Deliveroo, Frichti, UberEats : les livreurs sont-ils suffisamment protégés face au coronavirus ?

Les plateformes de livraison de repas à domicile sont autorisées à poursuivre leurs activités en cette période de confinement inédit en France. Une décision incompréhensible pour le Clap (Collectif de livreurs autonomes parisiens), qui s'inquiète pour la protection des coursiers.
Anaïs Cherif
Le gouvernement a publié dimanche un guide des précautions sanitaires pour les livraisons de repas à domicile.
Le gouvernement a publié dimanche un "guide des précautions sanitaires" pour les livraisons de repas à domicile. (Crédits : Charles Platiau)

Alors que la France est plongée depuis ce mardi midi dans un confinement inédit pour au moins deux semaines, les coursiers des plateformes de livraison de repas à domicile - telles Deliveroo, UberEats ou Frichti - continuent de battre le pavé.

Si les restaurants n'ont plus le droit de recevoir du public dans leur établissement depuis le week-end dernier, selon un décret du ministère de l'Economie et des Finances, il leur est possible de se tourner vers des applications de livraisons de repas à domicile. UberEats a même annoncé la "gratuité des frais de livraison pour les deux prochaines semaines afin de soutenir les Français qui télétravaillent, les restaurants qui ont du fermer leurs portes et poursuivre l'activité pour les livreurs qui le souhaitent", selon un communiqué de presse.

Pour le Clap (Collectif de livreurs autonomes parisiens), la décision de maintenir l'activité des plateformes de livraison est incompréhensible.

"C'est paradoxal ! Depuis la semaine dernière, le gouvernement appelle tous les citoyens à rester chez eux, de nombreux secteurs d'activités sont à l'arrêt...", liste Jérôme Pimot, cofondateur et porte-parole du Clap. "Pour autant, les livraisons continuent d'être autorisées - exposant ainsi les coursiers - alors que nous ne livrons ni organes vitaux, ni sang. Simplement des pizzas et des burgers, dont les clients pourraient se passer."

Des livraisons "sans contact" obligatoires

Après avoir rencontré les plateformes de livraison de repas à domicile, Cédric O, secrétaire d'Etat en charge du numérique, a annoncé dimanche la publication d'un "guide des précautions sanitaires" pour les livraisons de repas à domicile. Principale précaution: les livraisons sont autorisées à condition d'être réalisées sans contact pour "assurer une protection maximale des personnes qui préparent les repas, des livreurs et des clients".

Concrètement, lors de la livraison, les coursiers doivent prévenir le client de leur arrivée (en frappant ou en sonnant) et "partir immédiatement ou s'écarter d'une distance de minimum 2 mètres de la porte, avant ouverture de la porte par le client", détaille le guide des bonnes pratiques. Insuffisant, selon le Clap. "C'est un simple effet d'annonce !" déplore Jérôme Pimot. "Les livreurs portent des gants - qui ne peuvent pas être nettoyés avec du gel hydroalcoolique -, touchent des poignées et digicodes de portes d'immeubles..." Or, il a été prouvé que le virus pouvait survivre quelques heures sur les surfaces ou les objets.

Le guide incite les livreurs à "régulièrement nettoyer le matériel de livraison". En revanche, il ne mentionne ni fourniture de masques, ni de gel hydroalcoolique aux livreurs de la part des plateformes. "Nous mettons tout en oeuvre pour que les livreurs puissent récupérer des lingettes nettoyantes, des gants et gels directement dans des stations service Total qui restent ouvertes contrairement aux magasins", fait savoir de son côté UberEats par e-mail.

Pas de chômage partiel pour les livreurs

UberEats a également annoncé "une indemnisation pendant une période pouvant aller jusqu'à 14 jours" pour tout livreur "diagnostiqué avec le COVID-19 ou placé en quarantaine individuelle par une autorité de santé publique". Les livreurs sains, qui décideraient de se confiner, ne seraient donc pas indemnisés. L'indemnisation sera calculée au regard des revenus générés via la plateforme sur les deux dernières semaines.

En période de pandémie, les livreurs sont donc face à un dilemme: continuer de travailler, tout en s'exposant au risque d'être plus facilement contaminé, ou s'arrêter et subir une perte de rémunération. Car les livreurs sont contraints de recourir au statut d'auto-entrepreneur pour pouvoir travailler avec les plateformes de livraison, régulièrement accusées de salariat déguisé. Dans ce cas de figure, ils ne peuvent donc pas recourir au chômage partiel, réservé aux salariés. Ce dispositif est largement déployé depuis la pandémie du coronavirus, puisque toutes les entreprises qui subissent une baisse partielle ou totale d'activité y sont éligibles. Le chômage partiel permet ainsi d'indemniser les salariés à hauteur de 70% du salaire brut et 84% du salaire net.

C'est pourquoi le Clap prépare une pétition, qui devrait être publique dans les jours à venir, pour appeler les clients à boycotter les plateformes de livraisons en ligne et interpeller le gouvernement sur la question de l'indemnisation.

"Il est possible d'imaginer une indemnisation moyenne et personnalisée, sur la base des données fournies par les plateformes à l'URSSAF qui permettent de savoir le nombre d'heures travaillées et les montants perçus par les livreurs", avance Jérôme Pimot.

Lire aussi : Coursiers à vélo : et si le salariat était possible ?

Anaïs Cherif

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Commentaire 1
à écrit le 17/03/2020 à 17:31
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On voit bien encore une fois le fossé qui se creuse entre deux France. Entre celle du télétravail, bien confinée chez elle un yeux sur son ordinateur le second sur Canal+ en clair en attendant leurs livraisons à domicile, et celle des autres, les sou...

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