En quoi les foules ont-elles foi ? Quelles sont leurs croyances ? Voici ce que se demandent les communicants et spécialistes en e-réputation lorsque, au quotidien, ils scrutent, décortiquent et alimentent en contenus la Toile et les médias sociaux. Pourquoi ? Parce que malgré la disponibilité de l'information offerte par le Net, la progression du niveau d'études et d'alphabétisation des foules, l'univers des croyances ne recule pas. Au contraire !
Professeur de sociologie à Paris-Diderot et auteur de L'Empire des croyances (Puf, 2003), Gérald Bronner constate que « le conspirationnisme ou les théories du complot séduisent de plus en plus de Français, sondage après sondage ». À la conférence Reputation War, mi-janvier à Paris, il a expliqué que les croyances technophobes ont ainsi tendance à se développer. Un exemple ?
« En 2005, 49 % des Français pensaient que vivre près d'une antennerelais était favorable au cancer, ce qui est faux. Mais en 2010, ils étaient 59 %... »
Les clés de la crédulité
Internet a un rôle clé dans le développement de cette crédulité, et s'impose comme un énorme catalyseur des croyances.
« Avec la massification de l'information, le Web réactualise de très anciennes façons de penser », poursuit Gérald Bronner.
Ainsi, si les individus cherchent spontanément à confirmer leurs propres croyances, ils ont maintenant bien plus de chance de trouver au moins une information qui ira dans leur sens. En outre, de fausses allégations sont parfois solidement enracinées grâce au lobbying de communautés très actives :
« Le marché de l'information n'a rien de démocratique. C'est la loi du plus fort, ou plutôt du plus motivé, qui s'exprime. »
De plus, le Net permet d'agréger des arguments, ce qui était impossible à faire par le passé.
« Certaines théories du complot s'appuient sur plus d'une centaine d'arguments à portée de clic, alors qu'avant, elles n'en comptaient qu'un ou deux, ce qui n'était guère convaincant. »
C'est pour cela que sur Internet, un vrai bras de fer s'est engagé entre ce qui est vrai et ce qui est faux mais apparaît comme vraisemblable. Or, pour Gérald Bronner, la partie n'est pas gagnée car « le vraisemblable, psychiquement moins coûteux que le vrai, l'emporte souvent ».
En définitive, comment les Français se positionnent-ils face à cet essor des rumeurs ? Selon un sondage d'OpinionWay réalisé en janvier pour la conférence Reputation War, ils sont certes 57 % à n'y accorder aucune crédibilité, mais 42 % d'entre eux jugent « qu'il n'y a pas de fumée sans feu ». Ou, en d'autres termes, que les rumeurs sont fondées.
Enfin, l'étude révèle un paradoxe de taille : aux yeux des Français, Internet constitue le support d'information le plus corrompu et relatant le plus de rumeurs - loin devant la télévision (20 %) ou les journaux (8 %). Pour autant, ils sont 72 % à... privilégier la Toile pour les vérifier.
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