« Il faut aboutir à un Safe Harbor 2 avant le départ d'Obama »

La Cour de justice de l’Union européenne vient d’invalider l’accord « Safe Harbor » qui autorisait et encadrait le transfert de données personnelles de l’Union européenne vers les États-Unis. Mais si la négociation d’un Safe Harbor 2 est urgente, les Européens doivent d’abord se mettre d’accord entre eux.
"Notre priorité pour l’instant doit être de conclure, entre Européens, la négociation de la directive protection des données", estime Günther Öttinger.

LA TRIBUNE - Que va-t-il se passer après la décision de la Cour de justice concernant l'accord « Safe Harbor » [sphère de sécurité, qui estime que les flux actuels de données ne sont pas légaux ?

GÜNTHER ÖTTINGER - Nous avons commencé à consulter les organisations professionnelles pour comprendre quelles étaient leurs inquiétudes et voir comment leur apporter de la sécurité juridique. Ma consoeur Vera Jourova, commissaire à la Justice, consulte parallèlement les autorités de protection des données sur la manière dont il convient de réagir au jugement, avant tout pour garder une ligne européenne commune. Enfin, nous poursuivons la négociation de l'accord Safe Harbor 2, lancée en 2014. Il faut aboutir avant le départ de l'administration Obama. La première étape consiste, pour nous et nos partenaires américains, à accepter cet arrêt et en tirer les conclusions.

Pouvez-vous rassurer le citoyen européen sur les conséquences de cette décision sur le « Safe Harbor » ?

Notre priorité pour l'instant doit être de conclure, entre Européens, la négociation de la directive protection des données. Ensuite, il faudra s'assurer que Safe Harbor 2 offre un niveau de protection des données des citoyens européens transférées aux États-Unis équivalent à ce qu'il serait en Europe. Le contrôle de crédibilité de ses droits de recours est absolument clé.

Comment se positionne l'Europe dans la compétition mondiale sur le marché des données ?

Les États-Unis sont plus compétitifs dans les domaines des réseaux sociaux ou des plateformes. L'Europe l'emporte dans l'industrie et les services et devrait développer son avantage en matière numérique, par exemple dans l'e-santé, l'industrie 4.0, ou les voitures connectées. La plupart de ces services nécessiteront une excellente connectivité mobile. C'est pourquoi l'Union européenne cofinance la recherche sur le réseau 5G, dont la capacité sera 1 000 fois supérieure à ce que nous avons aujourd'hui. Nokia et Ericcson sont déjà en position de leaders. Je suis convaincu que l'on peut faire la course en tête pour le nouveau standard mobile mondial.

Comment la Commission européenne accompagne-t-elle cette évolution ?

Il y a deux ans, nous avons lancé un partenariat public-privé qui commence à porter ses fruits. Dans le programme Horizon 2020 (2014-2020), 700 millions d'euros sont disponibles (contre 50 millions entre 2007 et 2013), uniquement en cofinancements. L'industrie investit avec un facteur 5, soit jusqu'à 3,5 milliards d'euros. D'ici à 2020, la 5G peut donc être opérationnelle. Par ailleurs, nous avons besoin de standards globaux, c'est pourquoi nous avons négocié des accords avec la Corée du Sud et le Japon. Et récemment, j'étais en Chine pour signer une déclaration. J'ai demandé également à nos partenaires américains. Ils sont intéressés, tout comme les Indiens.

Google, Apple lancent leurs propres voitures. N'y a-t-il pas un risque pour qu'il arrive aux producteurs automobiles européens la même chose qu'à l'industrie de la presse, où les géants de l'Internet, parce qu'ils maîtrisent les flux de données, ont acquis une position dominante ?

Je ne suis pas certain que Google et Apple aient intérêt à se lancer dans la construction de véhicules. Mais ce qui est certain, c'est qu'ils veulent organiser la mobilité et avoir les données. Vu la popularité d'Apple, j'imagine facilement que des utilisateurs d'iPhone ou d'iPad seraient attirés par une voiture de cette marque. Donc, il s'agit clairement d'une compétition. C'est un risque dont les dirigeants de l'industrie automobile européenne sont bien conscients. Nous réfléchissons ensemble au meilleur moyen de nous organiser au niveau européen pour conserver notre compétence technique et stratégique.

Vous avez poussé à la poursuite de l'enquête sur Google. Il n'y a toujours pas de décision. Êtes-vous satisfait ?

Oui. Notre analyse est meilleure que jamais, c'était le but. Google propose un service apprécié, qui fonctionne parfaitement et dont nous nous servons au jour le jour. Mais plus une entreprise domine, plus il faut prendre garde à ce qu'elle n'abuse pas de sa position dominante.

Plus généralement, l'Europe envisage-t-elle de réglementer les plateformes comme Google, Airbnb, Uber, etc.?

Nous sommes en train de consulter. Il faut nous demander si nous pouvons nous contenter de vérifier au cas par cas si le marché fonctionne, ou bien si nos règles de concurrence ne sont pas suffisamment concrètes pour assurer le bon fonctionnement des services digitaux, auquel cas il faut en créer de nouvelles, adaptées à ces nouveaux acteurs. Une réglementation peut se traduire par de la bureaucratie mais aussi par plus de clarté et de sécurité. Nous travaillons étroitement avec la commissaire à la Concurrence sur ce sujet.

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