Grisé par le succès, Deliveroo prépare son entrée en Bourse

La plateforme de livraison de repas a annoncé officiellement ce lundi préparer son introduction en Bourse à Londres, après avoir profité de la croissance de son activité en 2020. Valorisée 7 milliards de dollars, la startup britannique accuse toujours de lourdes pertes, à près de 262 millions d'euros.
Anaïs Cherif
Deliveroo recoure à quelques 100.000 livreurs dans le monde, dont les conditions de travail sont régulièrement pointées du doigt.
Deliveroo recoure à quelques 100.000 livreurs dans le monde, dont les conditions de travail sont régulièrement pointées du doigt. (Crédits : Eric Gaillard)

Confinements, couvre-feux, fermeture des bars et restaurants... Les restrictions sanitaires liées au coronavirus ont dopé l'activité de Deliveroo en 2020. La plateforme de livraison de repas à domicile a revendiqué lundi une forte croissance de son activité au cours de l'année dernière, sans donner de chiffres précis.

Toujours en quête de rentabilité, la startup londonienne affirme ainsi avoir réduit sa perte à 223,7 millions de livres (près de 262 millions d'euros) - contre 317 millions en 2019 (environ 370 millions d'euros), selon un communiqué de presse. La société, qui compte 2.000 salariés dans le monde, dit avoir été rentable pendant plus de six mois courant 2020.

Hausse des dépenses des clients

Deliveroo revendique 6 millions de clients par mois sur le marché très disputé de la livraison de repas et de courses à domicile, avec des concurrents de taille comme UberEats et Just Eat.

"Ces consommateurs augmentent d'année en année leurs dépenses sur la plateforme, procurant une source de revenus croissante et récurrente", se félicite la jeune pousse britannique.

La plateforme dit ainsi avoir observé un bond de 64% de la valeur brute de ses transactions, passant ainsi de 2,5 à 4,1 milliards de livres sur un an (environ 4,8 milliards d'euros).

Fort de cette croissance, l'entreprise a annoncé jeudi dernier vouloir s'introduire en Bourse à Londres - quelques mois seulement après les débuts fracassants à Wall Street de son concurrent américain DoorDash en décembre dernier. Aucune date officielle n'a été communiquée, mais cela pourrait se concrétiser dès le mois d'avril, selon l'AFP. Attendue depuis de longues années, cette opération est l'une des plus attendues sur le marché britannique. Lors de sa dernière levée de fonds en janvier, la licorne - startup non cotée en Bourse et valorisée plus d'un milliard de dollars - avait été valorisée 7 milliards de dollars.

Lire aussi : Introductions en Bourse : très bon cru 2020 pour la tech malgré la crise

Garder le contrôle sur la stratégie

Deliveroo, dont l'ogre du e-commerce Amazon détient 16% du capital, souhaite cibler les investisseurs institutionnels hors des Etats-Unis lors de cette introduction en Bourse. L'opération sera composée de "nouvelles actions émises par l'entreprise et d'actions existantes cédées par certains actionnaires existants".

Dans le détail, deux types d'actions devraient être émis pour une durée de trois. D'un côté, les titres A - qui seront les seuls cotés - et de l'autre côté, les titres B, exclusivement détenus par le fondateur et directeur général Will Shu, peut-on lire dans le document d'intention de cotation. Le patron de Deliveroo devra bénéficier de 20 votes pour chaque action B, lui permettant ainsi de conserver la main sur la stratégie tout en cédant une partie du capital. A la fin des trois premières années de cotation, "les actions de classe B seront automatiquement converties en actions de classe A", selon le document. La cotation comportera également "50 millions de livres d'actions disponibles pour ses clients" disposant d'un compte Deliveroo, rapporte l'AFP.

Livreurs auto-entrepreneurs : un modèle social critiqué

Crée à Londres en 2013, Deliveroo opère désormais dans 800 villes dans le monde sur 12 marchés, en partenariat avec 115.000 restaurants. Elle recoure à quelques 100.000 livreurs, dont les conditions de travail sont régulièrement pointées du doigt. En cause : le statut d'auto-entrepreneur, auquel ils sont contraints de recourir.

Deliveroo, comme les autres plateformes de l'économie dite "de partage", est régulièrement accusé de recourir à du salariat déguisé. Selon leur argumentaire, le statut d'auto-entrepreneur donne davantage de flexibilité aux livreurs en leur fournissant un complément de revenu, et non un salaire. Imposer le statut d'auto-entrepreneur permet en principe de ne pas avoir à payer les congés payés, les arrêts maladie ou encore de ne pas garantir de salaire minimum...

La précarité de ces contrats de travail lui vaut régulièrement des mouvements de protestation de ses coursiers. Deliveroo a d'ailleurs été condamné pour la première fois en France en février 2020 pour "travail dissimulé" par le conseil des prud'hommes de Paris, décision pour laquelle l'entreprise a fait appel. La société a également été condamné en justice en Espagne. Au Royaume-Uni, les livreurs attendent toujours la décision de la Cour d'appel de Londres qui doit dire s'ils peuvent bénéficier d'une convention collective afin d'obtenir de meilleures conditions de travail.

Lire aussi : Coursiers à vélo : et si le salariat était possible ?

Primes exceptionnelles pour "remercier" les livreurs

En parallèle de son projet de cotation, la plateforme a annoncé son intention de verser une prime exceptionnelle pour "remercier" les livreurs via un fonds d'un montant total de 16 millions de livres (environ 18,7 millions d'euros), selon un communiqué publié dimanche. Ce fonds se concrétisera "le jour d'une introduction en Bourse".

Il permettra "la rétribution exceptionnelle de 10.000, 1.000, 500 ou 200 livres sterling (11.600, 1.160, 580 ou 230 euros)" par livreur concerné. La rétribution moyenne sera de 440 livres, précise le communiqué de presse. Environ 36.000 livreurs seraient éligibles à la prime. Pour y prétendre, les coursiers doivent revendiquer plus d'un an d'activité et avoir effectué au moins 2.000 commandes.

Anaïs Cherif

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Commentaires 3
à écrit le 09/03/2021 à 8:30
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Espérons que tout ces jeunes qui prennent tant de risques se partageront la moitié du gâteau mais ce serait étonnant avec cette finance qui hait le travail car grosse feignasse par définition même. L'Empire des faibles.

à écrit le 09/03/2021 à 3:39
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deliveroo, l'exploitation d'un sous proletariat. Une predation organisee sur le dos des plus faibles. Un retour au temps anciens ou seuls les possedants s'en sortaient, bref une regression mondiale. Je n'aimerai pas avoir 20 ans aujourd'hui.

à écrit le 08/03/2021 à 17:08
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L'esclavage en bourse !! On aurait sacrément gagné du temps à ne rien abolir

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