-vous. Passé un délai de quatre mois, les clients se voient proposer au cas par cas des formules moins onéreuses.

Quelle différence entre ces deux startups ? Homagency ne fait pas visiter le bien et n'emmène pas son client chez le notaire, mais opère sur la France entière, alors que Proprioo couvre le Grand Paris, Bordeaux et Lyon, avant de se déployer bientôt à Marseille, à Toulouse et à Lille. Forte d'une levée de fonds de 5 millions d'euros à la mi-mai, la jeune pousse veut également se lancer dans la gestion locative au second semestre 2019.

Avec des tarifs aussi bas, la question de leur modèle économique se pose. Le cofondateur de Proprioo, Simon Primack, raconte avoir « découpé » la chaîne de valeur en trois équipes : une qui récupère les informations, une qui estime, et une troisième chargée de la vente. Résultat : un dossier est traité, d'après lui, en trois ou quatre heures, contre 34 en moyenne selon les chiffres de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Olivier Lanza, Pdg d'Homagency, assure, lui, que « [ses] marges sont conformes à ce que pratiquent les entreprises constituées ».

« Les startups sont plus en mode passif, réplique Cyril Maurel, directeur informatique à ERA Immobilier, elles n'ont pas la force de frappe d'un réseau qui prospecte. C'est la première puissance d'une agence ou d'un réseau : tous les sept biens rentrés, il y a une vente. »

Contrairement aux jeunes pousses qui attendent en effet qu'un vendeur dépose son bien en ligne, ce réseau va à la source.

« Tous les matins, des sites vont chercher pour nous des annonces sur PAP ou Le Bon Coin, raconte Cyril Maurel. On appelle les particuliers et on leur fait une proposition en direct. De même, un partenaire nous communique les coordonnées des propriétaires, qui estiment leur logement en ligne. »

Le cadre d'ERA Immobilier insiste sur son rôle auprès des acheteurs. Comme d'autres acteurs du secteur, il a passé un accord avec la plateforme Bien'ici, lancée par Nexity et d'autres professionnels, qui permet de visualiser un bien sur une carte 3D. En plus de ce service, il assure être le seul à pouvoir présenter l'ensoleillement en paramétrant l'horaire. De même, si un vendeur lui confie une exclusivité, un acquéreur putatif entrant dans son agence peut visiter le bien à 360 degrés grâce à un masque de réalité virtuelle.

Toujours plus d'informations dans les annonces

Le réseau Guy Hoquet se targue, lui, d'être le premier à proposer, à partir de la fin juin, une visite vidéo pour l'intégralité de ses biens, en vente aussi bien qu'en location.

« Nos collaborateurs téléchargeront l'application EasyMovie sur leur smartphone, précise le directeur général Fabrice Abraham, et tourneront facilement des images qui basculeront vers les passerelles d'annonces immobilières. »

Le dirigeant certifie également bénéficier en exclusivité de la technologie Syllabs des robots rédacteurs. « Leur prose est plus intéressante que celle d'un collaborateur pressé et pas toujours disponible, se justifie Fabrice Abraham, qui cite d'autres avantages : douze lignes en moyenne qui comprennent aussi l'actu de la ville, la vie associative du quartier, les sorties ciné, le bureau de vote le plus proche... »

En réalité, en simulant une recherche à Paris, au bord du canal Saint-Martin par exemple, vous tomberez sur la densité de population, la part d'enfants et d'ados, l'âge moyen, le nombre d'habitants, le revenu mensuel par ménage, la part de ménages sans voiture, les résultats des lycées, le nombre d'écoles et de crèches au kilomètre carré, les restaurants et cafés tous les 100 mètres, les commerces sur la même distance et le nombre d'habitants pour un médecin généraliste.

Paradoxalement, un mandataire comme Capifrance, habitué depuis sa création en 2002 au 100 % numérique, vient de lancer des « ateliers » physiques. « Ce sont des agoras où l'on invite les acteurs du quartier à promouvoir des productions des voisins - expo photo, vernissage - et des services comme les goûters des gardiens », explique Philippe Buyens, le directeur général.

Des biens à l'essai

Depuis novembre 2017, ce réseau propose en outre des « préventes ». Un propriétaire dépose une photo, une fourchette de prix et un descriptif. Au bout de quinze jours trois semaines, il regarde les "like" ainsi que le nombre de préinscrits intéressés. « Ça lui donne la possibilité de vérifier l'attractivité de son bien avant de le vendre », explique Philippe Buyens.

Autre innovation dans le même esprit : les « biens à l'essai ». Par exemple, si une famille adore la terrasse d'un appartement, mais se pose la question du bruit venant de la rue au-dessous, elle peut venir dîner un soir pour se rendre compte par elle même de la portée des nuisances. Toujours dans la même veine, la visite "home staging". Équipé d'un smartphone ou d'une tablette, le visiteur peut imaginer le bien tel qu'il pourrait être refait pour se projeter et, surtout, pour obtenir une estimation du coût des travaux.

César Armand

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