Deliveroo entre à la Bourse de Londres avec une valorisation de près de 9 milliards d'euros

Le géant de la livraison de repas Deliveroo entre ce mercredi à la Bourse de Londres avec un prix de 390 pence par action correspondant au bas de la fourchette initiale d'estimations. Ce choix valorise la jeune entreprise britannique à 7,6 milliards de livres sterling (8,9 milliards d'euros), faisant de cette introduction en Bourse la plus importante depuis dix ans à Londres. Alors que la rentabilité se fait toujours attendre, la prudence de Deliveroo s'explique notamment par le fait que plusieurs grands gérants d'actifs britanniques ont refusé de participer à l'entrée en Bourse en raison du modèle économique contesté du groupe.
(Crédits : Toby Melville)

Article mis à jour le 31 mars à 8h10

L'opération a beau être qualifiée de "fantastique" par le ministre des Finances britannique Rishi Sunak, la prudence est de mise chez Deliveroo. Pour son entrée ce mercredi à la Bourse de Londres, la plateforme britannique de livraison alimentairel a fixé le prix de l'action à 3,90 livres, soit la fourchette basse de ses prévisions qui visaient au maximum 4,60 livres. Ce prix valorise néanmoins Deliveroo à 7,6 milliards de livres (8,9 milliards d'euros) et fait de cette introduction en Bourse la plus importante à Londres depuis celle du groupe minier Glencore en 2011. Dans un premier temps réservés aux investisseurs professionnels, les échanges seront ouverts au grand public à partir du 7 avril.

Pour justifier cette prudence, Deliveroo évoquait lundi la volatilité des conditions de marché. La direction se veut néanmoins optimiste.

"Devenir une entreprise cotée va nous permettre d'investir dans l'innovation, de développer de nouveaux outils technologiques pour aider les restaurants et les épiciers, fournir plus de travail aux livreurs et étendre le choix des consommateurs", déclarait récemment le fondateur et directeur général, l'Américain Will Shu, lequel va profiter de l'opération pour faire fructifier ses parts.

En optant pour un système à deux types d'actions pour une période de trois ans, il garde le contrôle de Deliveroo tout en cédant une partie du capital.

Détenue à 16% par le géant Amazon, Deliveroo profite de cette entrée sur le marché pour lever 1 milliard de livres d'argent frais afin de financer sa croissance. L'entreprise, qui emploie 2.000 personnes dans le monde, entend en effet se diversifier et livrer des courses alimentaires via des partenariats avec des supermarchés.

Un marché de 200 milliards de dollars

Pour autant, malgré une activité dopée par la pandémie, la rentabilité se fait attendre. En 2020, les ventes ont bondi de 54%, à 1,2 milliard de livres, mais le développement de la plateforme engendre des coûts, notamment pour payer un nombre grandissant de livreurs. Créée à Londres en 2013, la société travaille avec 115.000 restaurants dans 800 villes dans le monde et compte quelque 100.000 livreurs. Résultat, malgré une amélioration des comptes, Deliveroo a enregistré une perte nette de 226,4 millions de livres en 2020, contre 317 millions en 2019.

Les tendances du marché sont toutefois excellentes : d'après plusieurs études, le marché des services en ligne de livraison de repas devrait bondir de 12 milliards de dollars en 2021, à 126,9 milliards, pour atteindre près de 200 milliards en 2025.

Mais Deliveroo est loin d'être seul à se partager un tel gâteau. Avec des poids lourds comme le néerlandais Just Eat Takeaway, les américains Doordash ou Uber Eats (filiale du groupe de covoiturage), l'indien Zomato..., la concurrence est rude. D'autant plus qu'il faut également compter avec la multitude d'entreprises plus petites comme Swiggy, Freshly, le français Frichti, sans oublier les supermarchés ou livreurs d'épicerie comme Ocado ou Amazon Fresh, les repas en kit comme Gousto...

Modèle social décrié

Surtout, cette entrée en Bourse intervient dans un contexte social difficile. En France, en Espagne, au Royaume-Uni et en Australie, une série de mouvements sociaux de la part des livreurs mécontents de leurs conditions de travail a mis en lumière le modèle de Deliveroo, qui  repose sur la précarité de ses livreurs. Le plus souvent de jeunes hommes,  travailleurs indépendants : ils symbolisent la "gig economy", ou l'économie des petits boulots, sur laquelle s'appuient les plateformes numériques pour prospérer. Le syndicat des travailleurs indépendants britanniques, l'IWGB, a prévu une action le 7 avril, date où les échanges sur le marché seront ouverts au grand public (aujourd'hui, l'entrée, les échanges sont uniquement réservés aux investisseurs professionnels). Le ton se durcit. La Cour suprême britannique vient de forcer le géant de la réservation de voitures Uber à accorder le salaire minimum et des congés payés à ses chauffeurs au Royaume-Uni. Deliveroo assure de son côté que ses livreurs recherchent la flexibilité et sont rémunérés plus de 10 livres de l'heure en moyenne.

Une étude relayée par l'IWGB pointe pourtant des salaires de misère tombant parfois jusqu'à 2 livres de l'heure comme dans le cas d'un livreur du nord de l'Angleterre. La viabilité de son modèle économique refroidit les investisseurs. Plusieurs géants de la gestion d'actifs, comme Aberdeen Standard et Aviva Investors, qui pèsent chacun des centaines de milliards de livres, ne souhaitent pas investir dans la société, évoquant le mauvais exemple donné par ses pratiques sociales. Ils estiment que Deliveroo pourrait constituer un mauvais placement si sa réputation devait être entachée, sans compter le coût si elle devait reclasser ses livreurs.

Deliveroo a provisionné 112 millions de livres en 2020 pour faire face aux conséquences de litiges en cours. Des livreurs sont notamment en appel au Royaume-Uni pour obtenir une convention collective.

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Commentaires 2
à écrit le 30/03/2021 à 17:14
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wow, il faut vite lever des capitaux ( et accessoirement pour certains, sortir de la) pour que les caisses soient pleines pour qu'on puisse modifier les statuts des chauffeurs qui deviendront salaries, se syndiqueront, videront les caisses, et la sui...

à écrit le 30/03/2021 à 15:47
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ILs n'ont toujours pas retenu la leçon d'UBER, la fatalité de la pensée courtermiste.

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