Le rapport Bronner évoque des pistes pour "assécher" la prolifération de la désinformation

CHRONIQUE DU "CONTRARIAN" OPTIMISTE. Le rapport élaboré par la commission d'experts présidée par le sociologue Gérard Bronner contient 30 propositions pour lutter contre la désinformation sur Internet. La plus importante porte sur l'éducation à l'esprit critique, en particulier celle des plus jeunes pour renouer avec l'esprit des Lumières.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

Internet a pris, et prendra de plus en plus, une place centrale dans nos vies, inimaginables il y a encore 30 ans, sinon dans les œuvres d'auteurs de science-fiction. L'une des conséquences est qu'il permet la prolifération instantanée à l'échelle mondiale de l'information, notamment gratuite, à tel point que l'on parle d'infobésité. Si une large partie des contenus est exacte et sourcée, celle qui relève de la désinformation a ses spécificités : infox, fake news, théories du complot, infos sensationnalistes (pour générer de l'audience), manipulations politiques organisées par des Etats...

C'est dans ce contexte que le sociologue Gérald Bronner, à la tête d'une commission d'expert pour analyser ce phénomène, a remis mardi au président Emmanuel Macron un rapport. Ce document comporte 30 recommandations pour limiter les conséquences de la "dérégulation du marché de l'information en ligne" qui met "à rude épreuve nos capacités de vigilance épistémique, ce qui nous rend davantage perméables aux fausses informations", indique-t-il.

Ne pas remettre en cause la liberté d'opinion

C'est en effet un des intérêts du texte de se pencher sur la spécificité qu'internet induit sur la façon de capter notre attention. Faisant appel aux neurosciences et aux recherches scientifiques sur les biais, il montre que nous sommes extrêmement perméables aux informations qui confirment nos opinions, d'autant plus que les algorithmes qui sont à l'œuvre sur Internet. Ils tendent à nous enfermer dans des bulles qui renforcent nos choix tout en réduisant l'ouverture à des idées susceptibles de relativiser nos certitudes en saisissant mieux la complexité du monde.

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Le travail de la commission était d'autant plus délicat qu'il fallait veiller à ne pas remettre en cause la liberté d'opinion, un des fondements de la démocratie. La feuille de route donnée à Gérald Bronner par Emmanuel Macron - qui lui-même fut victime d'une tentative de manipulation en 2017 lors de sa campagne présidentielle - invoquait d'ailleurs la nécessité de protéger "notre système démocratique hérité des Lumières". 

Autrement dit, il s'agissait de sauvegarder l'héritage de ce moment historique où l'ordre issu des croyances religieuses, des pouvoirs de droit divin et de leurs hiérarchies sociales est remis en cause par la raison, la science, l'humanisme et la démocratie, qui garantit la liberté d'opinion et de croyance.

Gérald Bronner, pour sa part, rappelle la maxime du philosophe Emmanuel Kant : "Ose savoir ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !", issu de son opuscule "Qu'est-ce que les Lumières?" (1793). Le penseur croyait "aux progrès de l'éducation et de la disponibilité de l'information, d'une société éclairée, fondée sur la raison et la connaissance", indique le rapport.

Une "Grande Cause Nationale"

L'éducation à "l'esprit critique", notamment des plus jeunes, compte d'ailleurs parmi les 30 recommandations du rapport. C'est l'une des plus ambitieuses. Il s'agit d'en faire une "Grande Cause Nationale", qui mobilise non seulement l'Éducation nationale mais l'ensemble des institutions, des ministères, des associations, des médias, des bibliothèques... pour assurer des formations et du matériel pédagogique.

Les plus jeunes sont en effet les plus touchés d'autant plus qu'ils sont immergés dès le plus jeune âge dans le monde numérique "où la distinction entre le réel et le virtuel s'efface progressivement peut entraîner des risques éthiques", note le rapport, qu'encourage par exemple une initiative comme le Métavers créé par l'ex-Facebook devenu Meta.

Parmi les autres recommandations, il y a celles qui portent sur le volet technique, en faisant travailler ensemble les institutions scientifiques et les plateformes pour calibrer les algorithmes ou la hiérarchie des liens proposés dans les moteurs de recherche, ce qui passe par l'investissement dans la recherche scientifique publique pour améliorer les connaissances sur la désinformation en ligne.

D'autres relèvent du champ juridique, pour responsabiliser davantage les plateformes ou les entreprises, en particulier les médias, sur les publicités proposées sur les sites ("les liens sponsorisés renvoyant vers des sites pièges à clics de désinformation"). Ou encore en imposant des sanctions pénales à la diffusion publique de fausses nouvelles sur les différents canaux numériques, avec, précise le rapport,  "comme définition de référence pour la détermination de ce qui constitue une fausse nouvelle répréhensible dont le retrait ne porterait pas une atteinte injustifiée à l'exercice de la liberté d'expression".

Le moment d'une publication n'est pas anodin

Sur le plan institutionnel, le rapport recommande des mesures visant à renforcer la cyberdéfense et la cybersécurité, notamment lors de processus électoraux dans les démocraties, qui ont fait l'objet d'ingérences étrangères.

Le but de ces recommandations est d'"assécher la désinformation" à moyen terme et à éduquer sur le long terme afin qu'internet soit le véritable outil de progrès qu'il promettait à ses débuts.

Evidemment, le moment choisi pour publié ce rapport à quelques semaines de la présidentielle n'est pas anodin. Il pourra représenter un argument de plus en faveur du candidat Macron. Mais son contenu sera toujours d'actualité, quel que soit le futur hôte de l'Elysée.

Robert Jules

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Commentaires 5
à écrit le 16/01/2022 à 12:30
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Les parasites d'Etat, sociologues, politologues etc... Au moins un podologue et un proctologues servent à quelque chose... Ils ont été jusqu'à singer le nom de ces professions de santé pour acquérir une légitimité. Que d'emplois ficitifs pour souteni...

à écrit le 15/01/2022 à 22:59
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La commission Bronner n'est ni plus ni moins que l'Inquisition à la Macron. La secte LREM/Modem/Ecolo/Gauche woke/mondialiste, sur ordre du NWO, du WEF et de ceux qui les dirigent, déclare ce qui juste et injuste, ce qui est bien et mal, ce qui doit ...

à écrit le 15/01/2022 à 9:19
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La liberté d'opinion on s'en tape c'est la liberté d'information qu'il ne faut pas remettre en cause, or avec internet les gens sont beaucoup plus et mieux informés malgré tout qu'avec les médias classiques auparavant encore une fois on prend le prob...

à écrit le 15/01/2022 à 8:16
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"C'est dans ce contexte que le sociologue Gérald Bronner, à la tête d'une commission d'expert pour analyser ce phénomène, a remis mardi au président Emmanuel Macron un rapport." A noter; que parmi les experts ,il y avait Guy Vallancien.La pneumol...

à écrit le 14/01/2022 à 19:05
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wow, la belle intention! les Lumieres qui luttent contre l'obscurantisme religieux! excellent! on oublie que Voltaire , d'Alembert et Diderot etudiaient la philosophie, donc les maths et la physique ' du temps', un peu de biologie, et consors, et der...

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